Protégez votre vie privée au boulot : posez les limites

Clémentine Monperrus

Avec les smartphones, boîtes mails et autres réseaux sociaux, on a tendance à l’oublier mais la "vie privée" n'est pas un concept vide de sens. Si cette dernière est strictement protégée dans le cadre de l'exercice de votre profession, elle ne doit pas causer de troubles au bureau... sous peine de licenciement. Petit rappel de la jurisprudence en la matière.

Connecté à Facebook tout le long du jour, votre playlist « spécial boulot » dans les oreilles, vous êtes un pur produit de la Génération Y et avez du mal à établir une frontière stricte entre vie perso et vie pro ? Grand manager accro à votre smartphone, vous avez bien du mal à lâcher vos dossiers le week-end voire en congés ? A l'évidence, vous avez du mal à fixer les limites entre le travail et votre vie personnel. Alors, sachez-le, les limites existent, gravées dans le droit.

Concilier vie privée et vie professionnelle

Que nous dit la jurisprudence, en premier lieu, sur l’espace de liberté privé du salarié au travail ? Cette dernière nous dit qu’il a le droit de s’aménager un vrai espace de vie perso : il peut ainsi utiliser internet ou sa ligne téléphonique à des fins personnelles, s’habiller comme il veut– et même porter des boucles d’oreilles ou des tatouages (dans une certaine mesure en fonction de son poste) - ou se créer un dossier « perso » dans son ordinateur où seront stockées des photos ou tout document privé. Il peut même, la jurisprudence l’admet, se faire adresser une revue libertine au travail et la lire sans que cela ne lui soit reprocher (Cass. Ch mixte, 18 mai 2007).

Licenciement et vie privée

Mais attention, même si le principe général demeure le respect de la vie privée au travail, un fait personnel sur le lieu d’exercice du contrat (ou pendant le temps de travail) peut entrainer le licenciement d’un salarié. Pour cela, la cour de cassation énonce qu’il doit causer « un trouble caractérisé au sein de l’entreprise ».

Ainsi, le licenciement d’un salarié ayant organisé une réception dans l'hôtel où il exerçait ses fonctions et ayant utilisé sa qualité d'employé pour tenter d'obtenir des prestations supérieures à celles convenues, a été confirmé. Le « trouble objectif » justifiant son licenciement a été reconnu par le tribunal (Cass. soc. 16 mars 2004 n° 01-45062).

Autre exemple, celui d’un stewart licencié pour avoir consommé de la drogue pendant ses escales a été validé par la cour de cassation. Cette dernière a énoncé que le salarié, qui était affecté à la sécurité, se devait d’être en toute possession de ses moyens et que l’effet des substances absorbées ne le permettait pas puisqu’il se prolongeait pendant le travail (Cass. Soc, 27 mars 2012, n° 10-19915).

Une liaison avec un autre salarié ne constitue pas un motif de licenciement

En l’absence d’un tel « trouble objectif au sein de l’entreprise» le licenciement est abusif (Cass. Soc. 30 novembre 2005 n° 04-41206 et 04-13877). Par exemple, il a été acté qu’une liaison entretenue avec un autre salarié, relevant de la vie privée de la salariée, ne peut constituer en soi un motif de licenciement (Cass. Soc. 21 décembre 2006, n° 05-41140).

Ainsi, la jurisprudence tente de délimiter, de plus en plus sévèrement d’ailleurs, les cas dans lesquels le contrat peut être rompu par l’employeur en imputant un fait de privée comme faute du salarié. Marie Hautefort, membre du conseil de sécurité du Lamy Social, classe ses troubles caractérisés selon leur nature : les atteintes à la sécurité ; les manquements à la loyauté ; les indélicatesses ou malhonnêtetés commises à l’aide du matériel de l’entreprise ; les abus dans l’exercice d’une liberté ; les atteintes à l’image de marque ou à la réputation de l’entreprise ou encore les manquements à une obligation contractuelle légitime.

Dans ces cas de figure, l’employeur sera a priori fondé à s’immiscer dans la vie personnelle du salarié et à demander son licenciement.

Clémentine Monperrus © Cadremploi.fr

Clémentine Monperrus
Clémentine Monperrus

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