Témoignage : "J’ai osé l’ouvrir en entretien d’embauche !"

I., candidate

I., diplômée et motivée, vient pourtant de refuser un job… très bien payé. Son message : candidats, ouvrez-là... pour ne pas devenir une erreur de recrutement de plus !

I*, 28 ans, nous a contacté spontanément pour témoigner de sa dernière expérience en entretien de recrutement. Elle espère que son analyse fera réagir les candidats qui, en ces temps difficiles, peuvent être incités à accepter des emplois – ou des conditions de travail – les éloignant de leurs objectifs.

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*A la demande du témoin, le prénom a été changé.

" Le jour J, quand j’entre dans le bureau du recruteur, l’ambiance est vite posée. Le recruteur, qui a reçu ma candidature spontanée et cherche justement à étoffer son équipe, me demande quelques instants pour terminer un mail. Je m’assois face à lui ; son bureau est encombré de dossiers et de mémos volants. Pas le choix, je pose ma pochette sur mes genoux (elle tombera à deux reprises durant l’entretien). Il y a pourtant une autre table - débarrassée - dans la pièce, mais bon… Notre échange commence avec un café et un jus de fruit : les deux pour lui, puisque rien ne m’est proposé. Je suis traitée comme une subalterne et j’en déduis que la barrière hiérarchique doit être forte au sein de l’entreprise. Ça me met la puce à l’oreille.

Un climat délétère

Le recruteur commence… par présenter son parcours au sein de l’institution. Il est arrivé dans un contexte tendu, sur fond de guerres intestines. Je le remercie pour son honnêteté, utile pour comprendre les enjeux et les rapports de force dans l’entreprise. Il poursuit. Face à ces tensions, il a adopté des mesures fortes : « Les nouvelles méthodes de management que j’ai instaurées passent mal. » J’ose mettre les pieds dans le plat, en lui demandant : « Pour quelle raison, à votre avis ? ». Il a, dit-il, « voulu les remettre au travail ».

Bref, le recruteur dévoile volontairement un climat social délétère, dans une structure visiblement plombée par le clanisme et la stagnation. Ce qu’il faut comprendre ? Que le « candidat adéquat » devra posséder de fortes qualités relationnelles pour s’intégrer auprès d’une équipe moins motivée et moins dynamique que lui. Des différences générationnelles marquées sont à prévoir. Il faudra sans doute se montrer adaptable, nouer des liens avec des personnes dont je ne partagerai pas les préoccupations quotidiennes (garde des petits enfants, prévision retraite… ?). Je me sens mal…

Je demande des précisions sur le poste

Je n’ai encore reçu aucune info sur le poste à pourvoir… J’aborde le sujet en demandant pourquoi aucune offre d’emploi n’a été publiée. J’apprends que c’est parce que l’emploi est actuellement pourvu par une personne dont la période d’essai ne sera pas renouvelée. Le recruteur en est à sa 3e tentative sur le même poste mais personne n’est à la hauteur. Là, il opère un revirement et cherche à me rassurer : « votre travail se cantonnera à » ; « il se limitera à » ; « il consistera juste à… ». Je m’inquiète : visiblement, je suis surqualifiée pour le poste, qui ne correspond pas aux missions pour lesquelles j’ai envoyé une candidature spontanée.

On me propose un salaire de ouf…

À l’issue de cet échange surréaliste, il me propose le poste. Le hic, c’est que le salaire est extrêmement tentant. Au point de me faire hésiter. Je me force à mettre en parallèle mes aspirations et l’offre en toute honnêteté. Je veux investir dans l’entreprise ma personnalité, mon énergie et mon temps. Mais j’ai besoin de nouer une relation de confiance avec un supérieur qui me regarde dans les yeux et m’accorde de l’attention aux moments clés de la vie professionnelle. Je conçois mon emploi comme un projet à long terme. L’appât du gain est puissant, j’ai besoin du job, mais j’écoute les signaux d’alerte et je refuse.

Conclusion : candidats, ouvrez là !

Aujourd’hui, je ne suis plus la même « candidate ». Je n’avais jamais eu à réfléchir à l’entretien d’embauche en ces termes, mais je sais qu’à l’avenir je poserai aux recruteurs toutes les questions nécessaires – même les questions sensibles – pour savoir où je vais mettre les pieds. Après tout, l’entretien d’embauche est l’unique temps où déceler les affinités managériales. Après, il est trop tard ! Avec des conséquences majeures : stress ou démotivation, non-renouvellement de la période d’essai ou démission, puis une expérience sur le CV difficile à valoriser, voire le « trou dans le CV » tant redouté. J’espère que mon expérience pourra faire réagir d’autres candidats. Car la conclusion concerne tout le monde : en tant que candidat, on a le droit et même le devoir de parler ! Il ne faut pas quitter l’entretien d’embauche si on a des questions, si on ne cerne pas exactement le profil du poste et son environnement. Ni écouter ceux qui disent qu’en temps de crise on ne peut pas refuser une offre d'emploi, surtout s’il est bien payé. Notre avenir professionnel est en jeu, justement. Et je ne deviendrai pas une « erreur de recrutement » de plus."

I., candidate
I., candidate

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