Les 3 leçons inspirantes du Salon du management

Céline Husétowski

Coincé entre des collaborateurs parfois désengagés et une direction qui met la pression, le manager doit réinventer son rôle pour éviter de subir. Pendant 2 jours, plus de 2 000 managers ont exploré de nouvelles pistes au Salon du management.
Les 3 leçons inspirantes du Salon du management

Selon un sondage Opinion Way, être manager ne fait plus rêver. Seulement 38 % des non managers voudraient devenir managers et près de 4 personnes interrogées sur 10 trouvent ce rôle inutile dans l’entreprise. Loin d’être abattus par ce énième sondage, les managers se sont donné rendez-vous à Paris pour trouver des solutions les 13 et 14 novembre dernier, à la Cité de la mode et du design. Pendant deux jours, ils ont couru de séminaires en ateliers, exploré leurs émotions, dessiné, chanté et surtout philosophé pour revenir enfin au cœur de leur métier : gérer l’humain. Nous en avons retiré 3 enseignements.

La parole tu libéreras

Ils en avaient bien besoin les managers de ce moment pour oser être eux-mêmes loin de leur bureau. « C’est normal, ils sont dans un rythme effréné qui les coupe de leur humanité », commente Arnaud Fimat, co-organisateur de l’évènement. Alors au salon, les managers lâchent prise et abordent les sujets qui font mal comme le désengagement des collaborateurs et la perte de sens.

Le docteur Florence Benichoux, fondatrice de Better human a une théorie sur ce fléau qui mine le manager. « Pendant des années, on a mélangé la qualité de vie au travail et la qualité de vie dans le travail, explique-t-elle. On a préféré miser sur le bien-être en mettant des tables de ping-pong dans les entreprises plutôt que de s’intéresser aux vrais problèmes des collaborateurs », analyse-t-elle.

Alors pour lutter contre le désengagement et retenir leurs employés, certaines entreprises ont pris le problème en main. Chez Savencia, groupe alimentaire, Laurent Marembaud, directeur des ressources humaines, a revu sa copie. Et ça a commencé par libérer la parole par le feedback. Dans cette entreprise industrielle, ils ont rétabli des routines comme des rencontres hebdomadaires. Ces moments permettent aussi d’expliquer les décisions de la direction « car le rôle du manager c’est aussi de donner du sens et d’embarquer ses équipes », insiste Laurent Marembaud qui s’est fait accompagner par Better Human

Chez Novartis, société internationale de santé, « on s’est rendu compte que beaucoup de collaborateurs ne savaient pas verbaliser leur ressenti, explique Frédéric Collet, directeur général de la filière française. Alors on les a formés au feedback », explique-t-il.

Et c’est important le langage « c’est même le matériau principal », insiste Marion Genaivre, co-fondatrice de Thaé, philosophe et intervenante sur le salon.

Pour elle, « aucune impasse ne résiste au dialogue. » Mais pour échanger, il faut commencer par se mettre d’accord sur le sens que l’on accorde aux mots. « Par exemple, le mot performance n’aura pas le même sens pour chacun des collaborateurs », explique-t-elle. Pour mieux comprendre l’autre, elle conseille de reformuler. « Une fois qu’on donne le même sens, aux mots on peut avancer ensemble », conclut-elle.

Sur le collectif tu t’appuieras

Au salon du manager, il y avait des ateliers traditionnels pour manager sages et d’autres pour les aventuriers comme « Histoire des cathédrales du XIIe-XIVe siècle », animé par Yann Harlaut, historien et consultant culturel.

Mais quel est le rapport entre les cathédrales et le management ? « On peut tout à fait s’inspirer du comportement des ouvriers de l’époque », répond l’historien. Par exemple, le chantier de Notre-Dame de Paris, commencé en 1163, a duré 160 ans. Au total, ce sont 6 générations qui se sont succédé pour bâtir l’édifice qui défiait les lois de l’architecture de l’époque.

