Entretien avec Sébastien Stoitzner, Dirigeant Fondateur de GenSearch

[Publi-rédactionnel]

Le secteur de la santé a-t-il des spécificités ?

Plus que tout autre secteur, les industries de santé sont soumises à une double contrainte : un cadre réglementaire strict garantissant l’intérêt et la qualité des produits mis sur le marché assorti d’un cadre économique imposé dans la mesure où au sein de l’Union Européenne le prix des produits de santé pris en charge par l’assurance maladie est fixé par les autorités de santé. C’est en quelque sorte un secteur administré dans lequel par ailleurs, les établissements de santé, clients de ces industries, évoluent eux-mêmes dans un cadre imposé avec des tarifications à l’acte également définies par les ministères de la santé.

C’est donc avec l’ensemble de ces paramètres que les industries de santé doivent être capables de jongler sur un marché où la concurrence est forte.

Quelle évolution connaît-il aujourd’hui ?

Sur les marchés européens matures dotés d’un système de remboursement pour lesquels la maîtrise des dépenses de santé reste le leitmotiv, le secteur a été fortement chahuté ces dernières années, ce qui s’est concrètement traduit par des plans de réorganisations assez massifs qui ont fortement impactés les organisations commerciales. De fait la croissance qui les caractérisait jusque-là est aujourd’hui plus difficile à aller chercher excepté lorsqu’une réelle innovation thérapeutique arrive sur le marché.

Dans le même temps, les industriels de la santé ont démarré les adaptations nécessaires à l’évolution du marché en conduisant des changements structurels et organisationnels.

Quelles sont les conséquences de ces évolutions ?

Les conséquences ont été à différents niveaux. D’une part le rôle et de fait les profils recrutés dans les réseaux commerciaux sont revus pour élargir la relation privilégiée au médecin ou chirurgien à un public plus large de professionnels et d’acteurs de santé auprès desquels, il est nécessaire de déployer une politique de services à forte valeur ajoutée qui va bien au-delà du seul produit.

D’autre part, les structures réglementaires, qualité et plus globalement de compliance ont également été renforcées pour répondre à un cadre législatif en évolution. Les métiers de la « Supply Chain » sont également transformés pour gagner en efficacité.

Enfin, dans tous les pays européens, en amont, les conditions d’accès au marché se sont durcies ce qui s’est traduit par la nécessité d’apporter de la compétence en économie de la santé, modélisation médico-économique et accès au marché afin d’apporter la preuve de l’intérêt des produits commercialisés pour le patient non seulement pendant les phases de développement mais également en vie réelle et d’avoir des estimations fines des coûts associés pour la collectivité.

De façon plus large, les industriels de la santé travaillent également sur les programmes de prise en charge des patients, notamment dans le domaine des maladies chroniques afin d’apporter conseil et support aux états pour assurer la viabilité à long terme des systèmes de remboursement. Ils deviennent ainsi acteurs à part entière d’un système de santé dont ils bénéficient par ailleurs.

Tout ce contexte crée au final de belles opportunités à saisir dans une industrie innovante dont la préoccupation majeure est de faire bénéficier le patient de solutions thérapeutiques efficaces.

En terme de prospective pour les 15 ans à venir, quelles pourraient être les transformations ?

Les mutations ne sont pas terminées et au-delà de fusions et consolidations, on assiste à une réflexion de fond sur la prise en charge des patients et le rôle des industriels dans cette prise en charge notamment dans les pathologies chroniques pour aller au-delà du produit et apporter des solutions.

On voit ainsi se développer au niveau européen de nombreuses initiatives dans la mise en place non seulement de recommandations de prises en charge mais également de programmes complets avec l’apparition de nouveaux acteurs, véritables « opérateurs de santé » dans un rôle de déploiement et coordination de protocoles et de soins. Le produit de santé en tant que tel, médicament, dispositif médical ou équipement, devient alors une des composantes de la prise en charge qui s’articule autour de recommandation de parcours de soin, de centres d’appels, d’infirmières qui peuvent intervenir par téléphone ou au domicile du patient, de sites web ou applications dédiées permettant au patient un meilleure compréhension de sa pathologie et une meilleure adhérence à son traitement.

Dans ce contexte, le suivi à distance est nécessaire et les équipements technologiques de télémédecine sont particulièrement importants.

On voit donc se dessiner peu à peu un nouveau modèle de prise en charge du patient dans lequel il est nécessaire d’avoir un chef d’orchestre/coordinateur, capable de faire interagir des acteurs différents.

A ce stade, il n’est pas encore aisé de déterminer qui seront les acteurs de santé qui vont se positionner de façon forte dans ces métiers : prestataires de service en hospitalisation à domicile, assureurs proposant de l’assistance médicale, industriels de santé par le biais de spin-off, fournisseurs de solutions de télémédecine, nouveaux entrants ? Un certains nombres de pilotes sont actuellement à l’étude sur le marché européen mais le vrai changement pourra intervenir lorsque les autorités de santé mettront en place de véritables appels d’offres sur la prise en charge des patients et ne segmenteront plus produit et service.

Tout cela conduira alors à une nouvelle transformation en profondeur du secteur.

Quel conseil donneriez-vous aux cadres de ce secteur ?

Restez vigilants car si le marché reste aujourd’hui centré sur le produit, ce ne sera plus le cas demain, ou après-demain. Restez ouverts aux nouvelles approches car la mutation est en route et elle sera plus profonde que celle des 25 dernières années qui n’était finalement qu’une consolidation pour faire surgir des acteurs de taille suffisante. Là c’est l’intégralité de l’organisation du système de santé qui est en mouvement.

De fait il y a cette nécessité de « forcer » l’ouverture d’esprit pour être capable de sentir et saisir les approches innovantes quand bien même elles ne semblent pas répondre de façon immédiate à votre idéal de parcours de carrière car c’est vraisemblablement là que se jouera le marché de demain.

Pour en savoir plus : www.gensearch-consulting.com