La Cour d'appel de Limoges retoque le forfait jour

Michel Holtz

On n’a pas fini de vous compter la lente agonie du forfait jour. Cette spécificité française permet aux cadres de travailler bien au-delà des 35 heures. Ici et , on vous a narré l’embrouillamini technico-juridique que suscite cette pratique et très régulièrement les tribunaux pourfendent un peu plus encore la carapace de ce statut.

Un peu plus de 100 000 euros pour le salarié

Dernier coup d’estoque en date, la décision de la chambre sociale de la Cour d’appel de Limoges, rendue le 4 juin. Elle a estimé que, dans l'affaire d'un chef de rayon d’hypermarché l’opposant à son employeur, ce dernier avait largement abusé du fameux forfait. Le plaignant travaillait, selon son avocat cité par le populaire.fr, « 67,5 heures par semaine. Et malgré son salaire de 2365 euros brut par mois, il gagnait, au taux horaire, presqu’autant que sa collègue caissière, travaillant quant à elle 35 heures ». D’ou la colère, et la plainte, du chef de rayon. D’autant que l’employeur ne respectait nullement les temps de repos obligatoires. Les juges lui ont donné raison, et l’enseigne de grande distribution a été condamnée à verser à son ex-salarié un peu plus de 100 000 euros.

Un cadre au forfait jour doit être "autonome"

Mais, en fait, ce que semble remettre en cause le tribunal dans le forfait jour va au-delà des horaires à rallonge qu’il peut impliquer.  Ce sont les conditions pour bénéficier de ce statut qui posent problème aux juges. Ils ont retoqué le contrat cadre du plaignant, estimant qu’il ne pouvait pas en bénéficier. Car un cadre au forfait jour doit être « autonome dans l’organisation de son emploi du temps ». Ce qui ne semblait pas être le cas du chef de rayon, sa direction lui donnant, quotidiennement, un planning à respecter.

La grande distrib' dans la ligne de mire

Evidemment, on peut se dire que ce cas limougeaud est exceptionnel. « Pas vraiment. La grande distribution est un secteur coutumier du fait », estime l’avocat Olivier d'Ardalhon de Miramon. Ce dernier s’est spécialisé dans la défense des cadres et instruit en ce moment même une affaire similaire dans une autre enseigne. « Mais le problème se pose dans tous les secteurs. Parmi les 70% de cadres qui travaillent au forfait jours, nombreux sont ceux qui ne soucient pas de leurs droits. Qui ne savent pas que le forfait jour doit faire l’objet d’une convention écrite et signée. Il doit aussi être évoqué au cours de l’entretien annuel. Mais combien d’entreprises procèdent de cette manière ? » En outre, combien de cadres savent que le temps de repos, forfait jour ou pas, doit être « de 11 heures consécutives entre deux journées de travail » ? Même dans les hypermarchés de Limoges.

Michel Holtz © Cadremploi.fr

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