Et pourquoi pas une année sabbatique ?

Tiphaine Réto

Un an pour se faire la malle. Qui n'en a pas rêvé ? C'est le principe de l'année sabbatique. Un congé bien pratique et pourtant peu utilisé en France. Car au-delà du projet de tour du monde ou de l'envie de retaper la bicoque de Mémé dans le Larzac, il faut savoir gérer ce « blanc » dans sa carrière.

L'expérience remonte à 6 ans, mais il en parle comme si c'était hier. En 2003, Pascal Dutronc quitte pour un an son poste de Directeur général adjoint à l'UCPA pour prendre le large en famille. « Ma femme et moi étions des mordus de voile. Nous avions donc décidé de parcourir l'Europe, l'Afrique et l'Amérique centrale à bord de notre bateau, en compagnie de nos trois enfants. »

Cinq ans pour se préparer

Formation à la navigation et préparation du navire, il n'aura pas fallu moins de cinq ans aux moussaillons en herbe pour concrétiser leur projet. Un temps de latence plus que bénéfique : « Nous travaillions tous les deux et il fallait vraiment anticiper notre départ sur le plan professionnel. Il n'était pas question que mon employeur se retrouve acculé, mis devant le fait accompli. Idem pour mes équipes, que je voulais préparer à mon absence. »

Montrer sa flexibilité

« Cette étape de la préparation est primordiale, affirme aussi Gilles Lacour, consultant en gestion de carrière chez Altedia. Le plus simple est d'en parler clairement avec son employeur et de montrer sa flexibilité. Lui faire savoir que vous pensez à prendre une année sabbatique, mais que vous n'êtes pas à six mois près. » Car pas de doute ! L'année sabbatique n'est pas mal vue dans l'univers de l'entreprise. « Tout le monde en rêve, reprend Gilles Lacour. A vous de créer l'envie. »

Une continuité du projet professionnel

Un avis partagé par Robert Zuili, coach et cofondateur du cabinet Excelia : « Néanmoins, c'est un projet qui va donner des interprétations. Il faut éviter que celles-ci soient négatives, que votre entourage pense à une fuite ou à un mal-être. Le tout est de montrer en quoi ce projet reste dans la continuité de votre projet personnel et professionnel. »

Quel apport pour votre employeur ?

« A partir du moment où c'est important pour vous, toutes les raisons sont bonnes, confirme Gilles Lacour, et peu importe ce que vous voulez faire de votre année. Il faut juste le projeter en termes d'avenir. Qu'est-ce que ça va vous apporter à vous et à votre employeur ? » Et de citer le cas de ce jeune cadre qui, après avoir perdu son emploi, s'est pris une année pour se ressourcer. « A son retour sur le marché du travail, il expliquait posément qu'il était désormais en pleine forme, prêt à être performant. Tous les recruteurs lui ont dit : « on vous envie. ». Il n'a pas eu de mal à retrouver un job. »

Pour Pascal Dutronc, les arguments d'alors se sont renforcés après son expérience. « J'ai redécouvert les qualités relationnelles que j'avais en moi, mais que j'avais un peu oublié. Et puis, le fait de faire face à l'inconnu, en mer, à l'étranger ou simplement dans une nouvelle vie qu'on se donne pour un an, c'est très formateur pour le travail en entreprise. »

Risques de tout perdre

Côté employeur, cette année sans vous peut aussi porter ses fruits : « Ca permet de penser à l'après, de tester d'autres personnes sur votre poste, d'ouvrir des possibilités, poursuit Pascal Dutronc. Avec, évidemment, un risque de ne pas retrouver son poste au retour. » C'est la peur première des candidats au congé sabbatique. « C'est vrai qu'on est jamais irremplaçable pour une entreprise, avoue Gilles Lacour. C'est pour ça qu'il ne faut pas se faire oublier pendant son année. »

Rester connecté

Conserver sa boîte professionnelle, envoyer quelques mails de temps à autre et se tenir au courant de ce qui se passe dans sa boîte... Pascal Dutronc s'est tenu à cet exercice de « non-déconnexion » : « On s'était fixé des points réguliers avec le DG... Je ne sais pas si ça a été très utile pour la boîte. Mais ça m'a au moins permis de ne pas être complètement largué au retour. »

Préparer le retour...

Car la reprise s'avère souvent délicate. « En un an, vous pouvez devenir complètement 'has been', observe Gilles Lacour. Il y a de nouvelles têtes, de nouveaux logiciels, de nouveaux marchés ou de nouveaux concepts. » Même remarque pour Robert Zuili, qui conseille même de programmer, avant le départ, un parcours de remise à niveau pour gérer au mieux le retour.

... et envisager la suite !

« Tout dépend des personnes et de l'expérience vécu, nuance Pascal Dutronc. Mais c'est vrai qu'il m'a bien fallu deux mois pour retrouver ma place. Je me sentais confiné dans mon bureau et j'avais vraiment besoin de me remettre à la page. En même temps... Mon voyage avait fait grandir ma capacité d'adaptation. Et j'ai fini par trouver ça très stimulant de se remettre en question. » Tellement stimulant que trois ans plus tard, le skipper de l'UCPA a changé de branche. Il est aujourd'hui directeur d'un hôpital privé. « Notre voyage y est pour quelque chose. J'ai compris que je pouvais explorer d'autres possibles. Y compris sur le plan professionnel. »

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Tiphaine Réto
Tiphaine Réto

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