Comment éradiquer le spleen de la rentrée ?

Benjamin Fabre

Comment faire face à la décharge de mélancolie qui, inexorablement, marque la fin des vacances d’été ? La réponse de Benjamin Fabre, notre chroniqueur qui garantit de vous arracher un sourire.
Comment éradiquer le spleen de la rentrée ?

Si la rentrée n’existait pas, la vie humaine perdrait un de ses rituels les plus déchirants. Bien sûr, les enterrements ne sont pas des moments très drôles. Les déclarations fiscales non plus. Mais retrouver son petit tube au néon, son petit pot à crayons, ses petites emmerdes et ses grands emmerdeurs réunis au même endroit, en laissant derrière soi les copains, les dunes et les rires des enfants, voilà une épreuve d’une cruauté indescriptible.

Mais d’un autre côté, si la rentrée n’existait pas, nous n’aurions plus droit au récit de vacances de notre boss. Nous n’entendrions plus cette gentille fable, ce joli conte mal raconté qui vous démystifie le moindre N+1 (« Trois semaines avec Nadine, club all-inclusive, ping-pong en tongs, patates à volonté ») et qui nous fait voir, s’il en était besoin, combien notre vie privée a peu de choses à envier à la sienne. Nous ne pourrions plus promener notre forme étincelante dans les couloirs des bureaux. Nous ne pourrions plus répondre « trop courtes », dix fois dans la journée, à nos collègues soucieux de nos vacances et bronzés comme des casseroles, dans un moment de nostalgie complice et de douleur partagée. Nous ne pourrions plus dire à tout le monde, en crânant à peine, que nous avons 2 000 messages à purger dans notre boîte e-mail (alors que nous les avons lus sur la plage). Nous n’aurions plus droit aux conseils réitérés des psys du travail et autres champions qui, face à la montagne de boulot accumulée pendant l’été (c’est-à-dire pas grand-chose, nous sommes en France, tout de même), nous recommandent de « hiérarchiser les tâches », ce qui veut dire, la ruse est finaude, qu’il faut d’abord faire ce qui est important et ensuite ce qui l’est moins. Nous perdrions la première quinzaine de septembre, celle où nos collègues sont le moins irregardables et où les filles sont les plus belles de toute l’année. Nous ne pourrions plus contempler nos photos de vacances en versant des sanglots émus.

Et puis de toute façon, si la rentrée n’existait pas, nous nous créerions d’autres occasions de déprimer. Le pic dépressif de septembre serait récupéré, comme un crédit d’impôt, et ré-étalé sur les autres pics dépressifs de l’année, novembre et janvier (qui deviendraient vraiment coton). Si la rentrée n’existait pas, tous nos repères seraient chamboulés. Les journalistes perdraient leur marronnier préféré (avec le baccalauréat et la franc-maçonnerie) et Claire Chazal ne pourrait plus faire de reportage sur l’augmentation du prix des fournitures scolaires. Tann’s ferait faillite. Les enseignants ne pourraient plus se lamenter à cause des prérentrées. Les écrivains ne sauraient plus à quel moment empiler leurs romans dans les librairies. Le travail disparaîtrait (si ce n’est déjà fait). Les saisonniers ne mériteraient plus d’être appelés saisonniers. Les pommes resteraient scotchées sur les pommiers. Il faudrait rester en short pour l’éternité. Et Dieu deviendrait complètement cinglé.

Non, vraiment. Retournons au bureau le cœur léger. Le monde tourne beaucoup mieux ainsi.

Benjamin Fabre
Benjamin Fabre

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