Description de la situation :
- Bon, il est neuf heures du matin à New York. On appelle.
Votre boss a dit ces mots d’une voix blanche. Il pianote sur son téléphone, les doigts tremblants, et actionne le haut-parleur.
- Hi, guys ! How are you doing ?
Malédiction. Non seulement « les U.S. » sont là, au bout du fil, mais ils semblent avoir drôlement envie de s’exprimer. Leur débit est dix fois plus rapide que dans Friends. Leur accent est infernal. Et il y a de la friture sur la ligne.
Vous vous cramponnez à votre calepin. Mais vous ne captez, hélas, que des bribes de phrases. En l’occurrence, des adverbes : « importantly », « significantly », « dramatically »… Vous les notez avec application. « Donc », récapitulez-vous mentalement, « Nous avons affaire à des choses importantes, significatives et dramatiques… » Mais vous n’avez aucune idée desquelles.
C’est votre tour de parler. Seigneur... Vous vous lancez dans une phrase franglaise sans queue ni tête, dans laquelle vous incorporez, Dieu sait pourquoi, cinq fois le mot « Nevertheless » dont vous n’avez pourtant jamais compris le sens. Vous transpirez. Votre boss (guère plus doué que vous) vous regarde d’un air consterné. Quelle idée stupide d’avoir mis « English fluent » sur votre C.V...
Les clés pour s’en sortir :
On vous avait prévenu. Depuis votre naissance, vous avez entendu 21 739 couplets sur l’indispensable « maîtrise de l’anglais ». Quand je pense à vos parents, qui se sont saignés pour vous offrir des voyages linguistiques... Si seulement vous les aviez consacrés à la découverte de la langue plutôt qu’à celle du sexe opposé… Mais puisque nous en sommes là, voici quelques pistes pour vous tirer d’affaire.
1 - Laissez-le babiller
Les Anglo-Saxons adorent parler. C’est leur activité favorite. Les films US, par exemple, sont deux fois plus riches en dialogues que les nôtres. Alors, faites plaisir à ces braves gens : laissez-les CAUSER. Egrenez quelques « Hmmh », « Yes », « Really ? » qui assureront 75 % du boulot.
2 - Prenez l'air intelligent
Vos lacunes ne regardent que vous. Ne montrez jamais, de grâce, que telle ou telle partie de la conversation vous a échappé (surtout si c’est la totalité). Fermez la bouche et prenez l’air de celui qui contrôle la situation.
3 - Montez sur la colline
Une bonne manière de vous extraire de ces échanges marécageux est de prendre la posture « Big picture ». Votre interlocuteur vous égare ? Invitez-le (courtoisement) à faire preuve de hauteur de vue. « Can you summurize ? » « Which image would symbolize your idea ? » Les soucis de conjugaison vous arrivent aux orteils.
4 - En cas de détresse : la stratégie du crayon
Si vraiment, vous ne saisissez rien de leur propos, il vous reste toujours l’écrit. Demandez aux Amerloques (d’un ton autoritaire) de vous envoyer un e-mail récapitulatif « with the key elements of the discussion ». Vous aurez tout le temps de le décrypter ensuite avec votre petit dictionnaire en ligne (wordreference).
5 - Parlez angliche
Privilégiez les phrases courtes. Sommaires. Vous n’avez PAS, j’en suis navré, les moyens de faire des constructions savantes. Pour bluffer votre monde, peuplez l’espace sonore d’expressions-béquille de type « couleur locale » : « I mean » (j’ai un cerveau), « I am comfortable with » (je kiffe ce que vous dites), « My point is » (attention je vais penser), « basically » (vous semblez un peu abruti mais je vais vous parler simplement), et bien sûr l’indispensable « It’s raining cats and dogs » (il pleut des chats et des chiens).
6 - À bas les fausses excuses
Tout ceci, bien sûr, ne remplace pas un apprentissage rigoureux de la langue des rosbifs. Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. Et ne me dites pas, SVP, que vous n’êtes « pas doué pour les langues ». C’est l’excuse la plus bidon que je connaisse. N’importe quel crétin, immergé dans une nouvelle langue, la pratique couramment au bout de quelques mois (Franck Ribéry parle bien l’allemand au point d’envisager une naturalisation). Alors, juste faites-le !
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