Cadres autonomes, pour de vrai ?

Sylvia Di Pasquale

Cadres autonomes, pour de vrai ?

Et si, parfois, les DRH étaient les fossoyeurs de leurs propres combats ? Comme celui qui consiste à attirer, puis garder, des cadres de plus en plus épris de liberté. Aujourd’hui, les indépendants, les actifs non-salariés en langage Insee, ont progressé de 26 % en 5 ans en France. C’est beaucoup. Les DRH le savent et s’interrogent.

En tous cas, nombre d’entre eux se rendront demain au salon HR Tech Europe à Paris avec le risque de retourner à leur bureau avec des solutions plein les bras qu’ils auront dégottées là-bas. Car, en plus des colloques et speechs divers – dont celui de Richard Branson, le créateur de Virgin –  80 entreprises viendront y vendre les dernières trouvailles RH. Des outils archi-techno censés faciliter la vie des cadres, comme ceux qui doivent sauver la vie de ceux (en gros tout le monde) dévorés par les tonnes de mails à traiter toute la sainte journée.

Un exemple parmi d’autres, la plateforme Planzone leur permet de se passer des mails, grâce au travail en projet collaboratif. Toujours reliés aux collègues en temps réel, ils vont sacrément gagner du temps. Mais quand s’arrête le temps réel ? Les mails, au moins, on peut ne pas les ouvrir. Cette nouvelle solution, sous couvert, et en toute bonne foi, de leur faciliter la vie, va donc les fliquer encore un peu plus, leur coller un fil à la patte supplémentaire. D’ailleurs, elle promet « une gestion de ressources pour visualiser surcharges et disponibilités de chacun ». Et quand ils vont faire pipi, ça compte en « disponibilité » ou en « surcharge » ?

D’ailleurs la plateforme s’adapte sûrement à tous les instruments nomades pour que les déplacements des cadres soient, eux aussi, « collaboratifs ». Comme tous ces logiciels de géolocalisation forcément disponibles au salon. Une technologie immatérielle aux conséquences on ne peut plus réelles. On se rend compte petit à petit que les avancées technologiques de ces outils qui permettent de dissocier le lieu et l'horaire de travail lui-même, changent plus profondément  le management et la vie des cadres qu'on ne l’avait imaginé. Jamais perdu, grâce à eux, jamais coupé de mon entreprise, de mes collègues ni de mes boss mais surtout, jamais seul. Et jamais vraiment autonome.

Mais au fait, l’autonomie n’est-elle pas le leitmotiv qui revient dans toutes les offres d’emploi à destination des cadres ? Elle serait donc réservée à la vitrine du recrutement ? Comme si, une fois au boulot, la bonne vieille gestion du personnel à la papa reprenait ses droits. Plutôt que de faire confiance aux salariés, surveillons-les. Sauf que les collaborateurs, surtout parmi les plus jeunes, aspirent à plus de liberté et se méfient des carcans.

C’est l’équation à résoudre par nos DRH, qui tentent de faire copain-copain avec cette génération en la prenant par l’épaule. Et en profitent pour lui coller dans le dos une balise pour mieux la pister. Les mêmes directeurs des ressources humaines se rassurent en se disant que les rangs grossissants des actifs non-salariés ne sont que 10 % de ceux qui sont en âge de travailler. Mais on ne peut s’empêcher de penser qu’ils sont loin d’être les moins qualifiés et les moins futés, tous ceux qui considèrent que chercher des clients, c'est plus sympa que de chercher un patron. Surtout un patron qui leur fasse confiance.

 

Sylvia Di Pasquale

Dessin de Charles Monnier

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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