Complainte pour une augmentation

Sylvia Di Pasquale

On se sent tout petit, ces temps-ci. Tout penaud aussi. Faut dire qu'il y a trois mois, le 15 septembre précisément, on attaquait une rentrée chaude bouillante, bardé d'objectifs pulvérisés et de nouveaux projets pour passer la surmultipliée. Des résultats et des ambitions qui allaient nous précipiter illico en pole position pour les augmentations de janvier 2009. Et puis, ce même jour, tout s'est enrayé. A commencer par Lehman Brothers qui, ce 15 septembre, s'est retrouvé à la rue, entraînant tout ce qu'on sait et tout ce qu'on ne sait pas encore.

Du coup, ce matin, à l'heure des évaluations de fin d'année, des rétropédalages des objectifs 2009, des budgets plombés pour une décennie, on en mène beaucoup moins large. Pas simple d'aller réclamer 3 ou 5 % d'augmentation de son salaire annuel, quand tombe sur le petit coin de notre business plan personnel les chiffres hallucinants des lances à incendie internationales.

700 milliards par là, 26 milliards par ici pour tenter d'éteindre un brasier encore attisé par les 50 milliards escroqués par le peu fréquentable Bernard Madoff, ex-président du Nasdaq et futur guest star à plein temps de Prison Break. Des chiffres qu'il n'est même plus nécessaire de traduire en dollars ou en euros pour avoir le tournis et pour se rendre compte d'une évidence : on est dans une mouise internationale.

Alors ? On rase les murs en attendant 2014 (date fixée par ceux qui nous gouvernent pour retrouver un équilibre budgétaire) ? Et en attendant l'éclaircie on se contente de boucler la porte de son bureau et de laisser passer le cyclone ? Outre que la majorité des cadres bossent en open space, ce qui rend problématique l'enfermement, c'est peut-être le moment où jamais de se la jouer gagnant. Tel Amaury Leveaux, on a mérité nos médailles dans le grand bain du business.

Ce qui est pris n'est plus à prendre et tout travail, surtout s'il est bien accompli, mérite récompense. On peut enfiler d'autres perles serties de lieux communs jusqu'à la fin de l'année, mais on peut aussi estimer que ce que l'on réclame est justifié. En juste rétribution de ce qui a été fait et en rémunération motivante sur ce qui doit être entrepris. Car c'est évidemment dans les projets que se résoudront les problèmes des entreprises, surtout en temps de crise.

Evidemment, la DRH relayant la direction financière, relayant la direction générale, relayant les actionnaires, relayant les courtiers, relayant Wall Street et le Congrès américain, expliquera que ce n'est pas le moment de demander une augmentation. On rétorquera que 2 ou 3 000 modestes euros annuels et supplémentaires concédés à des cadres méritants, peuvent s'avérer un bon placement. Parfois meilleur que les milliers de milliards offerts à des banquiers américains ou européens et à des constructeurs automobiles qui n'ont rien vu venir depuis vingt ans. La liste des subventionnés n'est évidemment pas exhaustive.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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