Les coulisses d'un recrutement décryptées par un pro

Sébastien Tranchant

Vous avez toujours rêvé de savoir pourquoi on ne vous avait pas recruté alors que vous étiez pourtant sélectionné en finale ? Un professionnel décrypte pour Cadremploi.fr les étapes clés d'un recrutement.

Les entreprises fonctionnant de plus en plus en « mode projet », le recrutement d'un candidat dure rarement moins de deux mois. Une course d'étapes orchestrée par les cabinets de recrutement au service de leurs clients chefs d'entreprise. Clients qui, avec le temps, interviennent de moins en moins directement. Décryptage de la relation recruteur/client à travers les six étapes clés d'un recrutement.


La définition du poste


« Lors de ce premier rendez-vous, il s'agît de comprendre les besoins du client afin de définir précisément le profil des candidats recherchés » rapporte Jean-Paul Brette, responsable du pôle banque assurance finance chez Hudson. Les entreprises utilisent des intitulés de fonctions pas toujours intelligibles pour les candidats. Il est donc nécessaire de traduire leurs besoins. « Nous demandons généralement des détails sur les missions qu'aura à réaliser le nouveau collaborateur. Nous posons également de nombreuses questions pour tenter de cerner l'esprit de l'entreprise » commente Jean-Paul Brette.


Le portrait robot du « candidat idéal »


Formation, compétences, savoir-faire, savoir-être... Au moment de dessiner le profil du candidat, toutes ces caractéristiques sont passées au crible. C'est le moment notamment d'évoquer les « contraintes » du poste. A savoir, un niveau de formation incontournable, un niveau de langue très élevé, la maîtrise de logiciels spécifiques, etc. « Cette étape est importante car elle détermine la méthodologie de chasse des candidats, explique Jean-Paul Brette. Plus le profil est étroit est plus nous ciblons l'approche. » En clair : cela déterminera le support de publication de l'annonce (journal, web, réseau professionnel, école...) et par conséquent le style même de rédaction de l'offre.


La rédaction et la publication de l'annonce

De moins en moins de chefs d'entreprise prennent part à l'exercice. « Auparavant, ils payaient des frais de publication en plus des honoraires alors qu'aujourd'hui tout est compris dans le forfait du cabinet de recrutement. Désormais, le message c'est de plus en plus : débrouillez-vous pour me ramener des bons peu importe la manière dont vous vous y prenez ! » explique Jean-Paul Brette. Alors concrètement, comment cela se passe ? Chaque support ne s'adressant pas au même public, l'offre d'emploi n'est pas rédigée de la même façon selon qu'elle est publiée dans un journal, sur un site d'emploi ou transmise à une association d'anciens. « Le public des journaux n'est pas forcément en recherche d'emploi ce qui influence la rédaction des annonces, reconnaît Jean-Paul Brette. Elles restent généralement très factuelles, mettent en exergue les valeurs de la société ainsi que ces caractéristiques (entreprise familiale, nombre de salariés, etc.). Le but est de retenir l'attention des lecteurs. Le choix des mots est important. La position sur le marché ou encore la situation géographique sont des informations incontournables. » Sur Internet, la technique est différente : comme le web fonctionne par mots-clés, il est fréquent d'indiquer le niveau voire le diplôme requis ainsi que des noms de logiciels ou de langages informatiques. En somme, la rédaction du web est plus axée sur les compétences demandées au candidat. Quant aux « emailings d'offres » adressés directement aux écoles, ils sont « très orientés valeurs positives de l'entreprise (jeunesse, mixité, ambiance) avec de fréquents renseignements sur la politique de formation interne » indique Jean-Paul Brette.


La chasse aux candidats

La méthodologie de « chasse » retenue dépend également du poste à pourvoir. « Si un client me demande de lui trouver des commerciaux, je passerai sûrement par les sites d'emploi car les vendeurs sont nombreux sur le marché et je devrais les trouver facilement, souligne Jean-Paul Brette. En revanche si la demande concerne  un actuaire, je contacterai inévitablement une association d'anciens car il n'existe qu'une dizaine écoles spécialisées en France dans ce domaine. Autre cas, si le candidat doit être un expert comptable, je téléphonerai à l'Ordre des experts comptables car tout professionnel doit y être inscrit. » Selon le profil recherché, « le chasseur » dispose donc de toute une série de méthodes allant « du filet lancé au hasard à l'approche directe ».


La correction du « profil candidat »

Cette phase est très fréquente car les entreprises essayent toujours de débusquer le mouton à cinq pattes et il faut bien se rendre à l'évidence : « les exigences sont parfois trop élevées » reconnaissent de nombreux professionnels. « Un recruteur connaît par définition la réalité du terrain et il lui  incombe de dire à son client qu'il ne pourra pas lui trouver exactement le profil qu'il recherche » insiste Jean-Paul Brette. Commence alors une redéfinition pointilleuse du poste : une grande entreprise française recherche, par exemple, un responsable achat très expérimenté et bilingue, mais va-t-il réellement utiliser l'anglais quotidiennement ? Si ce n'est pas le cas, combien de fois par semaine sera-t-il amené à le parler ? etc. Grâce aux rectificatifs apportés, le recruteur élargit son périmètre de recherche et le mouton à cinq pattes retrouve petit à petit un visage plus « humain ».


La short list et le choix final

La short list idéale comporte trois profils différents « décortiqués » à la loupe. Dans le secret de leur bureau, recruteur et chef d'entreprise croisent leur regard en fonction des paramètres étudiés (qualification, savoir-faire, savoir-être...). C'est le moment aussi où s'échangent les observations annexes. Par exemple : « j'ai appelé hier le profil n°1 pour lui annoncé qu'on lui donnerait une réponse définitive en fin de semaine. Il allait rentrer en réunion et a été un peu expéditif au téléphone. Ce n'est pas très positif car la personne recherchée doit pouvoir supporter une forte pression ». Ou bien : « le profil n°2 est à mes yeux le meilleur mais avec le salaire proposé vous allez dans le mur ». Après un debriefing complet, c'est toujours le chef d'entreprise qui tranchera au final car le cabinet de recrutement ne se substitue jamais à son client.

Sébastien Tranchant
Sébastien Tranchant

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