Le foot, cette anti-entreprise

Sylvia Di Pasquale

Le foot, cette anti-entreprise

L’enchantement était à portée de pieds et on est passé à côté. Mais la défaite n’efface pas le parcours et un petit but n’efface pas le travail accompli. Et puis, ce n’est que du foot. Fort heureusement. Car imaginons que ce qui vient de se passer pendant un mois dans le vase clos de l’équipe de France, se déroule chaque jour dans les entreprises de l’Hexagone. Pas la gloire et les résultats, plutôt très corrects, mais tout le reste, tout ce qui a amené les Bleus à cette finale justement.

Imaginons donc Didier Deschamps délaissant le banc pour manager un service, un département, ou une boîte. Sa méthode ? Écarter presque tous les seniors à forte tête et recruter des juniors disciplinés, un peu inconscients et, du coup, peu sensibles à la pression. Au mieux, ce drôle de coach rencontrerait une hostilité feutrée, au pire une levée de boucliers syndicaux.

Pourtant, la méthode Deschamps est ainsi, et elle a parfaitement réussi, du moins jusqu’au stade ultime. En écartant les Benzema, Valbuena, Ben Arfa et en se passant, sans même avoir besoin de l’exiger de Ribéry, il en a fini avec les démons des vieilles discordes, les égos surdimensionnés, les états d’âmes des vieux grognards doués qui ont tout vu, tout joué et tout entendu. La tentation du jeunisme en entreprise, Deschamps l’a eue et l’a appliquée.

La nouvelle garde, avec à sa tête le petit prince Griezmann, avec aussi le plus discret et moins buteur Umtiti n’a pas beaucoup de passé, mais un énorme avenir. Elle n’a surtout peur de rien, faute de n’avoir pas vécu grand-chose. Le France-Allemagne de 82, les dents perdues de Battiston ? Ils n’étaient même pas nés. Pas de vengeance, pas de symbolisation, pas de pression. Des soldats sans trop de mémoire, pas encore totalement stars, avec le sens de l’équipe et de la bande : un rêve de coach. Et pourquoi pas de manager.

Sauf qu’une bande de copains surdoués réunis pendant deux mois pour dévorer un Euro, ce n’est pas la vraie vie. Celle du turbin de tous les matins. Celle où l’on tente d’embarquer tout le monde : les vieux briscards, les jeunes bras cassés, les égos surdimensionnés et les tout frais encore émoustillés. Celle où l’on s’aperçoit que tous ces ingrédients malencontreusement réunis forment aussi une entreprise qui réussit. Le reste n’est que du football. Et c’est très bien ainsi.

@Syl_DiPasquale

Dessin de Charles Monnier

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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