Salaire des patrons : combien gagnent les cadres dirigeants en France ?

Elodie Buzaud

Évidemment tous les PDG ne sont pas logés à la même enseigne. Zoom sur les critères qui paient le mieux et les pratiques de rémunération des grands patrons. Salaire des patrons : combien gagnent les cadres dirigeants en France ? Un sujet tabou mais qu’il faut connaître.
Salaire des patrons : combien gagnent les cadres dirigeants en France ?

102 700 euros. C’est ce que gagnent, en moyenne nette annuelle, les cadres dirigeants en France, selon les derniers chiffres de l’Insee datant de 2015. Deux fois plus que le salaire annuel d’un cadre et presque cinq fois le salaire annuel moyen des Français. Un chiffre moyen qui ne veut pourtant pas dire grand-chose au vu de la largeur de la fourchette de rémunération des cadres dirigeants. Avant son départ de Carrefour, le PDG George Plassat a touché 9,73 millions d’euros en 2015, quand les dirigeants des entreprises de moins de 20 salariés dans l’hôtellerie et la restauration ont gagné 31 274 euros en moyenne. Contrairement à la plupart des fonctions, il n’existe pas de grille salariale pour les cadres dirigeants. Le principal critère, c’est la taille de l’entreprise.

  Rémunération des cadres dirigeants salariés en euros*
- de 20 salariés 48 857
de 20 à49 salariés 81 996
50 salariés et + 117 964
Moyenne  102 700
*Source Insee, moyenne nette annuelle en euros pour EQTP
  Rémunération des PDG du CAC 40 en euros**
PDG le moins payé 1 445 700
PDG le mieux payé 9 730 600
Moyenne 4 500 000
*Source Stacian, conversion en euros

Un critère de taille pour la rémunération des patrons

Plus l’entreprise sera importante en effectif, plus elle aura de cadres bien rémunérés, or selon la loi, « sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres (…) qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement » (Code du travail, art. L3111-2). Les cadres dirigeants auront donc des rémunérations au-dessus de leurs subordonnés.

Plus l’entreprise sera grande, plus elle aura tendance à jouer sur le marché international. Le salaire de ses dirigeants sera donc comparé à ceux de ses pairs dans d’autres pays. « Pour motiver ses cadres dirigeants, le comité de rémunération (qui vote le salaire des dirigeants dans les SA, ndlr) a tendance à fixer une rémunération au-dessus de la moyenne », explique Luc Meunier, professeur de finance et doctorant à l’École de Management de Grenoble. « Le copinage entre dirigeants et membre du comité de rémunération explique également en partie l’attribution de rémunération élevée », estime-t-il. De nombreux cadres dirigeants faisant partie des comités de rémunération les uns des autres. Il s’agit du phénomène dit de la barbichette, comme l’explique Frédéric Fréry, professeur en stratégie à ESCP Europe dans The Conversation, « en référence à la comptine "je te tiens, tu me tiens par la barbichette", qui devient : "tu es membre de mon conseil, tu votes ma rémunération, je suis membre de ton conseil, je vote ta rémunération".

Enfin, plus l’entreprise sera grosse en termes de capitalisation, plus elle sera à même de verser une part variable conséquente à son équipe dirigeante. Les entreprises du CAC 40 ont ainsi versé en moyenne, une rémunération de 4,5 millions d’euros à leurs dirigeants en 2015, selon une étude parue en 2015 de la plateforme d’accès aux statistiques publiques Stacian, grâce à une part variable importante.

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De quoi sont composés les salaires des patrons ?

« La variable est composée du bonus, autour de 30 à 40 % du salaire de base ; des LTI - long term incentives - des formes de rémunération qui favorisent la performance à long terme, c’est-à-dire soit des stock-options, soit des actions de performance, par exemple ; des jetons de présence si le dirigeant fait partie de comité d’administration et du bonus d’arrivée ou de sortie et de la retraite supplémentaire, aussi appelée retraite chapeau », détaille Sophie Cavaliero, consultante en ressources humaines, en management et auteur de Compensation & Benefits (GERESO, 2017).

