Agroalimentaire : les recrutements ont repris et les candidats se bousculent

Gwenole Guiomard

SECTEUR PORTEUR – Non seulement l’agroalimentaire a repris ses embauches de cadres mais certaines branches ont bien l’intention de rattraper le retard pris à cause du confinement. Du côté des candidats, les recruteurs constatent un afflux de CV de la part de cadres souhaitant changer d'employeur. Des candidats venus d’autres secteurs sont les bienvenus. Exemples de postes à pourvoir dans la production mais aussi le commercial, le marketing, la finance ou le design avec les témoignages des spécialistes du secteur qui attendent vos CV.
Agroalimentaire : les recrutements ont repris et les candidats se bousculent

Pendant la Covid, l’agroalimentaire a tourné à plein régime. Des exemples ? Nestlé a annoncé en avril une hausse de son chiffre d’affaires du 1er trimestre 2020 de + 4,3 % contre +3 % attendu. Danone affiche une progression de 3,7 %. Le recruteur Randstadt rappelle que les secteurs de « l’agroalimentaire, la distribution ou la logistique » ont vu leur « activité croître fortement depuis le début de la crise ». « L’agroalimentaire fait partie des secteurs qui a recruté pendant et après le confinement, confirme Loïc Douyère, co-dirigeant du cabinet de recrutement Florian Mantione Institut. Depuis, cela ne ralentit pas. On assiste même, personne ne s’en plaint, à une sorte de rattrapage des embauches qui avaient été gelées du fait des incertitudes liées à la Covid 19. Les candidatures arrivent aussi en masse avec une hausse de 20 à 40 % des CV pour une offre donnée. Les Français promeuvent les filières courtes et la relocalisation. Jusqu’à quand ? Je n’en sais rien. Mais cela fait tourner actuellement les usines agroalimentaires à plein régime ».

Recherche profils cadres spécialistes de la production agroalimentaire

Parmi les postes à pourvoir, l’agroalimentaire propose des postes de direction de production, des ingénieurs ou des directeurs maintenance. Voici quelques exemples :

Je recherche en ce moment un responsable de production conditionnement viticole dans le Gard. Le candidat idéal disposera d’une expérience de 2-3 ans en conditionnement et en management d'équipe de production d’au moins 10 salariés. La rémunération prévue est de l’ordre de 40 000 à 45 000 euros brut par an.
Loïc Douyère, dirigeant de Florian Mantione Institut

Autre exemple dans la production toujours chez Florian Mantione Institut : « Je suis missionné pour trouver un responsable Qualité transformation des produits de la mer dans l’ouest de la France pour un salaire avoisinant les 42 000 euros brut par an. Une expérience en QHSE sur site agroalimentaire est indispensable. »

 

Et parmi les recrutements conclus pendant le confinement : « J’ai recruté un responsable industriel pour une PME de 15 salariés installée dans la Drôme, salaire prévu de 50 000 euros brut par an. Le poste a été pourvu le 12 mai. Nous avons eu 2 619 visites sur l'offre. 94 CV ont été déposé et 15 entretiens ont été réalisés. Soit des statistiques de 20 à 30 % supérieures au standard d’avant le confinement. Non seulement nous offrons des postes, mais nous disposons aussi de beaucoup de candidats souhaitant changer de boîte… ».

 

Je recherche un responsable industriel adjoint pour rejoindre une coopérative de l’Oise. Il ou elle doit être diplômé idéalement d’une école ingénieur et afficher au moins 5 ans d’expérience. Sa mission sera de gérer 52 sites de cette entreprise, participer à leurs évolutions, développer les plans de maintenance et la sécurité des sites et des collaborateurs. L’idée est de faire évoluer cette coopérative vers un établissement 4.0, digitalisé, capable d’exploiter des datas. Le salaire prévu est de l’ordre de 55 000 euros brut par an.
Olivier Claux, directeur général du cabinet de recrutement MG Consultants

6 métiers cadres recherchés par les industries agroalimentaires en 2020

  • Des spécialistes de la production : directeur de production, ingénieur maintenance…
  • Des spécialistes dans la gestion des équipes
  • Des ingénieurs recherche et développement
  • Des chefs de produits orientés marketing
  • Des commerciaux
  • Du personnel administratif du type comptable, informaticiens, administration des ventes

Des dizaines d'entreprises de l'agroalimentaire recrutent en ce moment. Retrouvez toutes leurs offres d'emploi remises à jour en permanence, dans les différents métiers

Recherche profils managers, ingénieurs R&D, cadres du marketing

Les IAA recherche aussi des spécialistes en gestion des équipes et des ingénieurs R&D tout comme des chefs de produits orientés marketing. Le marketing et la recherche et développement devraient être les fonctions les plus recherchées, post-Covid avec un secteur qui voudra relocaliser son système de production pour des clients exigeant des produits locaux, peu manipulés. D’où la nécessité également d’embaucher des consultants spécialistes en agroalimentaire, en packaging (designer, ingénieurs matériaux pour les emballages.

