Abandon de poste : définition et mise en oeuvre

Josée Pluchet

On parle d’abandon de poste dès lors qu’un salarié ne se présente plus à son poste de travail, sans justification et de manière répétée. La procédure a été modifiée en 2023 et ses conséquences ne doivent pas être sous-estimées. Qu’est-ce que l’abandon de poste ? Comment réagir si cette situation arrive dans votre entreprise ?
Abandon de poste : définition et mise en oeuvre

Abandon de poste : de quoi s’agit-il ? 

L’abandon de poste consiste en la non-exécution du contrat de travail. Il est caractérisé lorsqu’un salarié quitte son poste de travail, ou ne reprend pas son travail, de sa propre initiative, alors qu’il n’y est pas autorisé par son employeur.

Alors que, durant longtemps, l'abandon de poste n'était pas encadré juridiquement, un amendement à la réforme de l'assurance chômage de 2022 est venu en préciser les contours. Cela s'est traduit par une modification du Code du travail, avec la création de l'article L1237-1-1, et l'article R1237-13, créé par le décret n°2023-275.

L’abandon de poste concerne tous les salariés du secteur privé, cadres et non cadres, en CDD ou en CDI. Cependant, dans le cas d'un CDD, on parle de rupture anticipée du contrat de travail à l'initiative de l'employé.

Bon à savoir : l’abandon de poste existe aussi dans le secteur public ou l’armée, avec de grandes différences en termes de procédure et de conséquences.

Quelle est la durée d'abandon de poste ?

En général, il s’agit d’une absence prolongée. L’abandon de poste n’est souvent caractérisé qu’au bout de quelques jours (en l’absence de justificatif d’absence, comme un arrêt de travail). Cependant, il peut s’agir d’une absence de plus courte durée si elle a eu des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour l’entreprise.

Il est conseillé à l'employeur d'attendre quelques jours avant de lancer une procédure disciplinaire. Cela lui permet de contacter le salarié pour obtenir d'éventuels justificatifs sur son absence. S'il souhaite engager les démarches de rupture du contrat de travail, il doit au préalable laisser un délai d'au minimum quinze jours à son salarié pour réintégrer son poste.

Exemples d’abandon de poste

L’abandon de poste peut résulter du comportement d’un salarié qui quitte brutalement son poste à la suite d’un mécontentement. Il peut aussi s’agir d’un salarié qui ne revient pas après ses congés payés ou un congé maladie.

Il y a également abandon de poste en cas de non-présentation au travail suite à une nouvelle affectation imposée par l’employeur (Cass., ch. soc., 28 mai 215, pourvoi n° 14-13166). Enfin, l’absence du salarié à son poste de travail doit être soudaine, inattendue et inexpliquée.

Ce qui n’est pas un abandon de poste

Ne constituent pas un abandon de poste :

  • Une absence justifiée, même si elle est soudaine, et même si elle se prolonge dans le temps, dans certaines situations. Ce sera le cas si le salarié subit un accident ou quitte le travail suite au décès d’un proche ;
  • Une consultation de médecin justifiée par l’état de santé du salarié ;
  • Certaines absences justifiées (en cas de force majeure notamment) ;
    L’usage légitime du doit de retrait (articles L 4131-1 et suiv. du Code du travail) ;
  • La non-reprise du travail à l’issue d’un arrêt mala­die lorsque l’employeur n’a pas orga­nisé la visite de reprise (Cass., ch. soc., 6 mai 2015, pourvoi n° 13-22459).

A noter également que si le salarié reprend son poste, il ne s’agit plus d’un abandon de poste. L’absence peut néanmoins être sanctionnée.

Par ailleurs, si un candidat accepte une proposition d'embauche lors d'un recrutement mais ne donne ensuite plus signe de vie, il ne s'agit pas d'un abandon de poste, que le CDI ait été signé ou non. Cette pratique, de plus en plus fréquente, n'est régie par aucun texte, et aucune poursuite n'est possible.

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Comment se déroule un abandon de poste ?

Depuis avril 2023, l’abandon de poste est assimilé et traité comme une démission, sauf dans des cas de figure très précis où le salarié abandonne son poste pour des motifs légitimes : consultation d'un médecin donnant lieu à un arrêt de travail, droit de retrait, grève, refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation, modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur qui est refusée par le salarié

Le traitement de l'abandon de poste est cependant un peu spécifique par rapport à une démission classique. Par ailleurs, certains juristes s'inquiètent du flou juridique entourant le nouveau cadre de l'abandon de poste. Le fait que les employeurs puissent ou non continuer à recourir au licenciement ou non ainsi que l’ensemble des motifs considérés comme légitimes posent ainsi question.

Caractériser l’abandon de poste

L’employeur ne doit pas se précipiter. Il doit s’assurer qu’il s’agit bien d’un abandon de poste (et non d’une absence légitime). Il doit donc d’abord mener une enquête sommaire sur les raisons de l’absence de son salarié, auprès de ses collègues notamment.

Après un délai de 3 ou 4 jours, l’employeur peut adresser un courrier à son collaborateur, le mettant en demeure de justifier son absence ou de reprendre le travail. La mise en demeure doit accorder au salarié un délai d'au moins quinze jours pour reprendre le travail. Le courrier doit aussi préciser que si le salarié refuse de reprendre le travail, il sera considéré comme démissionnaire.

