Abandon de poste : deux DRH témoignent

Sylvie Laidet-Ratier

C'est l'ultime solution adoptée par certains salariés face à une situation qu'ils jugent inextricable. Mais quand un salarié abandonne son poste de travail commence en général une longue procédure avant qu’il ne quitte officiellement l’entreprise. Cadremploi a demandé à deux DRH leur avis sur ce type de pratique et comment ils la gèrent. Retours d’expérience.

Deux DRH réagissent face au phénomène de l'abandon de poste, l'un anonymement, l'autre pas.

Abandon de poste : deux DRH témoignent
Deux DRH réagissent face au phénomène de l'abandon de poste, l'un anonymement, l'autre pas.

Carole Boumeddane, DRH à temps partagé au sein de TPE, membre du réseau Bras droit des dirigeants

« En fait, il y a plusieurs types d’abandon de poste. Parfois, on est confronté à des absences mais on se doute qu'il s'agit d'abandon de poste. Par exemple suite à des arrêts maladie, un congé parental, suite à des conflits interpersonnels… Les salariés souhaitent partir mais sans démissionner. Ils essaient de négocier une rupture conventionnelle que l’entreprise refuse. Alors, ils évoquent avec nous l’abandon de poste. C’est plus ou moins préparé.

Et puis, il y a les réels abandons de poste. Ceux où, du jour au lendemain, le collaborateur disparait de la circulation et ne donne plus aucune nouvelle. Et là c’est agaçant pour une DRH comme moi car on entre dans une procédure longue et fastidieuse – parfois jusqu’à un mois et demi.

En général, le manager direct tente d’abord de joindre son collaborateur. Ensuite j’envoie un, deux, trois (voire plus) courriers de mise en demeure demandant au salarié de revenir travailler ou de justifier son absence.

Selon l’ancienneté de la personne et son niveau de poste, je laisse plus ou moins de délai de réponse.

Carole Boumeddane
Carole Boumeddane
Pour les cadres par exemple, je marche sur des œufs car si on va trop vite dans le lancement de la procédure de licenciement pour faute grave, le salarié, parti sur un coup de tête suite à conflit ou parce qu’il doit commencer un nouveau boulot, pourrait nous attaquer au prud’hommes en indiquant que nous ne lui avons pas laissé le temps de répondre aux courriers de mise en demeure.
Carole Boumeddane

L’entreprise aurait non seulement perdu des compétences, mais elle prendrait également le risque de perdre aux prud’hommes. Sans compter le coût du recrutement pour remplacer le salarié partant. Et puis, communiquer en interne sur un abandon de poste est toujours un moment délicat. Cela dénote en général un manquement managérial. Ou du moins un climat peu propice à la communication, au point que le collaborateur a préféré abandonner son poste plutôt que d’essayer de trouver une solution ». 

Michel*, DRH d’une business unit

Silhouette Homme

« Bon… on ne va pas se mentir. L’abandon de poste est aussi parfois utilisé par les entreprises qui ne souhaitent pas signer de rupture conventionnelle. Elles « s’arrangent » alors avec leur salarié qui veut partir ». C’est l’employeur qui demande au salarié d’opter pour un abandon de poste : de cette façon, cela débouche sur un licenciement pour faute grave. L’entreprise ne paie pas d’indemnités de licenciement et le collaborateur peut, s’il n’a pas de nouveau job derrière, bénéficier des allocations chômage. Tout le monde s’y retrouve mais cela revient à contourner la loi ».

 

*Le prénom a été modifié

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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