 

A cheval sur plusieurs spécialisés, certains postes restent ouverts à des profils venant de secteurs connexes. « Je poursuis également une mission démarrée début mai pour un directeur commercial d’une structure réalisant des panneaux photovoltaïques produisant de l’énergie tout en protégeant les vignes, illustre Olivier Claux (MG Consultants). Le processus se termine. Le candidat retenu devra savoir mener des projets et manager de façon moderne dans un environnement très innovant. Salaire prévu de 70 000 euros brut par an pour un poste situé dans le sud de la France ».

Cette bonne santé économique perdurera pour qui saura satisfaire le consommateur, véhiculer une bonne pratique agricole avec le bio, de l’innovation produit allant vers le mieux manger, le respect des terres et du client, de l’éthique.
Christian Jacquet, cadre commercial d’une entreprise de production et de vente d’agrumes de la région de Perpignan

Quel avenir pour les recrutements dans l’agroalimentaire ?

Cette embellie durera-t-elle ? Oui, si les Français continuent à s’alimenter en achetant des produits locaux. Sera-ce quand même le cas quand on sait que le coût de la production française est très au-dessus de celle de la concurrence même européenne ? Christian Jacquet, cadre commercial d’une entreprise de production et de vente d’agrumes de la région de Perpignan tente une réponse. « Notre entreprise d’une centaine de salariés a doublé son effectif en deux ans avec une croissance du chiffre d’affaire de plus de 10 % par an. Cela a des effets sur l’emploi. On recherche ainsi actuellement un directeur commercial et des cadres commerciaux, un chef de ligne station de conditionnement. Depuis le début de l’année 2020, nous avons déjà embauché un chef d’entrepôt et un ingénieur qualité et les avons intégrés pendant le confinement. Cette bonne santé économique perdurera pour qui saura satisfaire le consommateur, véhiculer une bonne pratique agricole avec le bio, de l’innovation produit allant vers le mieux manger, le respect des terres et du client, de l’éthique ».

« Notre recrutement repose sur deux piliers, ajoute Marie de la Roche Kerandraon, directrice générale en charge des ressources humaines et de l’engagement du Groupe Avril (7500 salariés dont 5000 en France pour 250 recrutements en 2019). Le premier nous permet d’accélérer notre développement vers une industrie de plus en plus sophistiquée. Nous recherchons pour cela des profils pointus de spécialistes (en marketing digital, en commerce, en data analyse…) qui nous permettent d’aller plus vers « l’assiette » et de nous rapprocher des consommateurs en recherchant davantage la valeur que le volume. Notre deuxième pilier vise à renforcer nos activités industrielles et logistiques avec principalement des embauches pour répondre à nos besoins en maintenance et en ingénierie mais aussi des spécialistes de la supply chain et du digital ».

Un secteur historiquement sous-encadré

Thierry Faraut, président de la fédération agroalimentaire pour la CFE-CGC, ne partage pas cet enthousiasme. Pour lui, le recrutement du secteur est, Covid oblige, « gelé. Il repartira ou pas en adéquation avec les résultats financiers des entreprises. » Mais cette crise a surtout, selon lui, montré que le secteur souffre de sous-encadrement : « Le taux d’encadrement est de l’ordre de 10 % dans la grande distribution et un peu plus dans les industries agroalimentaires. Nous manquons d’encadrement qualifié ». A noter que le taux d’encadrement global en France est de 15,4 % selon l’Insee. On peut espérer que la croissance revenue sera aussi l’occasion d’améliorer les taux d’encadrement permettant de faire face aux prochaines crises sanitaires ou climatiques.  

« Cette vision syndicale s’explique aussi par les relations entretenues entre certains employeurs et certains représentants du personnel, estime Loïc Douyère (Florian Mantione Institut). Les patrons n’exposent pas aux syndicats leurs projets de recrutement alors qu’ils peuvent, en parallèle, imposer du chômage partiel à leurs salariés. Cela perturbe tout le monde et explique pourquoi certains chefs d’entreprise utilisent les cabinets de recrutement pour embaucher en toute discrétion. L’idée est de le faire sans communiquer quand il s’agit de remplacer, par exemple, un salarié essentiel. Mais je confirme : pour nous, consultants en recrutement, les IAA continuent à nous confier beaucoup de missions ». A l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), on rappelle, très sagement, que l’industrie agroalimentaire est un vaste sujet… Certaines branches des IAA, celles par exemple en relation avec le tourisme, l’hôtellerie ou la restauration, sont aujourd’hui dans le rouge.

Une image de marque à améliorer

Reste enfin que l’agroalimentaire devra aussi améliorer son image de marque. « Ce secteur n’est pas créatif, » assène Lydie, du haut de ses 25 ans. Diplômée 2020 de Montpellier business school, elle vient de décliner un poste en marketing digital international pour Danone. « Je ne veux pas passer par le terrain pour progresser, témoigne-t-elle en expliquant son refus. J’ai des camarades de promo qui travaillent dans les IAA et qui n’apprécient pas leurs pratiques managériales. Je ne partage pas non plus leurs valeurs consistant à transformer de la nourriture avec des risques de scandales sanitaires. Faire de l’argent sur une chaussure, pourquoi pas. Quand c’est de la nourriture, cela me dérange plus. Cela ne correspond pas avec les politiques à mener pour enrayer les changements climatiques même si je sais que de nombreux camarades choisiront ce secteur pour la possibilité d’y faire carrière et de faire figurer un grand nom sur leur CV ».

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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