Antoine Morgaut (Robert Walters) : "Les process de recrutement sont trop longs"

Sylvia Di Pasquale

Le patron français du cabinet Robert Walters dénonce le manque de courage des recruteurs lors des embauches. Mais il regrette aussi la peur des candidats trop conditionnés par la recherche de la sécurité de l’emploi.

Il a décidé de parler. De rompre le silence imposé par une profession qui ne devrait pas lui en tenir rigueur puisqu’il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Antoine Morgaut, le patron du cabinet Robert Walters pour l’Europe et l’Amérique latine, souhaite asséner ses vérités. Sa cible : les méthodes d’embauches franco-françaises et en particulier « les process de recrutement trop longs ». Les périodes d’essai ? Même défaut. « Ces périodes qui peuvent aller jusqu’à 7 mois sont complètement démotivantes pour la majorité des cadres. » Et l’homme d’égrener les chiffres qui font mal : « Les cadres changent d’entreprise tous les quinze ans en moyenne. Et 6 % seulement, parmi les plus de 4 millions de cols blancs, sont réellement mobiles chaque année ».

Manque de courage

En cause : la peur du changement pour les cadres et la peur de licenciements trop fastidieux pour les employeurs. Autant d’obstacles, selon lui, à la fluidité du marché de l’emploi. Cette peur se traduit par une hyper-sélection via de multiples entretiens et des recruteurs qui hésitent parfois des mois. « Malheureusement, après les deux premières semaines d’évaluation légitime, on se met à noyer la décision par tout un tas d’arguments qui compliquent la décision au lieu de l’aider. Du coup, plus personne ne décide. Ces hésitations se sont accentuées avec la crise. » Résultat : pour le spécialiste du recrutement, le besoin de sécurité des recruteurs l’emporte sur le courage.

Peur de se tromper

Même travers du côté des candidats. « Ils n’osent pas prendre le risque de 6 mois d’essai dans une nouvelle entreprise lorsqu’ils sont au chaud dans leur poste. Les cadres veulent bouger, mais ils ne le font pas par peur. » Et comme si ces freins ne ralentissaient pas suffisamment la mobilité, Antoine Morgaut, embraye sur son autre cheval de bataille, cette autre sclérose de l’emploi français : la dictature du diplôme. « C’est une maladie dont l’Hexagone ne parvient pas à guérir. Quand on regarde le CV d’un cadre âgé de cinquante ans qui a déjà une longue expérience et qu’on lui parle du diplôme qu’il a obtenu à 24 ans, il y a un problème. » Un fonctionnement par la peur de se tromper là encore, explique Antoine Morgaut. « Une manière de recruter entre soi, parce que l’on sort du même établissement. Un fonctionnement de secte. » 

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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