Déconnecter les cadres : une fausse bonne idée ?

Michel Holtz

Ce n'était qu'un accord de branche pour les cadres avant de devenir une loi. Le principe du droit à la déconnexion ? Obliger les salariés à se déconnecter de leurs PC, tablettes ou smartphones après leurs heures de travail. A l’étranger, les médias se moquent déjà de ces Français qui « rendent le travail après 18 heures illégal ». Ici aussi, certaines entreprises se montrent peu enthousiastes.

L’idée est née d’un constat simple : les cadres au forfait jours doivent observer un minimum de onze heures de repos quotidien. Or, la généralisation des outils nomades a une fâcheuse tendance à transformer ces heures de loisirs en heures supplémentaires pas comptabilisées pour un sou. Alors la CFDT et la CGC ont organisé l’offensive de la déconnexion numérique le soir, le week-end et durant les vacances. Et les deux syndicats viennent de gagner une première bataille. Après six mois de négociations, elles ont signé un accord avec deux branches, grosses employeuses de cadres : le Syntec pour les sociétés d’ingénierie et de conseil et le Cinov qui fédère les bureaux d’études. La mesure touche donc 800.000 salariés depuis le 1ᵉʳ avril.

Evidemment, on est très loin d’une généralisation de la pratique. Mais pour la presse anglo-saxonne, c’est comme si c’était fait. Et de se gausser des pratiques hexagonales en expliquant, selon un raccourci pour le moins hardi, que « les Français viennent de rendre le travail après 18 heures illégal ». De quoi faire sourire Annick Roy de la CFDT qui s’est chargée du dossier. « En France, les réticences sont également réelles, mais elles sont d’un autre ordre. On va la mesurer durant ces six prochains mois, avant de généraliser l’accord avec les autres branches ».

De nombreuses entreprises opposent en effet à cette mesure des difficultés de mise en place. « C’est ce que disent les directions, pas les salariés, affirme Annick Roy. Mais ces difficultés, qu’elles sont-elles ? Certains évoquent des problèmes d’ordre technique. Or, rien de plus simple que de couper les serveurs à des heures précises ». Ces difficultés semblent aussi être d’ordre organisationnel. Car désormais, les cadres qui planchent sur un dossier le week-end et envoient des mails pourront récupérer ce temps de travail dans la semaine. Mais comment évaluer le temps passé pour l’envoi d’un courriel ? C’est un décompte tout en finesse et en dentelle, chronomètre en main, que vont devoir effectuer les DRH dans les branches concernées. Un cauchemar pour certaines directions des ressources humaines… ce qui ne semble pas freiner Annick Roy : « pour cette cause-là, je veux bien devenir un cauchemar de DRH ».

Michel Holtz © Cadremploi.fr

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