Episode 39 : Supersenior

Le DRHache

« Qu'est ce qu'on va bien pouvoir faire de tous ces vieux ? » Partant du cas de Frédéric, un sénior qui a fait une grosse carrière au sein du groupe, le DRHache regrette le manque d'imagination des entreprises quant au sort qu'elle réserve à ses séniors. Et suggère quelques solutions.

Frédéric est riche de lui même.

 

Il a traversé l'entreprise à pas mesurés, qui ont donc pu être grands lorsque nécessité faisait loi, mais toujours dans le rythme. Il a fait de bonnes études car il avait le goût du travail, la pugnacité et les connexions neuronales, mais il ne les a jamais considérées comme l'aboutissement de son parcours, le point culminant après lequel tout lui serait dû.

 

Non, ses études sont bien une clef mais en les achevant il savait qu'il lui restait à ouvrir les portes et parcourir le chemin en apprenant seul, et sans arrêt.

Durant sa vie dans l'entreprise, il a su imposer ses marques et jouer sur une autorité patiemment construite à force de travail, et il se sait respecté du fait de cette capacité à se pencher inlassablement sur les problèmes, quitte à couper le nœud gordien lorsque c'était la seule solution.

 

Il se sait respecté mais il n'y pense pas, et c'est peut-être le secret de cette aura lentement construite et collectivement ressentie : en fait, il n'a pas d'ego. Il fait partie de cette tranche de manager qui travaille réellement pour le groupe et non pour y améliorer l'image qu'ils ont d'eux même en son sein.

 

Ses détracteurs disent qu'il a fait sa carrière plus sur sa testostérone que sur son QI car il est reste célèbre pour quelques coups de sangs à moitié calculés qui ont rebondi sur les moulures dorées et sont allés se perdre dans les moquettes épaisses du siège, mais le respect et l'attention qu'il montre a ses subordonnés ont certainement au moins autant contribué à son petit plafond de verre personnel.

 

Il a cependant fait une très grosse carrière au sein du groupe, car sa capacité à rechercher toujours la solution d'efficacité quitte à implicitement reconnaître ses erreurs quand il le fallait, doublée d'une profondeur de vue qui lui fit prendre souvent les bonnes décisions lui ont octroyé le statut très a part de "sage exécutif", et il a ainsi pu se glisser dans la peau de l'oracle sans devenir Cassandre, car à soixante ans il y croyait comme au premier jour.

 

Il a toujours ce flux vital en lui, et il est même prêt à le remiser pour continuer à servir à quelque chose.

 

Qu'est ce qu'on va bien pouvoir faire de tous ces vieux ?

 

On aimerait que les grandes structures mènent des réflexions de fond sur l'emploi des seniors. Ces chantiers passionnants pourraient tout envisager : la création d'entités où l'ont collerait Solon, Cincinnatus et Antoine Pinay, entités dont le pouvoir décisionnel serait amoindri mais le pouvoir de réflexion, de conseil et d'influence très développés. Sortes de "chambres hautes", ces groupes de seniors pourraient ainsi faire bénéficier l'entreprise de leur expérience, de leur sagesse tout en laissant les mains, le pouvoir exécutif et décisionnel aux plus jeunes qui tirent la langue et ont besoin de voir la lumière du jour.

 

Ce type de solution aurait entre autre l'avantage de traiter un nouvel élément de l'équation : le recul inéluctable de l'âge du départ en retraite.

 

Déjà qu'aujourd'hui, à 57 ans on trouve que vous sentez le sapin, voire à 50 ans on vous explique que vous avez tout juste le droit de la fermer sinon on vous vire et vous ne retrouverez jamais de job, mais quand l'âge moyen des départs sera de 69 ans, qu'est-ce que ça va donner ?

 

Pour Frédéric, on a bien essayé de lui confier un rôle plus directement axé sur la représentation et le contact clientèle de haut niveau, mais après deux ans les dents les plus aigües de la structure sont venues se planter dans son auguste derrière afin de le pousser en dehors du tatami, et il a fini par partir.

A 62 ans.

Pff.

 

 

 

 

 

Le DRHache
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