Loi sur l’emploi : ce qui va changer pour les cadres

Benoît Sevillia

Quel sera l’impact, pour les cols blancs, de la future loi sur la sécurisation de l’emploi ? Benoît Sévillia, avocat à la Cour, relève sept mesures les concernant dans l’avant-projet de loi du gouvernement présenté le 11 février.

Le gouvernement a présenté, le 11 février 2013, l’avant-projet de loi* sur la sécurisation de l’emploi. Ce dernier vient transposer l’accord national interprofessionnel (ANI), qui a été adopté le 11 janvier 2013 par trois des cinq centrales syndicales représentatives, la CFDT, la CFTC et la CGC-CGE.

1 - La complémentaire santé pour tous

L’objectif de généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé est repris dans l’article 1 (Chap. 1) de l’avant-projet de loi. Ce dernier prévoit que tous les salariés devront bénéficier, d’ici le 1er janvier 2016, d’une couverture santé complémentaire (100% de la base de remboursement de la sécurité sociale pour toutes les consultations et actes de soins). Cette complémentaire devra être financée respectivement par les employeurs et les salariés à hauteur de 50/50.

En cas de rupture du contrat de travail, il est prévu que ces garanties soient maintenues pendant une durée égale à la période d’indemnisation du chômage dans la limite de douze mois. Ainsi, d’ici trois ans, l’ensemble des salariés et des cadres, des TPE aux grands groupes du CAC 40, bénéficieront d’une couverture santé complémentaire.

2 – Un droit à la formation transférable

L’article 2 (Chap. 1) de l’avant-projet de loi reprend les dispositions renforçant le droit individuel à la formation (DIF). Le DIF est remplacé par un « compte personnel de formation », plafonné à 120 h par salarié, intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi.

3 – Mobilité externe

Dernière mesure du premier chapitre intéressant particulièrement les cadres, la possibilité pour les salariés justifiant d'une ancienneté minimale de deux ans, dans les entreprises de plus de 300 salariés, de bénéficier, avec l'accord de leur employeur et par avenant à leur contrat de travail, d'une période de mobilité leur permettant de « découvrir un emploi dans une autre entreprise ». Au terme de cette période, le salarié pourra retrouver son emploi antérieur ou un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente. Si le salarié ne souhaite pas réintégrer son entreprise, la rupture de son contrat de travail sera analysée en une démission (sans obligation de préavis par le salarié ou l'employeur).

4 - Droits à l’assurance chômage rechargeables

L’avant-projet de loi (Chap. 2, art. 3) entérine le principe de la création de droits rechargeables à l’assurance chômage. Concrètement, les salariés conserveront leurs droits à allocation non utilisés lors d’une période de chômage, pour les adjoindre, en cas de nouvelle perte d'emploi, aux nouveaux droits acquis.

5 – Temps de travail et heures complémentaires

Dans l’article 8 (Chap. 2°, la durée minimale hebdomadaire de travail passe à 24 heures pour les salariés à temps partiel. Cette mesure ne concerne ni les particuliers employeurs ni les étudiants de moins de 26 ans. Seuls un accord de branche et une demande écrite et motivée du salarié permettront de déroger à cette mesure.

Par ailleurs, il est prévu que la rémunération des heures complémentaires sera toujours majorée, de 10 % à 25 %, au-delà d’1/10ème du temps de travail.

6 – Accords de maintien dans l’emploi

Les entreprises auront la faculté (Chap. 3, art 12) de baisser la rémunération des salariés et/ou d’augmenter leur temps de travail pendant une durée de deux ans, dans le cadre d‘d’accords de maintien dans l’emploi. Ces derniers ne pourront être mis en place par l’entreprise qu’en cas de graves difficultés conjoncturelles. En cas de refus du salarié, il est prévu qu’il soit licencié pour motif économique.

7 – Indemnités suite à un licenciement et délai de prescription

L’article 16 du chapitre 4 prévoit des mesures visant à faciliter la conciliation prud’homale, en cas de litige, moyennant le versement d’une indemnité forfaitaire globale arrêtée selon un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié.

En cas de non conciliation, ce nouveau dispositif devrait fortement influer sur le montant des condamnations prononcées par les Conseil de prud’hommes concernant les dommages et intérêts et indemnités versées au salarié lorsque le licenciement est invalidé. Il faut donc attendre la publication du décret pour en savoir plus.

Enfin, l’autre mesure importante intéressant les salariés est l’abaissement à deux ans du délai de prescription concernant les actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail.

La conclusion de l’expert : ce texte ne présente pas de bouleversement majeur. Il crée un ensemble de mesures visant à mieux protéger les salariés tout au long de leur parcours professionnel en renforçant l’accès à la formation professionnelle, en facilitant leur mobilité et en leur offrant un certain nombre de garanties en cas de perte d’emploi. Il ne remet pas en cause les dispositions très protectrices caractérisant notre droit du travail relatif au licenciement et ne crée pas de nouveaux leviers permettant de réduire les cotisations sociales des petites et moyennes entreprises. La flexibilité à la française n’est ainsi pas encore d’actualité !

 

* Ce texte, soumis au Conseil d’Etat, pourrait encore évoluer avant sa présentation le 6 mars prochain en Conseil des ministres.

Benoît Sevillia
Benoît Sevillia

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