Sébastien Chevrel, DG de Devoteam : "Nous formons nos salariés pour anticiper les ruptures technologiques"

Sylvia Di Pasquale

Comme de nombreuses entreprises de conseil cette année, Devoteam recrute pour accompagner les transformations digitales de ses clients. Son directeur général, Sébastien Chevrel, est venu détailler la face cachée de cet employeur qui innove dans ses propres processus de recrutement et les types de formations qu’il offre en permanence à ses salariés.

Interview intégrale (ci-dessous) et extraits video (ci-dessus)

 

Cadremploi : Devoteam est spécialisé dans les technologies innovantes. Qu’avez-vous réalisé pour vos clients récemment ?

Sébastien Chevrel : Je vous emmène dans le monde merveilleux des SMACS (Social, média, analytics, cloud et Sécurité). Deux exemples d’innovations que nous avons réalisées pour nos clients : d’abord pour le plus grand groupe d’hôtellerie européen. Confronté à la concurrence des  OTA (online  travel agency) comme LastMinute, Booking, etc, c’est fondamental pour notre client de se réinventer, de réfléchir à son parcours client. Du moment du rêve et de la réservation en amont, quand vous êtes chez vous, sur votre  iPad ou votre PC, jusqu’à l’arrivée au guichet, le checking, la clé électronique, le check out… Et puis même après, pour poursuivre cette expérience, pour partager. Devoteam conseille ce groupe d’hôtellerie sur son parcours client : sur le volet technologique, parce qu’on enchaine des équipements différents mais aussi sur l’usage, le design thinking, la conduite du changement et la gestion de projet. Autre exemple : vous êtes dans votre Mercedes Daimler et on sait tous que c’est fastidieux d’aller déposer sa voiture au garage pour faire une révision. Cette Mercedes communique, via ses 75 capteurs, régulièrement l’état de santé des essuies-glasses, des freins, de l’huile, etc.  De ce fait, quand vous arrivez au garage de la concession Mercedes, il est déjà prévenu de ce qui ne va pas, les techniciens vous attendent, ils ont fait le diagnostic et donc votre parcours à vous est beaucoup plus fluide. Vous arrivez et vous repartez sans perdre de temps. Ce qu’a fait Devoteam, c’est de récolter, traiter, analyser ces infos pour les transmettre au garage.

 

Vous voulez recruter 1000 collaborateurs en 2016. A fin mai, vous en avez recruté combien et il vous en reste combien encore ?

On est « on track » sur l’objectif. On en recruté 400. Il reste 600 « digital transformakers » à recruter. Au global, nous visons 600 recrutements pour la France et 1000 dans le groupe puisqu’on est aussi présent à l’international, dans 20 pays. Parmi les 1000, nous souhaitons  recruter 35% de jeunes diplômés, de 0 à 3 ans d’expérience.

 

Pour combler quels besoin de vos clients avez-vous besoin de recruter ?

Pour les accompagner dans leur élan de transformation digitale. Aujourd’hui cette bataille du digital touche toutes les grandes entreprises et n’est plus réservée à des startups ou des licornes comme Airbnb ou Spotify. Aujourd’hui, nos clients sont obligés d’investir dans leurs transformations. D'où nos besoins en recrutement.

 

Vous recherchez des managers, des commerciaux, des ingénieurs, des fonctions support… dans 3 grandes activités : le conseil en technologie, le conseil en management et le digital. Quels sont selon vous les profils les plus difficiles à trouver ?

Il y en a pas mal… D’abord les profils spécialistes de la cyber-sécurité. Dans les autos notamment, il y a de plus en plus de capteurs donc des besoins de sécurisation. Ensuite il y a les spécialistes de la donnée. Big data, smart data, datscientists…. Difficile aussi à recruter.

De même que les compétences autour de l’agilité. Aujourd’hui, le digital amène de nouvelles manières de concevoir les services, les produits et nous devons repenser la manière dont les clients travaillent. Notamment via des méthodologies agiles comme le Scrum, le DevOps ou le BizDevOps… Tout le principe c’est de connecter au mieux les métiers avec les infrastructures et d’aller en intégration continue.

 

Les candidats qui possèdent une de ces compétences rares sont très courtisés par les ESN. Pourquoi choisiraient-ils Devoteam ?

Parce qu’on leur propose de rejoindre une « tribu » de 4000 collaborateurs qu’on appelle des « digital transformakers », qui a un appétit pour les transformations digitales. Elle baigne dans un environnement hyper connecté et collaboratif. Pour se relier, ils ont notamment un réseau social interne très au point. Nous n’avons pas interdit les mails mais on a remarqué qu’ils avaient significativement baissé puisque les collaborateurs, qu’ils soient chez le client ou au siège, échangent beaucoup via ce réseau.

 

Votre différence, c’est que quand on rentre chez vous, on n’est pas tout seul chez le client, on est relié à la tribu ?

Oui

 

Est-ce que vous formez vos collaborateurs aux métiers qui vont arriver dans 3-4-5 ans ?

