Un chasseur sachant dire "non"

Sylvia Di Pasquale

Et si le simple fait de recevoir une lettre de refus à sa candidature était déjà, en soi, une bonne nouvelle ? Au cours d’une recherche d’emploi, forcément difficile, un simple petit mot est un signe d’encouragement. Même s’il se conclut par une fin de non-recevoir, un signe que l’on ne va pas se revoir. Évidemment, la sempiternelle missive toute faite, les trois lignes usées, aussi chaleureuses qu’un bordereau de chambre froide, sur l’air de « Nous avons le regret de.. » ou « Nous gardons votre CV au cas où… » ne risquent pas de réchauffer le moral de celui qui passe ses journées seul face à sa recherche, face à la marée de ce marché.

Une marée qui ne permet pas toujours au recruteur, aussi probe soit-il, de personnaliser chaque réponse négative. Pour autant, il peut, dans son retour, même automatisé, montrer du respect. Comme ce chasseur de têtes, Thibaud Chalmin, dont nous avons pu consulter le courrier type (voir ci-dessous) qu’il envoie aux candidats qui le démarchent spontanément – et qu’il personnalise parfois. Ce courrier est tout sauf lisse.

Non content d’expliquer pourquoi il ne dispose d’aucun poste correspondant à la demande du candidat, il se livre à une véritable visite guidée du monde de la recherche d’emploi, rappelant comment les entreprises procèdent pour recruter. Et conseillant les candidats éconduits dans leurs démarches. Le chasseur recommande de répondre aux offres d’emploi sur les jobboards, mais aussi de référencer leur CV sur les sites des cabinets de recrutement. Enfin, il leur rappelle quel est son job : « C’est […]en dernier recours qu’une entreprise confie un mandat de recrutement à un cabinet de « chasse » de têtes (c’est plus cher…). Nous nous lançons alors dans un vaste travail d’investigation pour leur dénicher le candidat idéal, quel que soit l’endroit où il se trouve, parmi les près de 4 millions de cadres qui exercent en France. ».

Mais la lettre, si elle est didactique, est également encourageante. Et le chasseur de saluer la bonne démarche. « Les candidatures spontanées, c’est comme le Loto : même si les statistiques sont faibles, 100 % des gagnants ont tenté leur chance. » Il propose même aux éconduits de leur livrer le nom d’un outplaceur susceptible de prendre leurs affaires en main. Avant de conclure, malin, qu’à l’avenir, ils ne doivent pas tergiverser. « Quand vous aurez des difficultés à recruter des collaborateurs : n’hésitez pas à solliciter les services de mon cabinet. » Une manière, certes opportuniste, de vanter ses mérites de chasseur, mais aussi de rassurer le chercheur d’emploi. De lui faire comprendre que, bientôt, il redeviendra un décideur. À n’en point douter. 

M’est avis qu’en ouvrant sa boîte mail et en lisant ce courrier de refus, le candidat malheureux l’est déjà beaucoup moins. Et se souviendra de ce chasseur respectueux. Mais peut-être suscitera-t-il chez vous l’effet inverse. Je suis curieuse de lire vos réactions.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

 

Vos réactions et commentaires sont les bienvenus sur le forum ci-dessous.

Trame type du courrier envoyé par Thibaud Chalmin, chasseur de têtes

Bonjour,

J’ai bien pris connaissance de votre message et de votre profil. 

Parmi les missions qui nous ont été confiées, il n’y en a pas une qui vous corresponde actuellement.
Si demain c’est le cas : je vous contacte.

Avec le profil qui est le vôtre, vous trouverez certainement le poste que vous cherchez. Il y a néanmoins peu de chance que ce soit par l’intermédiaire d’un chasseur de têtes… Il faudrait vraiment un hasard extraordinaire pour que ce soit le cas ! Mais ce n’est pas dû à votre profil en particulier.

Qu’est-ce qu’un chasseur de têtes ? Peu de gens en ont une idée claire.
Pour comprendre notre métier, il faut avoir présent à l’esprit comment les entreprises recrutent. C’est crucial pour la réussite de votre recherche actuelle !

