La philosophie peut-elle sauver l'entreprise ?

Sylvie Laidet-Ratier

L'ESC Pau ouvre ses portes aux chefs d'entreprise et aux cadres dirigeants dès le 29 novembre, pour une semaine de philosophie appliquée notamment au monde du travail. Alors, en temps de crise, la philosophie peut-elle sauver l'entreprise ?

A quoi sert la philo, au boulot? A donner du sens à son job. Par exemple, à ce que l'on vend, ce que l'on produit. « La philo doit permettre aux managers d'être dans l'action sans oublier de réfléchir à la réalité des faits et d'acquérir un esprit critique », souligne Patrice Cailleba, directeur académique et professeur à l'ESC Pau. Aujourd'hui, les managers doivent être bons techniquement (marketing, RH, finances...) mais aussi responsables, vis à vis des clients, des collaborateurs, de leur environnement. « La philosophie est donneuse et porteuse de sens », résume-t-il.

Philosopher au travail

Pas question de se poser un quart d'heure par jour pour philosopher. La philo c'est une démarche, une posture intellectuelle, plus qu'un exercice quotidien. « Ca permet de changer d'attitude pour trouver des solutions. En acceptant de ne pas tout maîtriser, on s'ouvre au questionnement, au doute et donc au dialogue », explique Damien Goy animateur du blog L'Agora du management, auteur de Socrate, un philosophe au secours de l'entreprise paru la semaine dernière (Maxima).

Par exemple, prenons le dicton suivant : « Les chiffres parlent d'eux-mêmes ». C'est souvent derrière cette petite phrase que les managers se retranchent pour acter leurs décisions. « Pour eux, c'est une manière de se désengager de leurs responsabilités. Cela bannit également tout dialogue socratique autour des valeurs et des émotions », constate ce dernier. Or malgré une apparence scientifique, les chiffres ne sont pas toujours aussi fiables qu'on voudrait le croire. Une utilisation excessive de ces données ferme la possibilité d'un dialogue qui est nécessaire à leur validité.

La philo et la crise

En tout cas, c'est le moment ou jamais pour les entreprises de s'interroger sur leurs valeurs et leur fonctionnement. « La crise a mis deux choses en évidence : des dysfonctionnements économiques mais aussi des comportements inadaptés dont la cupidité, une vision court-termiste... Les décideurs ont répondu par des lois. Or l'éthique morale ne peut pas être réglée par voie législative mais par des débats publics. La philosophie peut y contribuer car elle implique de se poser, pour revenir aux fondamentaux », argumente Damien Goy.

Mais les entreprises sont-elles réceptives ? « Malheureusement très peu », confirme-t-il. Car en temps de crise, les organisations ont tendance à se crisper et à se refermer sur elles-mêmes. Pour elles, l'heure n'est pas au questionnement mais plutôt à la solution miracle. Celle qui impactera rapidement et efficacement le chiffre d'affaires, la marge nette, le cours de bourse... « Pour que les choses évoluent, il faudrait aussi que les philosophes parviennent à sortir de l'université et investissent davantage le champ de l'entreprise », remarque ce dernier.

Sylvie Laidet © Cadremploi.fr

 

L'ESC Pau en mode Philo

Gilles Lipovestsky, Albert Jacquard, Marcela Iacub... Tous ces penseurs vont s'exprimer librement jusqu'au vendredi 2 décembre dans le cadre de la Semaine de la philosophie organisée par l'ESC Pau.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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