Composition du salaire médian du CEO du S&P 500

*Source Equilar, 2015, schéma réalisé par Luc Meunier.

Un variable qui évolue selon les lois fiscales

« Le principe est le suivant, explique Sophie Cavaliero : plus vous allez gagner, plus vous allez être imposé donc pour pouvoir permettre aux gens de gagner plus, on va toujours chercher la défiscalisation donc on va faire évoluer les rémunérations en fonction des lois fiscales. Par exemple, dans les années 90, il n’y avait pas d’impôts sur les stocks options. Aujourd’hui, c’est taxé presque comme du salaire, du coup, on va donner autre chose ». Dans les entreprises du CAC 40, les comités de rémunération ont ainsi récemment favorisé les actions gratuites car la loi Macron, entrée en vigueur à l’été 2015, abaissait fortement la fiscalité de ces instruments et assouplissait leur cadre. Autres éléments de rémunération prisés : les retraites supplémentaires, parfois versées annuellement dans le package global, selon Stacian.

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La théorie de l’agence

Cette rémunération à multiples variables s’explique par une théorie appliquée partout aujourd’hui : la théorie de l’agence. « Si on rémunère un dirigeant de manière fixe, comme un salarié classique, il aura tendance à ne pas prendre trop de risques et à ne pas se lancer dans de grands projets tandis que les actionnaires préfèreraient qu’il prenne des risques pour assurer une plus grosse rentabilité, explique Luc Meunier, et c’est ce qu’ils essaient de l’inciter à faire en lui attribuant une rémunération avec une partie variable ».

Ce principe - théorisé par Michael C. Jensen et William H. Meckling en 1976 - a engendré des packages de rémunération basés sur la performance. « Ces dernières années, les récompenses à la performance relative se sont beaucoup développées, indique Luc Meunier. Il s’agit, par exemple, d’actions données si la performance du dirigeant est supérieure à celle de ses pairs. Il fallait, par exemple que le patron de Carrefour soit meilleur que celui de Lidl ».

Vers une fin de l’individualisation ?

Cette tendance a conduit à des packages de rémunération très individualisés. « C’est une tendance qui s’est développée mais sur laquelle un certain nombre d’entreprises reviennent, constate un expert en capitale humain. Elles estiment de plus en plus que l’individualisation excessive a entraîné une vision additive de la performance - où la performance globale résulterait de la somme des performances individuelles, alors que l’on se rend compte qu’elle provient bien d’avantage de la coopération entre les acteurs ».

Aujourd’hui, « la principale tendance observée en matière de rémunération des cadres dirigeants, c’est donc plutôt une tendance d’alignement des packages de rémunération avec la performance réelle de l’organisation, pour le numéro 1 et d’alignement des intérêts des différents membres d’un comité exécutif autour d’une stratégie commune pour l’équipe dirigeante, poursuit l’expert. Une pratique qui suit les préconisations des récentes études démontrant que les équipes efficaces sont les équipes unies.

Malgré cette collégialité et cette volonté d’aligner la rémunération avec la performance réelle de l’entreprise, « l’évolution de la rémunération totale des dirigeants semble mal corrélée avec le rendement pour l’actionnaire au cours du même exercice », relève la dernière étude Stacian. Et ce même depuis l’entrée en vigueur du Say on pay en 2017, qui permet aux actionnaires de donner leur avis sur la rémunération des mandataires sociaux.

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Elodie Buzaud
Elodie Buzaud

Le travail et l’écologie sont mes thématiques de prédilection. En tant que journaliste indépendante, je cherche notamment à répondre aux questions que posent ces deux sujets pour mieux comprendre comment le travail, et les travailleurs, peuvent contribuer à la transition écologique.

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