A Bercy, l'heure de gloire des apprentis

Tiphaine Réto

Instiguées par le secrétaire d'Etat Hervé Novelli, les premières rencontres européennes des apprentis ont réuni, le 3 octobre, près de 13 000 jeunes venus de 26 pays de l'Union. Un grand show orchestré avec soin pour redonner ses lettres de noblesse à une voie pourtant déjà très appréciée des entreprises.

Vendredi 3 octobre, 8h30. Les abords du palais omnisport de Paris Bercy ont des allures de JMJ. Des dizaines de cars tentant de stationner dans la circulation sortent des milliers de jeunes. 12 700, presque exactement, venus de l'Europe entière pour célébrer les premières rencontres européennes des apprentis. T-shirts estampillés CFA (centre de formation à l'apprentissage) sur les épaules et sourire aux lèvres, tous sont prêts pour la grand-messe de l'apprentissage.

Lasers et ola

A l'intérieur, changement d'ambiance. Musique à fond et DJ aux manettes. Sous les lasers et portée par un animateur professionnel, la jeune foule en délire enchaîne les « ola ». Au centre de la piste, des fleuristes en herbe en pleine démonstration de leurs talents feraient presque oublier les dernières paillettes laissées par Stevie Wonder, dernier occupant des lieux. Dans les gradins, on chante, on danse, on se salue dans toutes les langues. Michaela, 23 ans, apprentie dans la restauration en Autriche, n'en revient pas : « C'est fou cette ambiance ! Et c'est fou qu'on soit si nombreux ! »

431 000 apprentis en France

Et pour cause, rien qu'en France, pas moins de 431 000 jeunes ont fait le choix de l'apprentissage en 2008. Ils sont près de 1 800 000 à passer par une formation professionnelle initiale. Soit 43 % des étudiants. Un chiffre qui monte jusqu'à 55 % au niveau européen.
Pas marginal donc, l'apprentissage. Et plutôt judicieux à en croire le reste des statistiques, puisque 75 % des apprentis diplômés français trouvent un emploi dans les sept mois suivant la fin de leur formation. Une voie royale : c'est ce qui sera martelé tout au long de cette matinée de fête.

Ronde de personnalités

Car après les débuts façon discothèque, le show de l'apprentissage continue. Inauguré par Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du Commerce, de l'Artisanat, des petites et moyennes Entreprises, du Tourisme et des Services (et lui-même ancien apprenti...), la ronde des personnalités suit son cours : Christine Lagarde, Bernard Laporte, Roselyne Bachelot, côté encouragement gouvernemental; l'acteur et homme de radio Gérard Klein, le coiffeur Franck Provost, l'ancien champion de Formule 1 Alain Prost et l'opticien Alain Afflelou, côté « apprentis qui ont réussi ». Seul manque à l'appel le président Sarkozy, dont le discours aura été annulé à la dernière minute.

Redorer le blason

Pourquoi un tel débordement d'effets pour convaincre un public somme toute déjà conquis ? « Parce que malgré ses atouts, l'apprentissage reste très peu considéré, explique-t-on au ministère. Il est temps de lui redonner ses lettres de noblesse. » « A l'école, ne pas choisir la voie généraliste c'est un peu se mettre sur une voie de garage, reconnaît Rodolph, jeune pâtissier médaillé Meilleur apprenti de France. Même auprès des profs, on a cette image de « mauvais élève ». Moi, c'est depuis que j'ai trouvé mon métier que je m'épanouis pleinement et que je me sens vraiment bon. »

Pâtissier, cadre dirigeant ou ingénieur

Chef-pâtissier dans un restaurant trois étoiles du groupe Accor (4 000 apprentis en Europe), ingénieur pour l'avionneur Airbus (2 000 apprentis), cadres dirigeants chez l'assureur Axa (5 000 apprentis)... et même ministre ! Les possibilités offertes par l'apprentissage vont effectivement plus loin que celle de la « voie de garage ». « Le tout, c'est de ne se fermer sur rien, de rester positivement curieux et passionné, rappelle Alain Prost. De s'ouvrir aux autres et au monde. »

Développer la mobilité

Et surtout au monde. Placée sous le signe de l'échange, cette journée de rencontres européennes se voulait surtout être une ode à la mobilité. Alors que 160 000 universitaires ont bénéficié, en 2007, d'une formation à l'étranger, seuls 51 000 jeunes en formation professionnelle ont eu accès à un programme d'échange européen. L'adaptabilité, l'ouverture et la multiplication des compétences offertes par ce type d'expérience sont pourtant aujourd'hui unanimement reconnues par les entreprises. « Mais on n'y pense pas forcément, reconnaît Sylvain, futur maçon. On est souvent tellement obnubilé par l'apprentissage de notre métier qu'on oublie qu'on peut aussi enrichir notre expérience ailleurs. » Et maintenant ? Il jette un regard lutin sur une jeune Espagnole. « Je vais peut-être commencer par suivre le conseil de Christine Lagarde : garder des contacts via Facebook... Pour l'emménagement, on verra plus tard ! »

Tiphaine Réto
Tiphaine Réto

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