Nous avons eu 1321 formations dispensées en 2015,  l’équivalent d’environ 20 000 heures. 67% des collaborateurs ont été formés. Nous sommes une entreprise apprenante, c’est fondamental pour nous. L’ancienneté moyenne est de 6,5 ans. Un jeune collaborateur qui rentre chez nous aujourd’hui, même avec une expertise, aura complètement changé sa zone d’expertise dans 5 ou 6 ans. C’est fondamental de former nos salariés au fil des ruptures technologiques. On a mis en place une Devoteam Université avec des formations en présentielles, en ligne, des Mooc, une bibliothèque numérique. Et, très important, nous offrons des certifications externes, avec des partenaires comme Google (nous sommes son premier partenaire européen),  salesforce, Reda… Et des certifications en interne également : sur notre réseau social d’entreprise, il y a des « communautés de connaissances » qui se challengent sur des certifications internes autour du Cloud ou de la sécurité. D’ailleurs, certaines de ces formations ont été initié en interne et sont aujourd’hui des certifications externes : UX-PM par exemple (Axance) a mis en place une certification de design thinking, de gestion de projet dans l’expérience utilisateur et aujourd’hui c’est une référence externe utilisée par d’autres ESN et par d’autres clients.

 

Qu’avez-vous prévu pour que le salarié en mission chez un client se sente un salarié de Devoteam ?

Effectivement, nos salariés passent 85% de leur temps chez les clients. Tout l’enjeu est de les garder connectés et formés. Nous avons donc fortement investi sur une organisation « horizontale », en complément de l’organisation business « verticale » : nous avons un grand nombre de RH opérationnels, de patrons de centres de compétences qui sont mesurés au nombre de contacts avec les salariés en mission. On les évalue sur la gestion de carrière, la satisfaction des collaborateurs, le turnover. Nous leur demandons une proximité physique : ils ne font pas que les appeler, ils vont aussi sur site régulièrement. De plus, on a une enquête de satisfaction mensuelle (qui donne une météo globale mais aussi individuelle) 2 comités carrière par an pour chaque collaborateur. Les opérationnels organisent aussi des afterworks dans des endroits proches des locaux du client, avec des personnes du siège. Pour garder le contact toujours.

 

Côté salaires, est-ce que vos salariés sont bien payés ? Est-ce que Devoteam fait la différence sur ce critère ?

Nous proposons des salaires conformes à ceux du marché. Nous faisons des benchmarks réguliers pour le vérifier, nous suivons les évolutions technologiques bien sûr. Vous n’êtes pas forcément plus payés que chez les autres mais vous êtes au prix du marché. Fixe + variable qui dépend de votre ancienneté. En fonction des filiales, s’ajoute l’intéressement et la participation. On a aussi mis en place un plan d’épargne groupe. Qui permet par exemple d’acheter des actions Devoteam et de bénéficier d’un abondement : pour une action achetée, une action est offerte.

 

L’actionnariat salarié est-il développé chez vous ?

On commence à la mettre en place pour une ligne de management mais c’est naissant.

 

Devoteam est  présent dans 20 pays. 40 collaborateurs sur 4000 ont changé de pays l’an passé. C’est peu. La promesse « carrière internationale » ne semble pas très développée chez vous…

Pas tout à fait. Le contexte international est présent tous les jours : au travers de nos grands comptes comme Airbus, Sanofi,  Santander, Vodafone…. nos collaborateurs travaillent dans différents pays. L’anglais est obligatoire pour entrer chez nous. Les « communautés d’expertise » proposent aussi des contextes internationaux.

 

 

Vous utilisez une google Visioobox au cours du process de recrutement. Une sorte de cabine téléphonique dans laquelle le candidat est immergé (voir image à l’écran). Mais immergé dans quoi ?

Nous lui proposons un parcours hybride qui commence dans cette « box ». On s’y débarrasse de tout le volet administratif qui sera centralisé une bonne fois pour toute. Dans cette box, le candidat termine de renseigner son dossier. Ensuite, il plonge en immersion dans la vie de l’entreprise pour voir les locaux, comprendre les projets, avoir une meilleure compréhension de la gestion de carrière. Et on termine généralement sur un test technique, pour les profils techno en tous cas. Evidemment, ça ne se substitue pas aux entretiens d’après, qui s’enchainent. Mais on remarque que les entretiens physiques ont pris une nature différente. Parce qu’on s’est débarrassé du volet un peu classique de présentation de la société. Pour tout de suite plonger dans un échange de compréhension des besoins, d’échanges sur les projets, etc.

 

Le recruteur a-t-il les résultats des tests du candidat quand il le reçoit ?

Pas forcément car les entretiens peuvent s’enchainer relativement vite. Nous faisons du « test and learn », on verra si cela fonctionne. 

 

Quelles autres « expériences » le candidat peut-il vivre chez vous ?

J’insiste : il y a quelque chose de plus profond chez nous dans la façon d’appréhender les candidats : on croit beaucoup plus à un monde ouvert. On aime faire se rencontrer les candidats et nos consultants. Par exemple on fait sauter cette frontière dans nos Job Dating classique (nous en proposons un le 16 juin prochain). Mais nous avons surtout nos « Meet the guru » chaque mois.  Ce sont des conférences ouvertes à tous, autour d’un expert sur la cyber-sécurité, la gestion des risques, l’agilité etc. Les candidats sont les bienvenus. Nous les convions aussi à nos « soirées de l’innovation ». Grâce à ces événements, ils peuvent rencontrer des salariés, se muscler sur des compétences techniques et échanger avec des experts. Ils rentrent dans un monde ouvert, transparent, dans lequel on essaie de faire sauter la cloison entre le candidat et l’entreprise.

 

Combien de temps dure le process de recrutement ?

3 à 4 semaines mais il peut être plus long. Certains candidats viennent à 4 ou 5 « Meet the guru »… et finissent par nous rejoindre au bout d’un an.

 

Et la cooptation ?

35% des candidats arrivent via la cooptation. Et nous l’apprécions beaucoup.

 

Propos recueillis par Sylvia Di Pasquale ©Cadremploi 2016

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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