2015 : annus algorithmus horribilis

Sylvia Di Pasquale

L’année prochaine ? Elle sera algorithmique ou ne sera pas. Tiens, je vous fiche mon billet que dès le début 2015, tous les gourous chercheurs de poux, tous les sachants du plein-temps et les bisons futés des RH numérisés vont adouber ces petits calculs. Tous vont aduler tel logiciel qui déchire, telle appli qui va révolutionner la recherche de boulot ou cet algorithme qui va corréler la bonne offre avec le bon candidat. Mouliner des profils, les mixer avec des fiches de poste et le tour sera joué. Pour nous faire croire que le recrutement, c’est simple comme un calculateur informatique.

Dernier avatar en date, l’appli de l’américain Clover permet de savoir, profession par profession, quels types de relations chacun recherche. Un acteur ? C’est un accro du sexe. Un pharmacien ? Il est en quête d’amour. Un toubib ? Il rêve de se faire des amis. Quant au spécialiste des relations publiques, il cherche du cool dans les contacts humains.

Évidemment, certains ringards d’un autre siècle et quelques réactionnaires du bon-temps-d-avant vont s’offusquer, hurler à la caricature et déplorer la pauvreté du procédé. On leur répondra qu’ils n’ont qu’à se flageller à grands coups de minitel, de fax et de télex. Que l’heure est aux sites d’offres d’emploi qui « matchent » comme on dit au XXIe siècle. Aux fiches de poste abrégées, pour savoir si ça « impacte ».

Parce que franchement, la grande incertitude du recrutement, celle d’un DRH qui doute, qui peut se dire qu’un candidat qui ne rentre pas pile poil dans les cases pourrait donner une impulsion différente à la fonction, voire l’améliorer, c’est totalement has been

En revanche, avec un bon petit algorithme, on est sûr de cloner à l’exact une compétence confortable pour tous, avec une autre compétence reconnaissable par tous. Comme le résumait l’économiste Guillemette Larquier que j’ai déjà citée ici, « une tendance néfaste, qui consiste à fantasmer le recrutement idéal plutôt que de se demander comment améliorer les compétences que l’on recrutera ». Comme ça, au moins, rien ne changera et l’immobilisme vaincra. Parfois, les réacs ne sont pas ceux que l’on croit.

Sylvia Di Pasquale

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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