« Ces hommes qui ne parlaient pas la même langue, n’avaient pas la même religion se sont appuyés sur l’intelligence collective pour réussir cette prouesse technique », analyse l’expert. « Quand une nouvelle personne arrivait dans l’équipe, elle était tout de suite formée », ajoute-t-il. Dans nos sociétés contemporaines, les entreprises doivent miser sur cette transmission pour pérenniser leur activité. Et chacun peut devenir formateur », conclut-il.

Autre séminaire surprenant qui a fait salle comble : « Les 9 principes de management inspirés de la société des indiens Kogis » animé par Eric Julien. Ce consultant et auteur a été recueilli par ce peuple colombien alors qu’il souffrait d’un œdème pulmonaire dans la montagne. Il a découvert leurs pratiques qui leur permettent de « vivre dans l’harmonie » et la joie depuis 4000 ans. Par exemple chez eux, il n’y a pas de hiérarchie et le mot manager signifie guérisseur. Autre attitude inspirante, toute décision est prise lorsque chacun s’est exprimé. « Le temps de la réflexion est long car une décision ne doit léser personne », explique Eric Julien.

Et dans la salle, il y en a une qui s’est déjà inspirée des principes des Kogis dans son management. Après une longue période d’introspection Mireille Castel, manageuse de proximité chez Orange, est arrivée au constat que le manager était là pour accompagner l’évolution de son collaborateur. Alors quand elle a pris la tête d’une nouvelle équipe, elle a imprimé sa marque de fabrique : la co-construction : « Je leur demande leur avis et nous construisons leur feuille de route ensemble », explique-t-elle.

A ton collaborateur tu parleras de tes émotions

Au Salon du management, les managers ont creusé plusieurs pistes pour se sentir bien dans leur job dont la libération des émotions.

« Quand vous parlez des tableaux de bord à vos collaborateurs, vous vous protégez de l’autre, explique Atanase Périfan, le créateur de la fête des voisins.  Et qu’est-ce qu’il y a de plus dur que de se livrer ? », analyse-t-il.

Pour Nathalie grippaux, directrice de projet ressources humaines au groupe la Poste, venue assister à la conférence, « On est éduqué dans une société où on ne parle jamais de ses émotions. Et pour donner à l’autre, il faut commencer par se donner de l’amour à soi-même », explique-t-elle.

Et pour oser se reconnecter à soi, il y avait un atelier sur la vulnérabilité animé par Nathalie Colin et Marylyne Declercq de Shak’2. Pour ces Jedi de la vulnérabilité comme elles aiment le rappeler, cette sensibilité a des super pouvoirs quand on en fait une alliée. « Quand on accepte de ne pas tout savoir et de le montrer à ses collaborateurs, on se met au même niveau qu’eux », expliquent les 2 fondatrices.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les émotions peuvent servir dans tous les secteurs d’activité même ceux où il y a le moins de contact humain. Sébastien, directeur des services informatiques, manager de 30 personnes est l’un des rares hommes à avoir assisté à l’atelier. « On a appris aux hommes à ne pas montrer leurs émotions, mais ce n’est qu’une façade et dans le fond ça reste des êtres humains comme tout le monde » sourit-il. Pour progresser dans son management, il a choisi de rejoindre le réseau Germe, un réseau de manager humaniste qui souhaitent conjuguer performance économique et progrès humain. « On cache nos émotions sous des tonnes de process, et pourtant ceux sont elles qui donnent du sens à notre management », conclut-il.

 

Etude Opinion Way pour le Salon du management : Etude réalisée auprès de 1006 managers issus d’un échantillon représentatif des salariés français. Echantillon selon la méthode des quotas au regard des critères, de sexe d’âge de région, de statut, de secteur et de taille d’entreprise. Interviews du 8 au 16 octobre par Internet.

Céline Husétowski
Céline Husétowski

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