Cinq ans après, quelles conséquences du Covid sur le monde du travail ?

L'équipe de Cadremploi

Depuis l’épidémie de covid et les confinements successifs, le télétravail s’est imposé dans le monde du travail. Mais ce n’est pas le seul changement issu de cette période, révèlent le cabinet de recrutement Robert Half et la Fondation Jean Jaurès.
Cinq ans après, quelles conséquences du Covid sur le monde du travail ?

Il y a cinq ans jour pour jour commençait le premier confinement, ordonné pour faire face à la pandémie de covid-19. Les mesures d’exception dureront deux ans, et si la maladie est toujours là, les restrictions sanitaires semblent loin derrière nous. Pourtant, la pandémie et les confinements ont conduit à des changements dans le monde du travail qui se font encore sentir cinq ans après. Le cabinet de recrutement Robert Half a publié une synthèse mettant en avant « Les 5 impacts majeurs dans le monde du travail » de la pandémie. La forte progression du télétravail est bien sûr le changement le plus visible, mais il est loin d’être le seul. La fondation Jean Jaurès a également sorti une étude sur l’évolution du rapport au travail depuis la pandémie, « Rapport au travail, vers une contre-révolution ? ».

Le rapport de force entre employeurs et salariés a évolué

C’est le premier enseignement de l’étude de Robert Half. Après la crise sanitaire, « la reprise économique explosive et le phénomène de ‘grand mercato’ ont subitement créé une demande élevée de recrutements du côté des employeurs ». Les salariés ont donc gagné en pouvoir de négociation. « Ce bouleversement du rapport de force a créé un changement radical dans les attentes des talents. Au-delà de la rémunération, la flexibilité et l'équilibre de vie sont désormais des critères incontournables », assure le cabinet, même si le ralentissement des recrutements et la hausse du chômage ces derniers mois conduit à un rééquilibrage.

De son côté, la Fondation Jean Jaurès note que les changements liés à la pandémie « proviennent, pour une fois, des actifs eux-mêmes. Il s’agit en effet d’une ‘révolution par le bas’ et il revient aux employeurs de s’y adapter, surtout dans un contexte marqué par des difficultés de recrutement qui persistent dans certains secteurs d’activité ». La crise sanitaire a aussi développé, selon l’institut, « un nouvel état d’esprit qui se caractérise par une plus grande appétence au changement à condition qu’il soit choisi et non subi. […] Si la conjoncture actuelle plus morose est susceptible d’atténuer l’aspiration au changement, plusieurs indicateurs montrent qu’elle demeure largement présente à l’esprit, notamment chez les cadres ».

Le quête de sens dans le travail prend toujours plus d’ampleur

Le ralentissement économique durant les différents confinements a accéléré « une profonde remise en question chez les salariés, et la volonté de donner un réel sens à son quotidien de travail est plus forte que jamais », selon Robert Half. Ainsi, 44 % des salariés se disent en 2024 plus exigeants que l’année précédente en matière de sens au travail (Etude Robert Half « Ce que veulent les candidats » 2024). C’est le troisième critère cité, derrière le salaire et l’équilibre vie professionnelle et personnelle, et il fait pour la première fois son entrée dans le top 3.

Cette quête de sens s’intègre selon la Fondation Jean Jaurès dans un ensemble d’attentes de la part des salariés qui sont de plus en plus de nature individuelle : « gagner de l’argent et, quand on le peut, s’épanouir », et de moins en moins de nature « statuaire comme trouver sa place dans la société. En résumé, le travail est désormais perçu comme un moyen plus que comme une fin ».

Cette évolution des attentes vis-à-vis du travail s’accompagne d’ailleurs d’un changement du rapport au travail, toujours important, mais moins primordial. Or, « si cette prise de distance, qui est loin de s’apparenter à son rejet ou à une paresse subite, n’est pas évidente à intégrer, c’est aussi parce que la valeur travail a souvent été placée au cœur de débats philosophiques et politiques ». Pour autant, si le travail est moins central, le manque de reconnaissance qu’il est censé apporter engendre plus de frustration. « Des comparaisons internationales ont montré que le manque de reconnaissance du travail à sa juste valeur, loin de se limiter aux revenus, fait figure de talon d’Achille de la culture managériale française », ajoute la fondation.

L’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle est plus que jamais un enjeu

« Le télétravail massif imposé par la crise a bouleversé l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle », assure Robert Half. Les salariés cherchent donc à rétablir une frontière entre leur vie privée et leur travail. Selon le cabinet de recrutement, en 2024, « 53 % des travailleurs affirment que cet équilibre est la raison principale pour laquelle ils resteraient dans leur entreprise, et « 51 % des salariés sont plus exigeants que l’année passée sur ce critère » (Etude Robert Half « Ce que veulent les candidats » 2024).

