L'orthographe, la nouvelle faiblesse des cadres ?

Tiphaine Réto

Dans nos mails et dans nos lettres, les règles orthographiques ont souvent la vie dure. Une baisse de niveau dans la caste des cadres ? Pas forcément, rassure Bernard Fripiat, coach en orthographe.
L'orthographe, la nouvelle faiblesse des cadres ?

Au vu du succès remporté par les coachs en orthographe, peut-on dire que les cadres font de plus en plus de fautes ?

« C'est surtout que, auparavant, leurs fautes se voyaient moins. Les changements technologiques ont induit des petites catastrophes orthographiques. Pas à cause du langage SMS, soi-disant ravageur : la moyenne d'âge dans mes stages est de cinquante ans... Mais il y a encore quelques années, les dirigeants dictaient leur courrier à un assistant et n'avaient donc pas à montrer leurs qualités ou défauts orthographiques. Avec Internet, les échanges se font plus directs et plus immédiats. Fini le temps où la lettre était relue avant la levée du courrier de 16 heures. Aujourd'hui, la réactivité demandée à tous nuit à l'étape essentielle de la relecture. Sans parler de la fatigue visuelle causée par les écrans d'ordinateur... Si vous observez bien, les problèmes orthographiques sont beaucoup plus récurrents en fin de journée ! »

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Mais les fautes observées témoignent-elles de vraies carences orthographiques ?

« Quand on parle de stages d'orthographe, les gens pensent souvent qu'on apprend à conjuguer le verbe être  En réalité, la plupart de mes stagiaires font essentiellement des fautes d'inattention. Et puis, on peut être bon en orthographe et ne pas savoir que "aucuns frais" prend un "s" ou avoir des doutes sur l'accord de "ils se sont vus et parlé" ... Mais, en France, on met une réelle pression sur le niveau en langue. Dans les entreprises, l'orthographe est une arme redoutable. Certains s'en servent pour harceler les autres. Quant aux lettres de motivation bourrées de fautes, les recruteurs les utilisent comme critère éliminatoire. Vous donnez l'impression d'avoir bâclé le travail, c'est comme si vous envoyiez une lettre sur du papier chiffonné.

 

D'où vient cette pression persistante sur l'orthographe ?

« J'aurais tendance à dire que c'est purement culturel : nous vivons dans une République des Lettres. Regardez nos dirigeants. Ils ont tous écrit au moins un livre ! On ne demande pourtant pas à Poutine ou à Bush s'ils ont déjà fait de la littérature... En France, être mauvais en maths est presque une question de snobisme, mais avouer qu'on a des problèmes d'orthographe est perçu comme une honte, une tare. Le premier PDG que j'ai coaché m'a fait signer cinq pages de clauses de confidentialité... Pourtant, la plupart des cadres n'ont pas fait d'études de lettres : c'est normal de ne pas pouvoir maîtriser sur le bout des doigts toutes les subtilités orthographiques... Il faut dédramatiser. »

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Et comment faire pour dédramatiser ?

« D'abord bien se dire qu'il existe des gens très intelligents qui font énormément de fautes et des imbéciles qui n'en font jamais. Ceci dit, il ne faut pas s'inquiéter : étudier l'orthographe ne perturbera jamais les capacités intellectuelles de quelqu'un... Il existe quelques moyens mnémotechniques bien meilleurs que les correcteurs orthographiques. Une fois qu'on les connaît, on n'a plus peur de rien. Et puis, on ne le répétera jamais assez, quand on prend le temps de se relire, on voit très généralement ses propres fautes. On s'aperçoit alors qu'elles ne sont pas une fatalité et qu'on peut très facilement y parer. »

Tiphaine Réto
Tiphaine Réto

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