Attention : ce courrier n’est pas un un avertissement, qui serait une sanction en tant que telle.

Sans réponse du salarié (ou en cas de réponse négative) et sans reprise du travail, une procédure de rupture du contrat de travail pour démission peut commencer à l'échéance indiquée dans le courrier de mise en demeure.

Si le salarié reprend son poste dans le délai imparti, l'employeur est en droit de le sanctionner pour absence injustifiée. L’employeur peut aussi procéder à une mise à pied de son salarié à titre conservatoire (afin qu’il ne reprenne pas son travail).

Mettre en œuvre la procédure de démission

Le salarié est considéré comme démissionnaire à compter de l'issue du délai indiqué dans le courrier de mise en demeure de l'employeur, s'il n'a pas fourni les justificatifs nécessaires ou s'il a confirmé sa volonté de ne pas reprendre le travail. Ce courrier doit être envoyé en recommandé avec accusé de réception ou remis en mains propres contre décharge.

A compter de cette date, le salarié est donc tenu d'exécuter son préavis. Sa durée est fixée par les conventions collectives, par les usages ou directement par le contrat de travail. Celui-ci ne peut prévoir un préavis plus long que ce qui est fixé dans les conventions collectives. Le salarié peut demander à être dispensé de préavis, mais si l'employeur refuse, le salarié doit l'accomplir, sous peine de devoir verser des indemnités. L'employeur peut aussi dispenser le salarié de préavis, auquel cas l'employeur doit verser une indemnité compensatrice de préavis au salarié. Dans tous les cas, il est tenu de verser au salarié l'indemnité compensatrice de congés payés si ce dernier n'a pas pris tous les congés auxquels il avait droit.

Avant que le salarié ne quitte l'entreprise, l'employeur doit lui remettre :

  • Son certificat de travail ;
  • Une attestation Pôle Emploi ;
  • Son solde de tout compte ;
  • L’état récapitulatif de l'ensemble des sommes et valeurs mobilières épargnées dans l'ensemble des dispositifs de participation, d'intéressement, plans d'épargne salariale dans l'entreprise.

Dans la DSN comme dans les attestations remises au salarié, l'employeur doit indiquer "démission" comme motif de rupture du contrat de travail.Le salarié peut contester l'application de la présomption de démission auprès du conseil de prud'hommes. Le bureau de jugement a un mois à partir de la saisie pour rendre sa décision.

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Le salarié touche-t-il le chômage après un abandon de poste ?

L'abandon de poste étant désormais assimilé à une démission, la règle est que le salarié n'a pas droit à l'allocation chômage. Quelques cas de démissions dites légitimes ouvrent droit à l'allocation de retour à l'emploi (ARE) : suivi du conjoint, acte délictueux subi dans le cadre de son travail tel que du harcèlement...

Par ailleurs, dans certains cas, le fait que le salarié quitte son poste ne peut pas être assimilé à un abandon de poste et donc donner lieu à une démission (voir plus haut). Si le conseil de prud'hommes reconnaît que l'employeur a mis fin au contrat de travail alors que le salarié était dans un de ces cas de figure, alors le salarié sera considéré comme involontairement privé de son emploi si l’employeur ou le salarié lui-même s’oppose à la reprise du poste. Le salarié pourra alors toucher le chômage et l'employeur devra également lui verser des indemnités.

L’abandon de poste, une fausse bonne idée ? 

Les avantages de l’abandon de poste

Jusqu'à la mise en œuvre en avril 2023 de cette mesure issue la réforme de l'assurance chômage, faire un abandon de poste présentait des avantages sur une démission, notamment la possibilité de toucher l'allocation chômage. Cependant, ce n'est désormais plus le cas. Dans certains cas précis, quitter son poste peut être une mesure d'urgence (danger, harcèlement) avant de faire reconnaître les torts de l'employeur. Il ne s'agit alors pas d'un abandon de poste caractérisé.

Quels sont les risques de l’abandon de poste ?

Un abandon de poste ne doit pas être décidé à la légère, car les conséquences peuvent être importantes :

  • À compter de l’abandon de poste, le salarié ne touche plus de rémunération ;
  • Sauf exception, si l'employeur décide de mettre fin au contrat de travail, le salarié sera également privé d'allocation chômage ;
  • L’employeur peut demander des dommages et intérêts s’il démontre que l’abandon de poste brutal a entrainé un préjudice grave pour l’entreprise ;
  • Enfin, l’abandon de poste met le salarié dans une situation très délicate vis-à-vis de son employeur, mais également de ses collègues.

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Josée Pluchet
Josée Pluchet

Diplômée notaire, Josée Pluchet est passionnée de droit privé, du droit civil au droit du travail en passant par le droit de la construction ! Chargée de veille juridique pour plusieurs sociétés, elle suit avec intérêt et attention les évolutions législatives et jurisprudentielles. Rédactrice juridique, elle a à cœur de rendre le droit accessible aux non-juristes. Elle rédige pour Cadremploi des articles relatifs au droit du travail.

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