Bien cadré, le télétravail peut y aider. C’est d’ailleurs désormais une attente pour les salariés dont le poste est compatible, notamment les cadres. Au-delà du télétravail, qui ne reste envisageable que pour une grosse minorité de postes, la crise sanitaire a entrainé une remise en question des priorités individuelles, note le cabinet de recrutement, avec « une exigence accrue pour la flexibilité au travail. Les modèles hybrides et les droits à la déconnexion sont désormais des acquis incontournables. Les besoins de bien-être, de souplesse et d’autonomie ne cessent d’augmenter, et les entreprises doivent impérativement repenser leurs pratiques pour s’adapter ».

Cependant, note la Fondation Jean Jaurès, « depuis quelques mois, une petite musique se fait entendre autour de la nécessité de faire revenir les effectifs concernés sur site ». Mais si le nombre de jours de télétravail a légèrement diminué depuis 2022, « il n’y a toutefois pas (encore) de remise en question générale du télétravail en France ». 70% des dirigeants y voient davantage un progrès qu’une régression. « Les rétropédalages proviennent surtout d’entreprises qui s’étaient montrées les plus audacieuses en accordant une majorité de jours en télétravail ».

Le télétravail a aussi un effet sur l’équilibre au sein des foyers. L’économiste Claudia Senik, directrice de l’Observatoire du bien-être (Cepremap), explique ainsi dans une tribune du Monde que le télétravail durant les confinements a accentué l’inégalité de répartition des tâches domestiques entre femmes et hommes. Mais son impact est désormais inverse : les femmes qui télétravaillent font un peu moins de tâches ménagères, tandis que les hommes qui télétravaillent en font un peu plus.

La transformation numérique s’accélère.

La crise sanitaire, en imposant le travail à distance, a accéléré le déploiement de solutions permettant de travailler à distance et ensemble, les applications de visioconférence et de chat en tête. Selon le cabinet de recrutement, « l’utilisation de ces outils a créé un nouveau rapport au temps, plus fragmenté, mais aussi une recherche de productivité accrue ».

D’après Robert Half, le déploiement de l’intelligence artificielle générative en entreprise s’inscrit dans ce contexte. Selon son guide des salaires 2025, 34% des employeurs encouragent l’utilisation de l'IA générative par leurs salariés dans le but d’augmenter la productivité. Mais moins de la moitié (43%) des salariés interrogés voient un impact positif dans cette technologie : il s’agit de ceux qui considèrent que leurs compétences seront toujours demandées à l’ avenir. Une grosse moitié (53%) est prête à suivre une formation pour évoluer vers un nouveau poste si leur travail était partiellement automatisé ou que leur employeur leur demandait de changer de rôle et d’acquérir de nouvelles compétences.

Les nouvelles générations demandent un changement dans les fonctions managériales

Lors de la pandémie, les managers ont dû s’adapter en catastrophe pour animer leurs équipes sans pouvoir se rencontrer, les suivre à distance, s’assurer de leur productivité. De retour de confinement, ils ont dû s’habituer à gérer des équipes en travail hybride, avec certaines personnes sur site, d’autres à distance, parfois sur d’autres fuseaux horaires. Ils doivent désormais faire face en même temps à une pression accrue de la part de leur hiérarchie et à des attentes fortes de leurs équipes sur le bien-être au travail et la flexibilité.

C’est l’une des raisons qui font que le management, depuis quelques années déjà, n’est plus vu comme une nécessité dans une carrière. Robert Half note ainsi que « les salariés, en particulier les plus jeunes, refusent de plus en plus les promotions vers des postes managériaux au profit d’une spécialisation dans leur domaine d'expertise. Loin d’un manque d’ambition, il s’agit davantage d’une nouvelle façon de penser son évolution et sa carrière au sein de l’entreprise ». La mobilité interne devient ainsi un levier de motivation et fidélisation sans qu’il y ait nécessairement de passage à un poste de management à la clé. Pour autant, les entreprises doivent « réinventer la manière dont elles accompagnent et soutiennent leurs managers ».

Cela n’est pas encore chose faite. Selon une enquête récente publiée par la CFE-CGC, rapporte la Fondation Jean Jaurès, « un cadre sur cinq estime travailler dans une organisation qui ne fait pas confiance aux salariés lorsqu’ils travaillent à distance. Dans la même enquête, plus de quatre managers sur dix déclarent ne pas avoir été suffisamment formés pour animer leur équipe à distance. Et parmi les managers qui ressentent de l’anxiété, un des motifs d’explication porte sur le contrôle à tous les étages qui se traduit par une perception accrue d’être surveillés et de devoir contrôler leurs collaborateurs ».

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