Astrologie, numérologie.... : des pratiques toujours présentes dans le recrutement

Elodie Buzaud

Ces méthodes dites d’aide au recrutement sont décriées. Mais, même si elles sont très rares, elles perdurent encore dans certains process de sélection de candidats. Parmi elles : l’astrologie, la numérologie, la morphopsychologie, ou encore… l’intuition... Retour sur les techniques les plus « mystérieuses » auxquelles un candidat peut être confronté.

 [Article réactualisé en mars 2013]

Certains recruteurs, très peu nombreux, selon les informations disponibles, font appel à des techniques pour le moins ésotériques afin de sélectionner leurs candidats. Astrologie, numérologie, morphopsychologie… ces pratiques sont difficiles à quantifier, car les recruteurs sont très peu enclins à avouer y avoir recours. Mais « le phénomène est bien réel », assure le sociologue Jean-François Amadieu dans son ouvrage, Le livre noir des DRH, publié en janvier aux éditions du Seuil.

Des techniques légales ?

Qu'il s'agisse de la graphologie, de l'astrologie, de la morphopsychologie ou de la numérologie, aucune n'est explicitement prohibée par le législateur. Le recruteur doit néanmoins respecter plusieurs prérequis. En cas de litige, il devra justifier que la méthode utilisée fut « pertinente au regard de la finalité poursuivi » (article L. 12 21-8), soit l’évaluation du candidat. Ce dernier doit être « expressément informé, préalablement à la mise en œuvre, des méthodes et techniques d’aider au recrutement utilisées à son égard ». Résultats qui « doivent rester confidentiels », précise la loi. Selon un autre article, le recruteur doit aussi informer son comité d’entreprise de l’utilisation de méthodes de recrutement (article L. 23 23-32).

En théorie, libre à n'importe quel recruteur de consulter, par exemple, un astrologue pour l'aider à choisir ses candidats, même si « on peut contester que l’astrologie n’a pas de lien direct avec l’emploi », convient Yves Nicol, avocat spécialisé en droit du travail.

1 – L’astrologie

« Plusieurs grandes entreprises comme la Fnac, Alstom, le CCF, Thomson et des entreprises plus modestes comme Jacques Dessange ont eu recours il y a quelques années à l’astrologie », déplore Jean-François Amadieu. « J’ai moi-même été recruté parce que mon signe astrologique était en accord avec ceux des autres personnes du groupe », témoigne Bernard Deixonne, dirigeant d’une PME du secteur industriel. Son avis ? « C’est farfelu ». Une étude menée en 2007 par le cabinet de conseil en recrutement Oasys corrobore ce point de vue.

 

2 – La numérologie

De son côté, André Santini, le député-maire d'Issy-les-Moulineaux, n'hésite pas à dire qu'il regarde souvent le signe astrologique des collaborateurs quand il recrute. Selon les postes, il fait même appel à la numérologie.  Comme un certain nombre de « recruteurs » qui utilisent ces méthodes, il n’est pas un professionnel du recrutement, mais un dirigeant amené à recruter.


« La numérologie, c’est l'analyse et l'interprétation des nombres associés à une personne. Les noms et prénoms correspondent à des nombres, tout comme la date de naissance », explique Colette le Floch, numérologue qui assure prendre part à une centaine de recrutements par an dans des PME. Cette pratique permettrait ainsi l'étude de nombreux aspects de la vie d'un candidat. « Chaque chiffre a une grammaire, explique Colette le Floch. Le 1, par exemple, correspond à la volonté ». Mais le chiffre n’a pas la même signification selon ce qu’il représente. Ainsi « la date de naissance nous informe sur le charisme d’une personne, le prénom sur la structure égotique », précise la numérologue.

Pourtant, certains de ses clients ne disent pas aux candidats qu’ils vont passer leur personnalité au crible de l’analyse numérologique. « Ce n’est pas très bien vu », regrette la numérologue.  Ne pas informer le candidat, c’est illégal (voir encadré)… mais « il faudra qu’il en amène la preuve », prévient Yves Nicol, avocat spécialisé en droit du travail.

3 – La morphopsychologie

La morphopsychologie, elle aussi, n’a pas bonne presse. Étudier la psychologie d’un individu à travers la forme de son visage est une technique qui en scandalise plus d’un. Pourtant, Janine Maréchal affirme qu’un candidat possède « une bonne capacité de gestion »… parce qu’il a « un front droit »…

« Cela permet de confronter les caractéristiques d’un candidat avec le profil du poste et de voir s’il y a adéquation », souligne Jeanine Maréchal. La morphopsychologue dit être consultée non seulement pour des recrutements de cadres, mais aussi pour des restructurations d’entreprise.

Une technique décriée, car selon l’article L 122-45 du Code du travail, « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement [...] en matière de rémunération, de formation, de reclassement, de promotion [...] en raison de [...] son apparence physique [...] ». L’avocat en convient : « on est sur un terrain à la limite de la discrimination, sur le plan juridique, avec la morphopsychologie ».

4 – L’intuition

Enfin, la méthode intuitive. Ce serait « le dernier cri en matière de pratiques occultes de recrutement », selon Jean-François Amadieu. D’après Alexis Champion, directeur d’Iris Intuition Consulting, qui commerciale le concept, très peu d’entreprises y auraient recours.

Car la technique a de quoi laisser les sceptiques dubitatifs. « On n’a aucune information sur le candidat et on ne connaît pas la nature du poste », indique Alexis Champion. Pour déterminer quel candidat l’entreprise doit recruter, les adeptes de la méthode intuitive tirent en quelque sorte au sort : « on a quatre enveloppes, qui correspondent aux derniers candidats de la short-liste. On va décrire les aptitudes de chacune des personnes représentées par ces enveloppes par intuition. À la fin, on procède à un classement des enveloppes, de la plus pertinente à la moins intéressante pour l’entreprise. ».

Convaincu ? Le sociologue Jean-François Amadieu, lui, ne l’est pas du tout. « Que ce soit la graphologie, l’astrologie, la numérologie, j’en passe et des meilleurs, c’est du pareil au même. Elles n’ont aucune validité scientifique. Cela ne marche jamais. Il n’y a pas de discussion possible », lâche-t-il.

Elodie Buzaud © Cadremploi.fr

Elodie Buzaud
Elodie Buzaud

Le travail et l’écologie sont mes thématiques de prédilection. En tant que journaliste indépendante, je cherche notamment à répondre aux questions que posent ces deux sujets pour mieux comprendre comment le travail, et les travailleurs, peuvent contribuer à la transition écologique.

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