Un cadre sur deux pense avoir déjà fait un burn-out

Gilles Boulot

[Etude exclusive] Ce matin débute la Semaine de la qualité de vie au travail à travers toute la France. L’occasion pour Cadremploi d’interroger les cols blancs sur leur perception du burn-out. Leurs réponses sont alarmantes. Même si les cadres ont le sentiment d’être en burn-out sans toujours l’être médicalement, cette seule perception témoigne déjà d'une relation au travail qui pose question. Et les managers se révèlent désarmés et impuissants à les aider.
Un cadre sur deux pense avoir déjà fait un burn-out

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’en démord pas : si le burn-out est considéré comme un « phénomène lié au travail », il n’est pas à proprement parler une maladie professionnelle. Pourtant, les 1 123 cols blancs qui viennent d’être interrogés par Cadremploi* sont 67 % à le considérer comme une véritable maladie.

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La moitié des cadres estime avoir déjà fait un burn-out

Pire encore : la moitié des cadres interrogés affirment avoir déjà souffert d’un burn-out et 36 % pensent en avoir fait un mais n’en sont pas sûrs. Des chiffres qu’il convient évidemment de relativiser étant donné la difficulté à cerner les symptômes de ce mal (un chercheur rappelle qu’il y a « 134 manifestations cliniques différentes qui permettent de diagnostiquer un burn-out »).

 

Les manifestations du burn-out selon les cadres qui pensent en avoir été victimes sont légion. Les 3 symptômes les plus cités sont ceux qui correspondent à un état de stress : l’anxiété (74%), la fatigue (67%) et les insomnies (64%).

 

 

 

Le sentiment de burn-out chez les cadres semble davantage lié à l’organisation du travail plutôt qu’à son manque de sens.

 

Reste que 95 % des interrogés estimant que le burnout est une maladie pro, lient son origine au travail. En tête des causes citées par plus de la moitié des cadres arrivent « la pression » et la « charge de travail trop importante », suivies par « le manque de reconnaissance pour le travail fourni » et le stress. En revanche, le « manque de sens dans son travail » n’est cité que par un tiers des cadres.

 

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Accusés managers levez-vous !

Puisque les managers sont accusés, la question qui se pose, et que Cadremploi a posé à ces cadres qui se déclarent, ou se sont déclarés en état de burn out, consiste à connaître l’aide que leurs chefs leur ont accordé. Et dans ce cas, le verdict s’aggrave. 86 % des interrogés n’ont pas du tout été accompagnés dans cette passe difficile. A la décharge de leur N+1, parmi ces cadres estimant avoir manqué d’accompagnement, 40 % n’en n’avaient même pas informés leurs managers (ils étaient même 52 % chez les femmes et les séniors).

 

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Des managers accusés, mais pas très aidés

Pointés du doigt par leurs collaborateurs, les managers ont-ils conscience de la situation ? Pas vraiment. Cadremploi les a interrogés et leurs réponses sont impressionnantes puisqu’ils sont 75 % à répondre qu’ils n’ont aucun N-1 en burn-out, ou ne pensent pas en avoir dans leur équipe.

 

Déni ou absence de moyens de détection des signaux qui permettent de repérer un cas ? Ils sont en tout cas ultra majoritaires (87 %) à affirmer n’être pas du tout, ou pas vraiment formés par leur entreprise pour affronter ce type de situation, à savoir détecter des signes avant-coureurs du burn-out.

 

De la débrouillardise pour seul remède

Reste que, s’ils sont peu ou pas formés du tout, les managers qui ont fait face à des collaborateurs proches du burn-out ont mis en place des process plus ou moins personnels pour affronter la situation. La plus logique (et majoritaire) reste le point en tête à tête avec le salarié. Ils sont 77 % à l’avoir appliqué. Ils sont aussi 55 % à en avoir averti leur supérieur et 44 % à en avoir touché un mot aux RH.

 

Une seule solution : la fuite

Pourtant, de leur côté, les collaborateurs ont réagi à la situation de surmenage qu’ils ont vécu. Et par des réactions on ne peut plus classiques : 57 % ce sont mis en arrêt maladie. Plus impressionnant : le chiffre de ceux qui ont quitté leur entreprise est encore plus élevé puisque 37 % ont négocié une rupture conventionnelle, et 22 % ont purement et simplement démissionné. Ils sont également 42 % à évoquer des relations personnelles dégradées durant cette douloureuse expérience.

 

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Un rapport au travail problématique

Le sondage ne mesure pas la proportion de cadres en burn-out ou ayant fait un burn-out ; il s’appuie sur leurs déclarations, sur leur ressenti. Pour autant, même si l’on ne mesure qu’une « impression de burn-out », le constat est inquiétant avec des salariés estimant être en burn-out expliquant qu’ils ne sont pas soutenus par leur hiérarchie et cette dernière répliquant qu’elle n’est pas formée par la direction.

Pourtant, les uns comme les autres savent pertinemment de quoi il en retourne : les causes et conséquences sont désormais connues de tous. Que faut-il mettre en place pour faire baisser ce fléau ? Car même si les cadres ont le sentiment d’être en burn-out, sans toujours l’être médicalement, cette seule perception témoigne déjà d’un problème de leur relation au travail.

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En attente d'un nouveau modèle managérial

Des collaborateurs insatisfaits, des managers abandonnés : l’entreprise d’aujourd’hui a un gros problème. Pour Philippe Silberzahn, professeur à l’EM Lyon interrogé par Le Figaro, « le problème, c'est que le monde de l'entreprise se cherche sans cesse, l'ancien modèle est très compliqué à quitter, il est toujours très présent parce que les organisations ont peur de se séparer de leurs acquis. Et le nouveau modèle met du temps à se dessiner. » Autant de questionnements et de non réponses qui, lorsque l’on travaille jusqu’à l’épuisement, décuple l’abattement.

C’est là une des pistes de réflexion de la semaine de la qualité de vie au travail qui s’ouvre aujourd’hui jusqu’à vendredi.

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* Questionnaire administré en ligne auprès des inscrits à Cadremploi du 5 au 7 juin 2019, 1123 répondants. Résultats complets à télécharger ici.

Gilles Boulot
Gilles Boulot

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