Les profils atypiques ont-ils une chance de réussir au plus haut niveau ?

Sylvie Laidet-Ratier

Autodidactes, candidats intellectuellement précoces ou anticonformistes jamais passés par une grande école… Ces profils "hors cadre" ont-ils une chance de réussir aux plus hautes responsabilités ? Avis d’experts.
Les profils atypiques ont-ils une chance de réussir au plus haut niveau ?

En théorie, les profils atypiques ont tout pour être au top des organisations

« Les hauts potentiels intellectuels (HPI) sont souvent davantage dans une posture de réflexion avec un point de vue différent. Par nature et par habitude, ils ont l’habitude de remettre les situations en question, là ou d’autres sont dans le moule et ultra conformistes. Ce « décalage » est une aubaine pour les entreprises notamment en matière d’innovation », souligne Cécile Bonnet, blogueuse et entrepreneuse atypique. Et Sophie Allaire, coach et formateur pour Demos, elle-même autodidacte de renchérir : « pour prouver leur légitimité, ils ont développé une forte capacité de travail et une certaine humilité. Ils sont souvent plus intéressants car moins pétris de certitudes ». Voilà pour la théorie.

 

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Sur le terrain, les profils atypiques peinent à s’imposer

En pratique, ces candidats atypiques peinent en fait à s’imposer au sommet des organisations. A cela plusieurs raisons. D’abord, la faute au très français culte du diplôme encore très prégnant dans les sociétés franco-françaises. A cela s’ajoute le conformisme du management. «On considère qu’il est toujours plus facile de manager des gens qui nous ressemblent que des moutons à cinq pattes », observe Cécile Bonnet. Du coup, les recruteurs chassent sur des terrains qu’ils connaissent bien et/ou qui leur sont plus faciles d’accès. A savoir, le réseau des grandes écoles, les annuaires d’anciens qui, même s’ils doivent être à jour dans les universités françaises, sont plus facilement accessibles dans les grandes écoles. Découvrez toutes nos astuces pour manager un HPI dans notre article dédié.

Ces profils ne carburent pas au pouvoir mais au défi

Manque de codes

« Il est de bon ton de dire qu’aujourd’hui tout est permis, même si on ne sort pas d’une grande école mais en réalité ce sera plus difficile, moins balisé pour ces candidats atypiques. Dans les universités par exemple, on ne prépare pas aussi bien au monde de l’entreprise et à ses codes que dans les grandes écoles. Du coup, les recruteurs estiment gagner du temps en embauchant des candidats possédant déjà les méthodes et les codes de l’entreprise », argumente Lorraine Kron du Luart, chasseuse de tête au sein du cabinet Eric Salmon & Partners. Enfin, si les « atypiques » ne grimpent pas (ou du moins ne réussissent pas toujours) au plus haut sommet, c’est aussi inhérent à leur personnalité. « Ces profils ne carburent pas au pouvoir mais au défi, au challenge et au sens de la mission. Ils sont en général cash, impatients et exigeants alors que les postes de pouvoir requièrent diplomatie, patience et structuration de la pensée. Les hauts potentiels intellectuels n’ont, à mon sens, pas les ressources pour fonctionner dans une monde ultra codé », résume Cécile Bonnet. Exit donc les profils atypiques dans le top management ?

 

Des raisons de rester optimistes

Pas si vite ! Le nouveau big boss d’Air France a débuté comme guichetier d’aéroport. Autre exemple, « Xavier Niel a interrompu ses études en première année de prépa », illustre Lorraine Kron du Luart. Les situations sont en fait très variées. Et merci la globalisation du business. « Dans les entreprises anglo-saxonnes, peu importe le passé du candidat, seules ses réalisations et ses performances au cours des 3-5 dernières années comptent, observe Thibaud Chalmin, chasseur de tête au sein de Elysées Consultants. On ne parle plus jamais des écoles. Je dirais donc que les profils atypiques ont plus de chance de réussir qu’hier mais que ça reste plus difficile que pour les autres. »

La pénurie de talents, notamment dans le secteur high tech, plaide également en faveur de l’intégration de profils atypiques. « Les start up recherchent également des candidats moins formatés qui pensent « out of the box », capables de s’adapter, qui ne savent pas qu’ils ne peuvent pas faire une chose et qui donc essaient et souvent réussissent », ajoute Sophie Allaire. Enfin, le lancement de certaines écoles disruptives (Ecole 42) et très prisées, participe au quotidien à casser le culte du diplôme d’une grande école de commerce ou d’ingénieur. Donc de bonnes raisons de ne pas baisser sa garde et de postuler quand même. En interne ou en externe.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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