D’abord les entreprises utilisent leur réseau (c’est gratuit) : cooptation ; anciens prestataires, clients ou fournisseurs, camarades de formation ou amis. Vous devez donc vous rendre visible d’eux (réseaux sociaux, association d’anciens élèves, conférences, candidatures spontanées, etc.).

Ensuite elles posent des annonces (ce n’est pas cher) : APEC, Cadremploi, Monster, RegionsJob, etc. Elles font alors ce qu’on appelle de la « pêche » : elles posent des lignes et examinent qui mord à l’hameçon (c’est également ce que font les cabinets à faible valeur ajoutée mais dont les noms sont très connus du grand public). Votre CV doit être référencé sur ces sites et vous devez y créer des alertes pour le cas où une offre correspondant à vos souhaits y serait déposée.

Enfin, si elles n’ont trouvé ni par le réseau, ni par les annonces ; cela signifie qu’il n’y a aujourd’hui personne en recherche qui possède le profil qu’elle attend. Ce qui n’est pas étonnant quand on sait que plus de 96% des cadres sont en poste aujourd’hui ; et ce malgré la crise. Il va donc falloir approcher des personnes en poste qui ne seraient qu’en veille passive. C’est à ce moment et en dernier recours qu’une entreprise confie un mandat de recrutement à un cabinet de « chasse » de têtes (c’est plus cher…).

Nous nous lançons alors dans un vaste travail d’investigation pour leur dénicher le candidat idéal, quel que soit l’endroit où il se trouve, parmi les près de 4 millions de cadres qui exercent en France.

C’est un travail de longue haleine : en moyenne pour chaque mission nous identifions au minimum 100 personnes dont le profil est dans la cible ; nous faisons le premier pas vers eux ; nous nous entretenons avec tous ; nous en présentons quelques-uns qui se montrent vraiment motivés par le poste et dont le salaire n’est pas au-dessus du marché ; et au final, l’entreprise cliente n’en recrute qu’un seul !

Exemples de chasses que nous avons réalisées à la demande d’entreprises clientes ces derniers mois : un(e) directeur(trice) commercial(e) international ayant déjà un portefeuille de clients en Europe centrale pour une entreprise de chimie fine basée dans l’Ain ; un(e) officier des douanes anglais(e) pour une société de certification française ; un(e) architecte logiciel ; un(e) actuaire ; un(e) responsable brevets spécialisé(e) en mécanique basé(e) en Picardie ; un(e) expert(e) trésorerie ; un(e) consolideur(euse) ; un(e) expert(e) Comp & Ben ; etc.

Bref : que des postes très complexes et sur lesquels il y a une forte pénurie de candidat actuellement. Notre valeur ajoutée est là, et c’est la raison pour laquelle les entreprises sont prêtes à nous payer.

La proportion de chance pour que le mouton à cinq pattes vienne de lui-même nous proposer sa candidature au moment même où nous le cherchons est en fait épsilonesque… Depuis 10 ans que je fais ce métier : ça ne m’est pas arrivé (et pourtant : j’ai la main heureuse). Je préfère être clair avec vous sur ce point. Je ne veux pas faire naître des attentes illusoires.

Ceci étant, vous avez bien raison d’avoir essayé. Les candidatures spontanées, c’est comme le Loto : même si les statistiques sont faibles, 100% des gagnants ont tenté leur chance ! Ce qui signifie également qu’il ne faut pas lésiner sur la quantité (contrairement à une idée reçue).

Dans la chasse de têtes, nous partons du poste pour aller vers les candidats. Pas l’inverse.
Mais, il existe aussi un métier parallèle au nôtre qui consiste à partir du candidat pour aller vers les postes : l’outplacement. Dans ce cas de figure : c’est vous le client du cabinet, et c’est vous qui le rémunérez.
Si vous le souhaitez, je peux vous recommander un consultant en outplacement qui pourra vous coacher dans votre recherche (sans pour autant aller jusqu’à chercher des postes à votre place).

Plus tard, quand vous aurez des difficultés à recruter des collaborateurs : n’hésitez pas à solliciter les services de mon cabinet. C’est cela notre métier. C’est ainsi que nous gagnons notre vie.

Bonne recherche à vous !

Bien cordialement

Thibaud CHALMIN

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

Vous aimerez aussi :