Réseaux sociaux : flicage 1, embauche 0

Sylvia Di Pasquale

Pas un jour sans que l’on nous incite à ouvrir un compte. Collègues de bureau ou amis d’enfance, copains de promo ou voisins de palier, leur cri est unanime « Quoooiii ? T’es pas sur Facebook, Twitter, Linkedin, Viadeo ? » Passée la première phase de stupeur ahurie, ils vous expliquent que c’est indispensable pour trouver un boulot, que, ne pas en être, revient à rester scotché aux années 90. Autant mettre un costard ou tailleur à épaulettes et pantalon taille haute. Résultat : 81 % des chercheurs d’emploi sont présents sur les réseaux, selon une étude européenne réalisée par TNS Sofres pour Stepstone. Quant aux entreprises, près de 70 % d’entre elles likent et retweetent. Le voisin avait donc raison : il faut absolument en être, puisque c’est là que ça se passe.

Mais qu’est ce qu’il s’y passe ? En fait, selon l’enquête, seules 2 % des embauches en entreprise le sont par le biais de ces réseaux. Même la bonne vieille presse, celle en papier, qu’on lisait dans les années 90, s’avère plus efficace (9,7 %). Malgré ces nouveaux outils de sourcing, les anciens restent la panacée pour être embauché : 24,2 % des postes vacants sont pourvus grâce à des sources internes (promo maison, site de l’entreprise, réseaux internes, etc.) et 20,8 % via les sites emplois. Mais alors, à quoi bon poster, liker, et tweeter ? Surtout, pourquoi les entreprises se jettent-elles massivement sur les réseaux ?

Pour vérifier, se faire une idée, et dégotter ce que le candidat n’a pas voulu leur dire de vive voix. 73 % des boites inscrites l’avouent : elles se servent de ces sites pour « estimer le profil des candidats ». Traduction après l’ablation des échardes de la langue de bois : fliquer lesdits candidats. Une mauvaise manie encouragée par les 37% de chercheurs d’emploi qui déclarent ne pas se soucier de contrôler leur réputation en ligne.

Face à cette révélation emprunte de désillusion, deux attitudes sont possibles avant de partager la photo titrée « Vive les arrêts maladie » de Séverine-du-service-achats en plein shopping. Parier sur l’humour du recruteur, sachant que, selon l’enquête, la moitié des recruteurs avoue que la consultation des profils a influencé favorablement leur décision de recrutement. Ou jouer la prudence, puisque 25% des entreprises expliquent que les images et les commentaires « inappropriés » ont motivé le rejet de certaines candidatures.

Reste une troisième voie. Ni inconsciente, ni parano, elle consiste à jouer la grande comédie du Web social, partant du principe qu’un recruteur n’est jamais loin sur la Toile. D’ailleurs, cette posture sociale n’est-elle pas le meilleur entrainement qui soit pour affronter sa prochaine vie ? Celle qui débute juste après son embauche : la vie en entreprise.

@Syl_DiPasquale © Cadremploi.fr – 16 décembre 2013

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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