Immersive learning : se former par la réalité virtuelle, est-ce que ça marche ?

Sylvie Laidet-Ratier

La réalité virtuelle n’est plus cantonnée au seul univers du jeu. Il est désormais possible de se former et de se perfectionner sur un métier avec un casque VR ou une manette à la main. État des lieux de ce que les formateurs appellent "l'immersive learning."
Immersive learning : se former par la réalité virtuelle, est-ce que ça marche ?

Des formations immersives rares et chères

Avant d'attaquer le sujet, mettons-nous d’accord sur les mots. La réalité virtuelle permet de simuler un environnement de travail (en collant au plus proche de la réalité) afin de perfectionner les gestes à accomplir et les réactions à avoir dans telle ou telle situation. « Dans la réalité augmentée, on superpose des informations numériques sur le monde réel », précise Marie-Cécile Bardet, coordinatrice actions digital learning chez Comundi Compétences – Tissot Formation. Dans l’un ou l’autre cas, les apprenants sont confrontés à des situations de travail auxquelles ils doivent réagir au mieux.

Pour cela, ils sont équipés de casques de réalité virtuelle et/ou de manettes qui leur permettent de s’immerger dans un scénario ad hoc. A cause des coûts de développement élevés, ces formations immersives sont encore limitées. Notamment à des secteurs industriels qui les utilisent pour plonger leurs collaborateurs dans des situations à risque sans les exposer au réel danger. Par exemple, la maintenance d’une installation type de gaz qui monterait en pression. Ou la soudure dans un environnement à risque, par exemple nucléaire. Dans les services, ces formations immersives virtuelles ou en réalité augmentée commencent également à se développer.

 

En réalité virtuelle, c’est notre corps qui apprend, notamment par la répétition de gestes

 

Exemples de formations déjà en œuvre 

Pour former ses employés travaillant dans ces quelques 4 700 magasins aux Etats-Unis, Walmart compte ainsi sur la réalité virtuelle. La gestion des flux de consommateurs du fameux Black Friday, un scénario difficile à mettre en œuvre dans la vie réelle, fait partie des 45 modules de formation développés avec la start-up STRIVR« Selon Walmart, les employés formés en réalité virtuelle gagnent en confiance, en conformité et en qualité de service, en rétention des clients et améliorent leur score aux différents tests de 10 à 15% », énumère Eric Dosquet, chief innovation officer chez Avanade France.

Utilisé chez Orange et SoftBank, le Pitchboy, développé par l’agence JIN, est un simulateur de vente en réalité virtuelle pour permettre aux commerciaux de simuler une conversation avec un client dans les conditions quasi réelles. Avec leur casque de réalité virtuelle, les apprenants déroulent leur argumentaire tout en répondant aux relances du client virtuel qui analyse et réagit en direct aux mots employés et intonations de la voix. A la fin de la simulation, le Pitchboy délivre une note globale. A charge pour le commercial de se perfectionner ou de continuer à se former sur des scénarii différents.

En se basant sur des témoignages réels de collaborateurs harcelés au boulot, Reverto a imaginé une histoire autour de ce thème rejouée en vidéo par des acteurs. L’apprenant, casque vissé sur les yeux, se retrouve immergé dans la situation. « Cette technique permet réellement de se mettre à la place des autres, de ressentir les mêmes émotions et donc de s’interroger sur ce type de pratiques. Volontairement, on ne donne pas la possibilité d’interagir mais évidemment on débriefe par la suite », explique Guillaume Clere, fondateur de Reverto. 

 

Une efficacité scientifiquement prouvée ?

En chœur, les experts interrogés affirment qu’en formation, on retient 20 % de que l’on entend et 90 % de ce que l’on fait. « En réalité virtuelle, c’est notre corps qui apprend, notamment par la répétition de gestes », assure Sébastien Kuntz, président fondateur de MiddleVR, qui propose entre autres des formations pour prévenir les troubles musculo-squelettiques. « La répétition possible à l’infini déclenche des réflexes et des automatismes. Ce qui libère ainsi des méninges pour traiter une nouvelle information dans la vraie vie », ajoute Marie-Cécile Bardet. « La réalité virtuelle tempère les réflexes de peur », assure Eric Donsquet. Des chercheurs de l’université de Stanford ont également démontré que des personnes qui se sont mises dans la peau d’un sans abri via une application de réalité virtuelle se sont montrées plus empathiques que celles ayant visionné le même contenu de manière classique. Une autre étude de l’université du Maryland tend à prouver qu’une mise en situation en réalité virtuelle améliore de 10 % les scores d’apprentissage par rapport à un environnement classique.

 

Des formations immersives qui présentent évidemment des limites

Pour l’heure, la réalité virtuelle ou augmentée, ne peuvent pas tout simuler. « On ne peut par exemple pas reproduire les résistances physiques. Dans un scénario technique, on peut par exemple faire semblant de bloquer la main de l’apprenant mais il ne ressentira pas la force de résistance », illustre Sébastien Kuntz. Idem pour la chaleur. « A ce stade, les formations en réalité virtuelle ne peuvent pas se suffire à elles-mêmes. Un client aura nécessairement toujours un cerveau plus complexe qu’une machine. Ces formations peuvent être une brique dans un parcours pédagogique plus complet », conclut Marie-Cécile Bardet.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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