Du rififi dans les SSII

Sylvia Di Pasquale

Voilà un monde où tout baigne. A priori. Un vrai rêve de chercheur d'emploi que ce secteur de l'informatique en général et des SSII en particulier. Des sociétés qui devraient réaliser 40 à 50 000 recrutements cette année, selon Syntec Informatique, le syndicat qui regroupe la majorité des sociétés du secteur des logiciels et services. Elles offrent des rémunérations qui, sans atteindre celle d'un Noël Forgeard, sont grosso modo dans la moyenne de ce qu'un cadre français gagne ou peut espérer gagner. Que du bonheur, donc. Pourtant, jamais peut être depuis l'invention de l'ordinateur, ceux qui en font profession n'ont été aussi loquaces et critiques.

On nous avait habitués à des informaticiens plutôt introvertis, cachés derrière leurs écrans et, pour tout dire, isolés dans un monde qui n
'est pas vraiment celui d'un quotidien social. Et les voilà qui pétitionnent, s'en prennent directement aux candidats à la Présidentielle dans une lettre ouverte leur demandant de défendre leur cause et se répandent sur les forums du Net. Nos jadis silencieux et individualistes travailleurs s'en sont même allés créer le Munci, Mouvement pour une union nationale et collégiale des informaticiens. Une association qui entend bien se transformer en syndicat professionnel dans les prochains mois.

Quoi que l'on pense du bien fondé des revendications de ces développeurs, spécialistes des méthodes, des systèmes réseaux ou autres, leur position est au moins révélatrice d'un malaise. Car voilà bien une profession où le militantisme syndical n'est pas inscrit dans les gênes. Faut-il donc en avoir gros sur la patate pour se lancer dans une telle croisade lorsqu'on est culturellement formaté pour résoudre des problèmes de sciences mathématiques plutôt que de sciences humaines. Nos nouveaux militants dénoncent, en vrac, le fort turnover des troupes dû, entre autres maux, à l'isolement des consultants envoyés - et parfois oubliés - dans des missions trop éloignées du cœur de l'entreprise. Ils s'en prennent aussi au manque d'attirance de ce secteur lié, selon les responsables du Munci, à un gros déficit de sa gestion des ressources humaines.

Hasard des calendriers ou coïncidence de l'air du temps, la montée en puissance de cette fronde correspond peu ou prou à la prise de conscience des responsables RH des entreprises les plus en retard dans le domaine social. Ces derniers s'ingénient depuis quelque temps à soigner leurs salariés, à leur proposer de réelles évolutions et des formations leur permettant d'étoffer leurs compétences, puis de gravir les échelons hiérarchiques, dans le but avoué de freiner la fuite des cerveaux. Même les salaires jugés trop bas par les nouveaux syndicalistes sont revus à la hausse.

Preuve peut être que les revendications sont justes. Preuve aussi que le timing social n'était pas le bon. Le mouvement des salariés s'est réveillé trop tard et la réaction des entreprises concernées s'est fait à son tour attendre. Car si la mauvaise image des SSII a la vie si dure, c'est qu'elles n'ont pas réagi au moment où celle-ci se dégradait.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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