Le « silence des cadres » ou le cri étouffé du middle management

Michel Holtz

Tais toi et souffre. C’est l’injonction faite aux cadres : stressés, épuisés par des journées sans fin, ils n’expriment pas cette souffrance. Le sociologue Denis Monneuse a pourtant réussi à en faire parler 200 d’entre eux. De ce malaise, il a tiré son nouvel ouvrage, justement intitulé « le silence des cadres » (1).

Pour lui, l’une des causes profondes de leur mal être tient au fait « qu’on leur demande de manager, mais qu’eux mêmes ne sont pas managés.» Cette curieuse situation, le chercheur la définit comme le « management Excel ». Une relation avec leur N+1 uniquement basée sur les chiffres. « En début d’année, ils reçoivent un fichier Excel avec leurs objectifs à accomplir et n’en entendent plus parler qu’au moment ou on leur demande des comptes. » Et de citer les témoignages de ce manque de contact humain, « de ces cadres qui ne parviennent à rencontrer leur supérieur qu’entre deux réunions, ou dans l’ascenseur. Et lorsqu’ils ont enfin rendez-vous avec lui, c’est après des mois d’attente »... Lorsqu’ils l’obtiennent. Denis Monneuse cite ainsi ce cadre qui lui a confié que la seule manière qu’il avait trouvé pour échanger avec sa supérieure, c’était par mail. « Mais à partir de 23 heures uniquement: seul moment où elle était disponible, après sa journée de travail, et après avoir couché les enfants. »

Un énorme besoin de reconnaissance

Cet isolement des cadres « qui ont l’impression d’être écoutés, mais pas entendus » les poussent à se refermer sur eux-mêmes et à cultiver leur malaise en silence. « Ils ont un énorme sentiment de manque de reconnaissance, qui n’est pas forcément une réalité, d’ailleurs ». Car les cadres dirigeants, comme les patrons qui supervisent les cols blancs s’imaginent que, puisqu’ils sont cadres, ils se débrouillent parfaitement tous seuls, sans qu’il soit nécessaire de leur montrer de la gratitude.

Mais comme il n’y a pas d’amour sans preuves d’amour, il n’y a pas de reconnaissance qui vaille sans quelques signes qui l’attestent. « Et pas seulement d’ordre financier. La plupart des dirgeants s’imaginent que l’argent va régler tous les malaises. » Ils se trompent. Et ce livre est un véritable SOS lancé par les salariés du middle management à ceux qui les gouvernent.

(1) Denis Monneuse - Le silence des cadres – Editions Vuibert – 19 euros.

Michel Holtz © Cadremploi.fr

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