La démission contrainte ou forcée

Mathilde Hardy

Vous envisagez de démissionner... mais, en somme, pas vraiment de votre plein gré ? Si vous êtes "poussé vers la sortie" et pouvez le prouver, le juge peut requalifier a posteriori votre démission en licenciement. La démission contrainte ou forcée, notre article vous renseigne.
La démission contrainte ou forcée

La notion de démission contrainte / forcée

La jurisprudence définit la démission comme « un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ». La décision doit être prise librement et peut être remise en cause si elle résulte de « faits imputables à l’employeur » (Cass. soc. 9 mai 2007). En d’autres termes, si vous êtes poussé à la démission par votre employeur, cela pourra être considéré comme une prise d'acte de votre part. Le Conseil de prud’hommes peut alors décider de requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il existe 2 cas de figure en matière de démission forcée...

Cas n°1 : L’employeur fait pression sur le salarié pour qu’il démissionne

Notez qu’avant de donner votre lettre de démission, il est préférable d’alerter les entités compétentes telles que vos délégués du personnel, l’inspection du travail ou éventuellement le médecin du travail. Ces derniers pourront vous aider ou, si la situation n’évolue pas, attester de la dégradation de vos conditions de travail et de la pression dont vous êtes victime.

Si les faits sont avérés, et que le salarié démissionne, ce dernier peut tout à fait saisir le Conseil des prud’hommes en vue de demander une éventuelle requalification de sa démission en licenciement, et donc prétendre aux indemnités de licenciement correspondantes.

Cas n°2 : Le salarié rompt son contrat suite à des manquements graves de la part de l’employeur

En cas de manquements graves de l’employeur à ses obligations, le salarié a la possibilité de rompre le contrat qui les lie. Il invoquera alors non pas une démission mais une "prise d'acte" de la rupture du contrat de travail. Quels peuvent être des manquements suffisants pour fonder une prise d’acte ? Le non-paiement ou le retard de paiement du salaire, le refus d’accorder les repos règlementaires, des conditions de travail contraires aux règles élémentaires de sécurité ou d’hygiène, la non prise en compte des recommandations du médecin du travail relatives à une inaptitude, ou encore un conflit imputé à l'employeur ayant des conséquences physiques et psychologiques avérées pour le salarié,

2.a. La prise d’acte de la rupture

Comment prendre acte de la rupture du contrat de travail ? La prise d’acte de la rupture de contrat se matérialise par une lettre recommandée à l’attention de l’employeur, notifiant la prise d'acte et les griefs qui la motivent. Cette lettre peut également être adressée par un service juridique. Elle permettra par ailleurs de dater précisément la prise d’acte pour le délai de préavis.

La prise d’acte ne vous empêche pas de continuer à travailler si vous le souhaitez (Cass. soc. 27 sept. 2006, n° 05-40414). En revanche, elle vous permet de quitter l’entreprise sans être tenu de respecter votre préavis. Il est néanmoins conseillé de le faire afin d’éviter que votre employeur ne vous demande à ce titre des dommages et intérêts vous en cas de jugement en votre défaveur et de requalification par le juge de votre prise d'acte en démission (voir ci-dessous).

2.b. Les deux issues à la prise d'acte

>> Prise d'acte justifiée : requalification de la démission en licenciement

Si la prise d’acte est jugée recevable, la rupture prendra alors l’effet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Votre employeur sera alors tenu de vous verser des indemnités de préavis, de licenciement et vos restants de congés payés. Vous pouvez tenter de négocier plus lors de votre licenciement. Il peut également être contraint de vous verser des dommages et intérêts liés à l’absence de justification du licenciement (Cass. soc. 16 mars 2011).

>> Prise d'acte injustifiée : démission du salarié

Si la prise d’acte est jugée abusive, la rupture de contrat sera par contre requalifiée en démission. Vos indemnités de congés payés vous seront dues, mais vous n’aurez droit ni à l’indemnité de licenciement, ni à l’indemnité de préavis.

En revanche, si vous avez quitté l’entreprise sans respecter votre préavis, l’employeur peut vous réclamer des indemnités à ce titre (Cass. soc., 2 juillet 2009).

Démission forcée et prestations sociales

Seuls les salariés ayant été involontairement privés de leur emploi peuvent prétendre à une assurance chômage (les allocations chômages). Il faut savoir que Pôle emploi considère par défaut la prise d’acte comme une démission, ce qui exclut le versement d’une allocation après la rupture de contrat. Il vous faudra attendre le jugement du Conseil de prud'hommes, et l'éventuelle requalification de votre prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour ouvrir vos droits aux allocations chômages.

Mathilde Hardy
Mathilde Hardy

Je suis rédactrice web SEO et fondatrice de l’agence Les Nouveaux Mots. J'ai à cœur de rédiger des articles fiables et complets sur les sujets emploi, éducation, immobilier, argent et droit, notamment à destination des lecteurs de Cadremploi, grâce à mon expertise de 10 ans sur ces sujets.

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