Episode 47 : La composante pot de chambre

Le DRHache

Quand un top dirigeant ne sait plus par quel bout gérer son assistante, une dépressive chronique, c'est le DRHache qui paie les pots cassés. Une occasion pour ce dernier de découvrir une nouvelle facette de son métier : la composante pot de chambre.

« ALLO !!!! »

 

« Drhache bonjour. »

 

« OUAIS C'EST ROGER MARTIN A L'APPAREIL. MOI JE VOUS PREVIENS, JE N'EN PEUX PLUS »

 

« .... heu vous pouvez me répéter votre nom ? »

 

« OUAIS MARTIN ET LA C'EST VRAIMENT PLUS POSSIBLE. »

 

Martin, Roger, martin, merde je ne vois pas du tout qui c'est, quel métier, quelle équipe quel boss ? L'ai-je déjà rencontré ? Pendant qu'il hurle de l'autre coté de la ligne et du bon sens, je feuillette rapidement le trombinoscope de cette nouvelle population dont je m'occupe depuis quatre mois, 450 superstars répartis sur la planète qui pensent qu'ils sont très, mais alors très beaux.

Martin, Martin, ah, le voila Roger Martin, non je ne l'ai encore jamais vu, plutôt une bonne tête de bouledogue, brun, mat, avec les maxillaires légèrement proéminents, signe d'énergie et de tempérament.

Moins de self control apparemment. Donc rajoutons-en un peu en prenant un ton de voix bien onctueux pour lui répondre.

 

« Comment puis-je vous aider ? »

 

Son ton de voix monte tout au long de la conversation, mais j'arrive quand même à déduire du bruit de fond qu'il est dans un train

 

« C'EST CHANTAL, LA C'EST VRAIMENT PLUS POSSIBLE VOUS SAVEZ CE QU'ELLE A FAIT NON MAIS VOUS SAVEZ CE QU'ELLE A FAIT ?

 

Chantal. OK, je commence à voir de quoi on parle, Chantal est une assistante dont on m'a assez longuement parlé. Elle sort d'un congé thérapeutique suite à une dépression nerveuse (la quatrième en 30 ans de maison). Elle vit chez sa sœur et semble avoir des petites tendances paranoïaques au vu des divers courriers dont elle inonde son entourage régulièrement.

 

On veut bien croire qu'il n'est pas facile de l'avoir pour assistante.

 

MOI J'EN PEUX PLUS. VOUS COMPRENEZ CA ? JE VAIS CRAQUER J'ARRIVE PAS A COMPRENDRE POURQUOI ET COMMENT QUELQU'UN COMME CA EST ENCORE DANS LE GROUPE PARCEQUE MOI JE VAIS VOUS DIRE ELLE NOUS POURRIT LA VIE OK ? ELLE NOUS SAPE TOUT ET EN PLUS ELLE NE FAIT QUE DES CONNERIES ET LA ELLE A REDIRIGE UN CLIENT VOUS SAVEZ CE QUE C'EST QU'UN CLIENT ELLE A REDIRIGE UN CLIENT VERS LE MAUVAIS SERVICE ET QUAND JE LUI AI DIT ELLE M'A RACCROCHE AU NEZ ET MAINTENANT CA SUFFIT C'EST ELLE OU MOI ET JE VAIS ALLER VOIR THIERRY POUR LUI EN PARLER ET TOUT CA C'EST PAS NORMAL. EST-CE QUE VOUS M'ENTENDEZ ? VOUS COMPRENEZ CE QUE JE VEUX DIRE OU PAS ?

 

Me voici donc en train de découvrir une nouvelle facette du poste de gestionnaire individuel, la composante pot de chambre. Roger ne m'appelle pas pour s'expliquer avec moi de quelque sujet que ce soit. Il ne me reproche rien non plus, on l'aura noté. Il ne cherche pas à résoudre un problème, il ne propose pas de solution, il ne fait finalement aucune requête précise.

 

Il déverse un trop plein.

 

Le but de ce coup de fil, c'est juste de lui permettre de se défouler, de décharger une partie du stress accumulée. Il ne peut le faire vis-à-vis de son boss direct, car la relation manager / employé est suffisamment complexe pour ne pas risquer de la fragiliser, ni de se montrer sous un jour peu flatteur. Mais devant les ressources humaines, c'est moins grave. De toute façon, on ne les voit jamais et ils ne servent à rien, alors qu'est ce que ça fait ?

 

La composante pot de chambre est une constante de ce métier, et elle implique une qualité de fond : l'écoute. Dans ces situations, qui arrivent finalement assez régulièrement, il faut laisser parler, aller dans le sens ( « je comprends », « oui bien sûr », « non en effet ça n'est pas normal » etc). Au passage, on peut glaner de précieuses informations, perte de contrôle = libération = vérité.

 

La fin de la conversation n'est pas évidente, c'est pourquoi je recommande la temporisation :

 

« Ecoutez, je suggère que vous me rappeliez lundi pour que nous en parlions et que nous prenions les mesures qui s'imposent »

 

Il ne rappellera pas, car il se sent un peu honteux de sa saillie, alors qu'elle marque juste et dieu merci son appartenance à l'humanité.

 

Le DRHache
Le DRHache

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