La Suisse, premier refuge des Frenchies de la tech

Sylvia Di Pasquale

La Suisse, premier refuge des Frenchies de la tech

On se doutait bien que nombre de geeks se comportaient comme des mercenaires. Mais la récente étude réalisée par BCG et Cadremploi ne fait pas que conforter ce sentiment : il le décuple. Selon l’enquête, 67 % des talents digitaux sont prêts à faire leurs valises pour quitter leur pays d’origine et de formation.

OK d’accord, mais ce sont là des chiffres mondiaux, et il est logique qu’un développeur du Burkina-Faso se sente pousser des ailes. En France, où l’on a de bonnes facs, de bonnes écoles et d’excellentes entreprises, il n’en va pas ainsi. Effectivement, c’est pire. Chez nous, 76 % de nos rois du numérique sont tentés par l’ailleurs.

OK d’accord, notre Silicon Sentier ne peut pas rivaliser avec Palo Alto, les Gafa, les petits génies barbus et locavores à bicyclette et payés des montagnes de dollars. Sauf que le choix d’un billet d’avion vers San Francisco n’intervient qu’en deuxième position sur les vœux de ce ParcourSup de l’expatriation.

OK d’accord, dans ce cas, ces jeunes génies un peu avides de gain auront coché la case Chine en tout premier, un billet Paris-Pékin aller simple en poche. L’empire du Milieu les a convaincus grâce à sa généralisation de la reconnaissance faciale à venir, sa déferlante de brevets qui a dépassé celui des US, ses Ali-Baba, Huawei comme ses milliardaires à faire rêver un livret d’épargne hexagonal.

Même pas.

Le choix de première expatriation des jeunes french’tech est tout à côté d’ici : à Genève, en Suisse !

OK d’accord, nos talents numériques ont vu les salaires helvètes et les sommets qui vont avec, mais pas le coup de la vie, ni le prix des loyers à Lausanne, Bern ou Zürich. A moins d’habiter en France et de se payer les bouchons matinaux à la frontière qui font pâlir la banlieue parisienne, ils ne risquent pas trop de profiter de leurs jolis émoluments. Et la Suisse n’est pas (ou pas encore) le royaume des Gafa, ni même des licornes.

OK d’accord, ce sont eux qui décident. Et s’ils veulent jouer aux génies des alpages, c’est leur affaire après tout. Mais c’est là que les chefs d’entreprises et leurs DRH ont un rôle à jouer pour les garder. Comment ? En les augmentant un peu pardi. Mais pas trop, puisqu’un meilleur salaire ne retient pas un fuyard très longtemps.

Reste l’ambiance de travail.

CHO, à vos postes ! Chers Chief happiness officer, dépêchez-vous d’installer des coucous suisses dans l’open space, de reconstituer l’ambiance d’un chalet à coup de jolis lambris et n’oubliez pas d’organiser des fondues parties d’octobre à avril. Mais surtout, surtout, travaillez votre helvet’ touch : se montrer d’une extrême courtoisie toute l’année, ne jamais élever la voix en réunion, faire l’éloge d’une certaine lenteur flegmatique, ne jamais resquiller, ni à la cantine, ni à la sortie du parking. Et si vous échouez, ne vous découragez pas : une première expérience à l’étranger est finalement rentrée dans les mœurs en ce début de 21ᵉ siècle. Ne décrochez pas les coucous, rien ne dit qu’ils ne rentreront pas pour leur 2ᵉ poste.

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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