Cannabis au travail : près d’un salarié sur dix concerné

L'équipe de Cadremploi

L'addiction au boulot ? Une plaie face à laquelle le salarié se retrouve bien souvent démuni. Le point sur les risques encourus et sur les aides accessibles pour s'en sortir.

L'entreprise n'est pas épargnée par la consommation croissante de cannabis. Selon les dernières statistiques de l’INPES, cette dernière touchait 7.9% de la population active en 2010, contre 6,5% en 2000. Selon l’INPES, 13,2% des consommateurs de cannabis déclarent avoir augmenté leurs consommations à cause de problèmes liés à leur travail au cours des 12 derniers mois. Les Arts et spectacle, la communication et l’information ou encore l’enseignement font partie, pour les cadres, des secteurs les plus touchés.

Cannabis et sanctions professionnelles

"L'addict, pourtant, risque gros", rappelle en substance Yann-Maël Larher, juriste et responsable de la communication chez Interstys. Ainsi :

- L’employeur peut licencier pour faute grave un salarié pris sur le fait sur le lieu de travail. Un fait fautif même isolé justifie le licenciement, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à un avertissement préalable. L’interdit pénal vaut avertissement général…

- L’employeur peut sanctionner un salarié pris en train de fumer y compris pendant son temps de pause, dans une salle réservée aux fumeurs au sein de l’entreprise (Cour de cassation - Chambre sociale, 1er juillet 2008).

- Par ailleurs, si l’employeur constate des changements de comportement qui peuvent s’avérer problématiques (performances ou productivité moindres, agressivité ou comportement inadapté, retards fréquents, maladresse, conduite agressive, état de manque…), voire dangereux pour lui-même ou ses collègues de travail, et que les faits sont répétitifs, il doit, même en l’absence de réalisation d’un test, sanctionner au sens de l’article L1331-1 du code du travail. Les sanctions peuvent aller du simple avertissement jusqu’au licenciement pour faute grave suivant la gravité des faits reprochés. Dans ce cas, ce n'est pas la consommation personnelle du salarié qui est sanctionnée mais les conséquences objectives qu'une consommation supposée entraine.

Des tests imposés

- Dans certains corps de métiers qui comportent des risques notamment pour des tiers, l’employeur peut imposer des tests aux salariés. Inscrite au règlement intérieur, une politique de dépistages obligatoires existe notamment à la SNCF, la RATP ou chez Air France pour les postes de conducteurs, aiguilleurs, contrôleurs, personnels navigants, etc. Le refus de s'y soumettre constitue une faute professionnelle justifiant le licenciement.

- Enfin, l’employeur peut demander une visite médicale au médecin du travail, il en a même le devoir lorsqu'il suspecte la consommation de cannabis. Le refus du salarié de se soumettre à ces visites de santé au travail, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. En revanche le dépistage, qui est différent juridiquement du test, est une prérogative du médecin du travail. Les résultats relèvent à ce titre du secret médical. Le médecin du travail informera simplement l’employeur de l’aptitude ou de l’inaptitude du salarié.

Cannabis : à qui le salarié peut-il s'adresser ?

"Lorsque le salarié est en situation d'addiction, le plus souvent, son entourage est au courant mais également impuissant. Faire appel à son entourage professionnel immédiat est délicat, et la situation du salarié nécessite bien souvent l'expertise d'un professionnel, c'est pourquoi il vaut mieux s'adresser à un professionnel de santé", estime Yann-Maël Larher.

Le premier interlocuteur d'un salarié en souffrance est bien souvent son médecin traitant. Son absence de lien avec l’entreprise et la relation de confiance qu’il a pu instaurer avec son patient en font souvent le premier confident du salarié en difficulté. Bien souvent il redirige le salarié vers un médecin spécialiste et lui conseille la prise de rendez-vous auprès du médecin du travail.

Le médecin du travail, soumis au secret médical, ne peut donner aucune information à l’employeur ni sur l’état de santé d’un salarié, ni même sur le fait qu’un salarié l’ait sollicité. Tout salarié de l’entreprise peut faire appel à lui pour obtenir un conseil et une aide que ce soit pour sa propre situation ou celle d’un collègue, en s’adressant directement au service de santé au travail. Il ne peut donner aucune information qui permettrait à l’employeur d’identifier le salarié venu signaler une situation préoccupante.

Réseau de consultations spécifiques

Suivant la taille de l'entreprise, "d'autres interlocuteurs soumis au secret professionnel peuvent apporter un soutien au salarié", rappelle Yann-Maël Larher. Il s'agit :

- de l’infirmier de santé au travail, présent dans les établissements industriels dès 200 salariés et les autres établissements à partir de 500 salariés.

- de l'assistant social d'entreprise, dans les établissements employant habituellement 250 salariés et plus.

- du psychologue du travail : le plus souvent c'est le médecin du travail qui conseillera au salarié de prendre contact et qui lui dira à qui s’adresser.

Enfin, depuis 2005, un réseau de consultations spécifiques a été mis en place dans l’ensemble des départements. Gratuites et anonymes, elles sont destinées aux jeunes consommateurs de substances psychoactives (cannabis, alcool, drogues de synthèse, cocaïne, polyconsomation). La liste disponible sur le site www.drogues.gouv.fr.

 

Cannabis : le point sur la responsabilité de l'employeur

L’analyse d’Emmanuelle Lépine, directrice clinique du cabinet de conseil Interstys et psychologue clinicienne :

Nous observons une augmentation de la consommation de cannabis notamment en cas de problèmes liés à la vie professionnelle. Pour l’entreprise, les conséquences sont multiples : augmentation de l'absentéisme et diminution de la productivité ; danger pour la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise, avec des risques accrus d'agressivité, de conflits, d'accidents de travail ou de dommages à un tiers…

Usage de cannabis et responsabilité de l’employeur

En cas de dommage matériel ou corporel lié à la consommation de cannabis, la responsabilité de l'employeur peut être mise en cause, en vertu de l'article 1384 du code civil, en cas d'usage ou de trafic de drogues au sein de l'entreprise, ou lors d'un accident d'un salarié sous l'emprise de drogues.

Pour la Cour de Cassation (Chambre civile, du 13 décembre 2007), l'usage de stupéfiants par un chauffeur-livreur ayant mortellement blessé ne fait pas disparaître le lien de subordination et, par conséquent, il s’agit d’un accident à caractère professionnel. Il convient d'ailleurs de préciser que 15 à 20% des accidents du travail sont provoqués chaque année par des conduites addictives, selon des chiffres de l'INSERM.

Obligation de prévention

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat et doit en assurer l'effectivité.

Selon l’article L4121-1 du Code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur doit ainsi veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

 

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