L'entreprise doit (encore) mieux faire

Aurélie Tachot

Par conviction, ou contraintes par la loi, les entreprises se plient en quatre pour lever les tabous sur l'emploi des personnes en situation de handicap, en interne mais aussi en externe. Ces politiques volontaristes, qui sont souvent récentes, présentent pour l'heure des résultats mitigés.

2011, annus horribilis pour l'emploi des personnes handicapées ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes : crise économique oblige, leur taux de chômage atteint aujourd'hui 19,3 %, soit le double de celui de la moyenne nationale. Parmi eux, on dénombre 6 % de cadres et 36 % d'employés qualifiés. Un retour de bâton difficile à accepter dans la mesure où ce taux avait progressé deux fois moins vite que la moyenne en 2009. Pour autant, le tableau n'est pas si noir. « Grâce aux actions mises en place par les entreprises, notamment auprès des opérationnels, on assiste à une véritable prise de conscience sur ce qu'est réellement le handicap, constate Pascal Fert, directeur associé du cabinet de recrutement Candicap Conseil. Les freins à l'embauche de personnes handicapées se débloquent peu à peu et de plus en plus de travailleurs handicapés sont en cours de reconnaissance. »

Le quota des 6 % difficilement respecté

La loi Handicap du 11 février 2005 ainsi que les nouvelles sanctions de 2010 à l'encontre des entreprises les plus récalcitrantes ont fait bouger les lignes. Les entreprises assujetties respectent en effet de mieux en mieux leurs obligations en matière d'emploi en ce domaine. Le 5ᵉ Baromètre « Emploi et Handicap » réalisé par l'Agefiph indique que 57 % atteignent le quota des 6 % de travailleurs handicapés. Le groupe Bosch fait partie de ces bons élèves. Il affiche, à l'échelle nationale, un taux d'emploi de 6,9 %. « D'une région à l'autre, il y a de grosses disparités entre nos établissements. Toutefois, ce sont essentiellement ceux de la région parisienne qui embauchent des profils hautement qualifiés, lesquels se situent en dessous de ce seuil », souligne Agathe Fossier, en charge de la mission handicap.

Si certaines entreprises semblent sur la bonne voie, d'autres peinent à sortir la tête de l'eau. Et comptent bien sur des accords d'entreprises pour redresser la barre. « Nous avons encore de gros efforts à faire puisque notre taux d'emploi est seulement de 0,54 %. Toutefois, nous avons signé un accord le 3 mai dernier et espérons que ce pourcentage évoluera rapidement », explique Vanessa Dépret-Biout, responsable de la mission diversité chez Cetelem. Car la progression demande du temps, alors que les accords sont encore récents dans un certain nombre d'entreprises. Même son de cloche chez Kone : « notre taux d'emploi s'élève aujourd'hui à 2,4 % contre 1,68 % en 2009. Cette progression, quoique légère, est en partie due à l'accord triennal que nous avons signé », explique Coralie Michel, chargée de la mission accessibilité handicap. Avec une politique volontariste, le pourcentage de travailleurs handicapés au sein du Club Med « évolue chaque année : il passera ainsi de 3,6 % à 4% entre la fin de l'année 2010 et la fin 2011. Nous mesurons le chemin parcouru depuis 2007, où nous employions 0,94% de salariés en situation de handicap », précise Annick Radovic, responsable de la mission handicap.

Lutter contre les freins à l'embauche

La méconnaissance du handicap est le premier obstacle évoqué par les professionnels RH. Malgré l'évolution des mentalités, certains préjugés perdurent. « Lorsqu'on parle du handicap, on imagine toujours des personnes atteintes d'invalidités lourdes. Or, 85 % des handicaps sont invisibles et ne nécessitent pas d'aménagement de poste », précise Pascal Fert du cabinet Candicap Conseil. Selon l'Insee, sur 1,4 millions de personnes reconnues handicapées, seules 14 % seraient en effet en fauteuil roulant. « En entreprise, on retrouve bien davantage des malentendants, des malvoyants, des personnes ayant des problèmes de dos ou souffrant de diabète », ajoute le directeur associé.

Le manque de qualification des travailleurs handicapés est également un frein au recrutement. Et pour cause : selon l'Agefiph, environ 80 % d'entre eux n'ont pas le baccalauréat et seuls 7 % ont un diplôme supérieur au niveau Bac +2. C'est donc là que le bas blesse. « Nous embauchons, au sein de nos sites de production, une population plutôt ouvrière avec un niveau de qualification technique qui correspond à celui des travailleurs handicapés, explique Agathe Fossier, de l'entreprise Bosch. Toutefois, pour nos postes de cadres et d'ingénieurs à pourvoir en région parisienne, nous avons de gros problèmes de sourcing. »

Un avis corroboré par Coralie Michel de l'entreprise Kone. « La majorité des postes que nous proposons requiert un niveau de diplôme supérieur à ceux proposés par les travailleurs handicapées. Sans compter que sur nos postes de techniciens, qui constituent l'essentiel de nos métiers, il y a des contraintes posturales importantes qui ne sont pas compatibles avec certains types de handicaps. C'est la raison pour laquelle nous proposons aux travailleurs handicapés des périodes de stage durant lesquels ils peuvent voir si le poste peut correspondre à leurs attentes et leurs capacités. »

Une myriade de bonnes pratiques

Ateliers de sensibilisation, coopération avec des associations, développement de l'alternance... À chaque entreprise sa bonne pratique pour rentrer dans les clous de la loi Handicap. Pour agrandir son réseau, le groupe Bosch, par exemple, a participé à la création de l'association Hangagés, qui regroupe neuf entreprises telles que Danone et Quick. « Ce partenariat nous permet de partager nos expériences et d'échanger sur nos pistes d'action. Cette année, nous avons mutualisé nos forces et réalisé, à partir de témoignages de collaborateurs, un film de sensibilisation au handicap », explique Agathe Fossier. À l'occasion de son « Diversity Day », Cetelem a organisé, à destination de ses salariés, « des ateliers de langues des signes ainsi que des sessions de théâtre en entreprise sur le thème du handicap », précise Vanessa Dépret-Biout.

L'entreprise Kone essaye, quant à elle, de multiplier les partenariats avec les écoles et les universités. Dernier en date : « l'intégration d'une personne non-voyante en alternance sur un poste de commercial en partenariat avec l'école de commerce Euromed, à Marseille », précise Coralie Michel. De son côté, le Club Med coure les salons de recrutement spécialisés pour approcher les travailleurs handicapés. À cette occasion, il mise sur le CV par habiletés, qui recense toutes les aptitudes qu'un candidat peut avoir développé au cours de sa vie professionnelle ou personnelle. « Nous avons de plus en plus recours à ce type de CV dans la mesure où nous proposons beaucoup de postes qui ne nécessitent pas forcément de qualifications, mais de la motivation et le sens du service aux clients », conclut Annick Radovic.

Aurélie Tachot © Cadremploi

Aurélie Tachot
Aurélie Tachot

Après avoir occupé le poste de rédactrice en chef d’ExclusiveRH.com (entre autres), je travaille désormais à mon compte. Pour Cadremploi, je contribue à la rubrique Actualités via des enquêtes, des interviews ou des analyses sur les évolutions du monde du travail, sans jamais oublier l'angle du digital.

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