Parisiens en province : la nostalgie les fait blogguer

Sébastien Tranchant

« La Province, c'est vachement sympa... 2 jours seulement ». Une phrase qui révèle son Parigot à coup sûr. Toujours content de fuir le stress de la capitale pour visiter les régionaux de l'étape mais pas forcément prêt à abandonner son deux pièces cuisine à 1000 euros par mois et ses sushis du midi. Mais bon, la vie fait que les Parisiens doivent parfois quitter leur ville. Conséquence : sur la Toile, les blogs de Parigots exilés fleurissent. Souvent drôles, doucement moqueurs aussi envers leurs congénères Bretons, Toulousains ou Berrichons mais toujours nostalgiques de leur capitale chérie.

Astrid, la parigote pleine d'autodérision

Pour Astrid, 35 ans, maman de trois enfants installée à Rennes, le couple « tipicôl » de la province s'appelle M. et Mme Glairon. Il raffole du scrapbooking, des mini-quiches à l'apéro et n'y connaît pas grand-chose en mode : elle ne connaît que les jupes longues et aime les grosses boucles d'oreilles ; lui est un adepte inconditionnel du camaïeu couleurs d'automne... Vous l'avez compris, Astrid aime titiller gentiment ses semblables et appuyer démesurément les clichés. Ses textes plein d'autodérision, d'abord publiés sur son blog, sont devenus récemment un livre* qui rencontre un beau petit succès de librairie. « Il y a trois ans, mon mari a été muté en Bretagne, sa région de natale. Lui était super heureux ; moi j'ai déchanté rapidement », avoue Astrid qui a dû quitter son job de graphiste pour le suivre. « Ne croyez pas tout ce qu'on dit : votre mari ne rentre jamais à 19 h mais plutôt vers 20-21 h, et madame devient vite bobonne à la maison ». Après 18 mois de recherches infructueuses à l'ANPE, elle se lance alors dans la tenue d'un blog pour faire rire une copine dans la même situation à Chambéry. Et là, bingo ! Les connexions explosent, le buzz fait le reste. Astrid devient même chroniqueuse à la radio. On connaît la suite. Conclusion : merci la Bretagne ! « C'est vrai que si j'étais restée à Paris, rien de tout cela ne serait arrivé. » Une collaboration dans un magazine féminin et un deuxième livre sont à l'étude. Mais malgré cet épanouissement professionnel inattendu, Astrid demeure toujours nostalgique de sa vie d'avant. Qu'est-ce qui vous manque le plus encore aujourd'hui ? « C'est terrible, à peu près tout... »

Jean-Philippe exilé au pays du foie gras

Avant d'immigrer dans le Sud-Ouest il y a 18 mois, Jean-Philippe, 35 ans, avait toujours vécu en région parisienne. « Je suis né en banlieue, j'y ai grandi et même commencé ma carrière professionnelle. J'ai ensuite emménagé rive gauche dans le 7e arrondissement de Paris. Pour moi, ça symbolisait la réussite », explique-t-il. Après 3 ans passés dans une société allemande de marketing internet, le voilà embarqué par un collègue toulousain dans un projet de création d'entreprise. Il faut quitter Paris. Du 7e, le voilà téléporté dans un petit bled à 20 km au sud de Toulouse. La loose... « Je suis assez branché randonnée, alors pour ça c'est bien. Mais côté vie culturelle, il n'y a que des films en VF. Et voir un Almodovar ou un Woody Allen doublé français, ça craint... ». Pour faire le lien avec ses potes, il crée donc un blog en décembre 2007 où il poste régulièrement ses fameuses tranches de vies « d'un bobo parisien perdu au pays du foie gras ». Perdu, c'est le mot : « Au début, j'ai gardé mes réflexes de Parisien en me disant que j'irai faire les courses en sortant du boulot. Mais à 19 h tout est fermé où j'habite ! Alors j'ai dû revoir mes habitudes » sourit Jean-Philippe qui l'aime sa région d'adoption même s'il est agacé d'être à 5h30 de Paris en TGV. Ce qu'il apprécie dans sa nouvelle contrée ? « Le fait de ne pas avoir mis de cravate depuis 18 mois ; d'avoir permis de créer un emploi local ce qui aide pas mal à l'intégration ; les rapports professionnels plus détendus et sans chichi ». Ce qu'il apprécie moins ? Le budget transport qui a explosé : « Avant, je me déplaçais en métro et mes patrons me payaient 50 % de ma carte orange. Aujourd'hui comme j'habite à 40 km de mon travail, j'en ai pour 300 euros par mois de frais d'essence. » Ca calme. Et même s'il est heureux où il est, Jean-Philippe reste un Parigot. Son projet : « Diriger le futur bureau parisien de sa boîte. Quand il verra le jour ».

Lionel : « Le Berry c'est bien... en vacances »

Bien que ça fasse déjà dix ans qu'il a quitté Paname, Lionel, cadre encadrant de 38 ans dans l'éducation nationale, a ouvert son blog Parisiens de province il y a seulement quelques mois. Dommage ! Car ce parisien de naissance, d'abord en poste dans le Berry pendant neuf ans, puis en Touraine depuis un an, aurait pu en poster des humeurs sarcastiques ! « J'ai eu une lubie de parisien, dit-il en racontant le jour où il a décidé avec sa femme de ne plus respirer l'air de la capitale. J'avais une vision idéalisée de la province qui ne correspondait pas du tout à la réalité. Il faut bien se rendre à l'évidence : parfois la greffe ne prend pas. Le Berry est une région sympa pour partir en vacances, mais pour y vivre c'est autre chose, explique Lionel. Dans les départements ruraux, les préjugés sont forts et au travail j'étais vu comme le parisien qui venait dicter sa loi. Aujourd'hui j'habite une plus grande ville et je m'y sens mieux. » Sur son blog, point de billets rageurs mais plutôt une succession de posts visant à créer une communauté d'opinion. « Je reçois pas mal de messages de personnes qui vivent la même situation. Et j'en viens à cette conclusion que, souvent, les Parisiens assument leur choix de départ au début. Mais après, c'est plus compliqué... » Egalement au menu de ce blog : une sélection de livres, des recommandations d'expos photos, ou encore un web-guide des rues de Paris. Une sorte de carrefour de l'Odéon sur le web qui trahit, parfois, un petit mal du pays.

* Province attitude - mode d'emploi, Chiflet & Cie, mars 2009, 10 euros

Sébastien Tranchant
Sébastien Tranchant

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