Petit florilège d’absurdités anti-chômage

Sylvia Di Pasquale

Il y a des semaines comme ça. Des moments suspendus dans le temps, dans une quatrième dimension de la bêtise crasse et interstellaire. Ces derniers jours, une pluie de comètes et de stupidités s’est abattue sur le monde de l’emploi. Et les chômeurs en ont pris les premières balles perdues. La première salve a été tirée par un adjoint au maire UMP de Luçon, en Vendée.

Une agence Pôle emploi flambant neuve doit être installée en périphérie de sa ville. Une zone difficile d’accès par les transports en commun. Qu’à cela ne tienne. Pour l’élu, les chômeurs peuvent bien « marcher un peu, ça leur fait du bien. Ils n’ont que ça à faire. » Une méthode forcément efficace pour remettre les chômeurs au travail. Évidemment, et heureusement, certains chercheurs d’emploi ont une voiture. Ce qui n’a pas échappé à un élu Ukip, le parti populiste britannique, qui a décidé de s’en occuper il y a quelques semaines.

Il a trouvé le moyen de résoudre le problème des bouchons qui empoisonnent la vie des Anglais. Dans un tract diffusé dans sa circonscription, le triste sire propose tout simplement d’interdire aux chômeurs de conduire. Bon sang, mais c’est bien sûr : « nous pourrions facilement enlever 6 millions de voitures des routes si les bénéficiaires des aides sociales ne conduisaient pas. » Le brave parti du brave homme est crédité de 15 % des intentions de vote dans les sondages chez nos voisins. Les solutions farfelues prônées pour lutter contre les méfaits du chômage ne stigmatisent pas toujours ceux qui sont sans emploi. Mais certaines d’entre elles, aussi sympathiques soient-elles, sont d’une inconséquence redoutable.

Ainsi, l’initiative du sociologue Bernard Friot, rapportée par l’hebdomadaire Télérama. Le chercheur propose tout simplement d’instaurer le salaire à vie. Tout le monde y aurait droit et il serait versé par l’État. Chacun gagnerait entre 1 500 et 6 000 euros, selon son niveau de formation et le degré d’ancienneté et de pénibilité, qu’il travaille ou pas. Économiquement, rien à redire. Les entreprises cotiseraient (beaucoup) à un fond de redistribution en fonction de leur nombre de salariés. Y a de la joie, donc. Sauf que, tout le monde étant payé, pour bosser ou pas, comment les boîtes pourraient-elles motiver leurs salariés, étant donné que ces derniers pourraient leur claquer la porte au nez à la première contrariété, sans aucun risque de perdre leur pécule ? Bienvenu au pays de Oui-Oui où tout n’est plus que plaisir.

Cette utopie du bonheur semble également prévaloir dans une proposition envoyée par Laura Slimani, présidente des Jeunes PS. Pour elle, créer de l’emploi est assez simple : il suffirait, entre autres, de pousser les salariés à prendre une année sabbatique. Ainsi, les entreprises seraient bien obligées d’embaucher pour remplacer leurs salariés en goguette. Outre que la possibilité de prendre une année off existe depuis belle lurette, la jeune patronne du MJS semble ignorer que cette période n’est pas rémunérée. Et que le peu de succès de cette disposition s’explique peut-être (mais on s’avance) par le fait que, pour nombre de salariés français, se priver d’un an de salaire, ça peut pas le faire.

Autant d’idées choquantes et nauséabondes d’un côté, sympathiques et irréalistes de l’autre. Mais toutes témoignent, pour le moins, d’une panique et d’un manque flagrant de solution. Quand on ne sait pas régler un problème compliqué, il est tentant d’emprunter l’autoroute de la facilité.  

@Syl_DiPasquale

Dessin de Charles Monnier

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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