Packages salariaux en hausse, avantages en or… comment le luxe s’adapte pour recruter

Gwenole Guiomard

Malgré ses nombreux avantages, le secteur a du mal à attirer les candidats. Et cela malgré des salaires élevés associés à une hausse de ces derniers de 15 à 20 % depuis 2020. Analyse de Fanny Bahsa, chasseuse de têtes et dirigeante du cabinet Fitjob, et témoignage d'une ex-salariée du secteur.

Fanny Bahsa, DG de Fitjob, analyse les difficultés de recrutement du secteur du luxe et les moyens déployés pour parvenir à recruter.

Packages salariaux en hausse, avantages en or… comment le luxe s’adapte pour recruter
Fanny Bahsa, DG de Fitjob, analyse les difficultés de recrutement du secteur du luxe et les moyens déployés pour parvenir à recruter.

Dior, Hermès, Chanel, LVMH, Gucci,... Fanny Bahsa est une recruteuse qui nage professionnellement dans le luxe. Près de 70 % des missions de Fitjob, le cabinet qu’elle dirige, sont réalisées pour les grands groupes du secteur et leurs réseaux de distribution, pour des fonctions supports (finance-comptabilité, ressources humaines-paye, service juridique, assistanat ou achat-relation client). Le luxe recrute en masse, porté par de très forts développements. Malheureusement, si les missions s’accumulent, les candidats, eux, se font rares et particulièrement sourcilleux. Ce qui entraine des délais d’embauche qui peuvent dépasser les 6 mois…

Comment qualifier les recrutements dans le luxe en ce début 2023 ?

Fanny Bahsa : “ Ce secteur est en croissance avec des besoins en recrutement important tout particulièrement dans les sous-secteurs joaillerie, maroquinerie, vente ou hôtellerie. Les tensions y sont encore plus fortes. Cela a des incidences sur les salaires. Un contrôleur de gestion que je plaçais dans ce secteur en 2020, avec 4 ans d’expérience, percevait de l’ordre de 50 000 à 55 000 euros brut par an. Si je le place aujourd’hui, toujours dans ce même secteur, ses émoluments avoisineront, en mars 2023, les 60 000 à 65 000 euros brut par an. Cela fait quand même une hausse de 20 % en 3 ans ». 

Malgré des salaires en or, le luxe a aussi des difficultés pour recruter.

Comment expliquez-vous cette hausse des salaires ?

F. B. : Plusieurs raisons se combinent et vont toutes dans le sens d’une raréfaction des candidats couplée avec une hausse des besoins en personnel. Tout d’abord, le secteur du luxe se porte économiquement plus que bien. C’est la première raison. D’où des projets qui se font et des besoins en nouveaux salariés qui s’additionnent. Ensuite, le luxe se développe dans une économie dont le taux de chômage est faible avec des tensions existant aussi dans d’autres secteurs. Il se retrouve donc en concurrence avec d’autres branches de l’économie qui recherchent aussi des collaborateurs. 

Les candidats rechignent-ils à postuler ? 

Prenons par exemple un poste de comptable confirmé qu’une très belle entreprise du luxe, très célèbre, très sexy, en très fort développement avec un produit-phare excessivement présents sur les réseaux sociaux m’a demandé de rechercher. C’était en juillet 2022. L’employeur proposait un confortable salaire de 38 000 euros brut par an avec une évolution prévue vers un poste à responsabilité pour manager l’équipe à créer. On lui adjoignait un intéressement de l’ordre de 1 à 2 mois de salaire en plus, un vestiaire de 8000 euros, c’est-à-dire la possibilité de se vêtir pour cette somme…, une salle de sport. Bref un package plus qu’intéressant. Le poste a finalement été pourvu en janvier 2023… Soit 6 mois. Cela a été compliqué car la tension sur ces postes est générale, quel que soit le secteur, car de moins en moins de jeunes diplômés vont vers les métiers de la comptabilité. Je note aussi que les candidats sont beaucoup plus exigeants aujourd’hui et attendent davantage de l’entreprise. Ils sont en recherche de "sens" et souhaite que l’entreprise réponde à cette attente avant de la rejoindre.

Comment réussir à recruter malgré tout ?

Si on rajoute le Covid qui a poussé les gens a quitté la région parisienne, ce marché est devenu un marché de candidats avec des employeurs qui doivent faire des efforts pour les séduire. Avec des candidats qui ont le choix entre 5 postes en même temps, qui se disent parfois que le luxe est trop feutré, doté d’un management compliqué, manquant de bienveillance et de reconnaissance. Tout se joue alors sur la rapidité qu’a l’employeur à embaucher  le candidat mais aussi le sens du travail ou les minutes de transport en commun pour rejoindre son travail… Il faut alors savoir aller vite. Dans ce cas, cela peut fonctionner. Une candidate contrôleuse de gestion voulait changer de poste rapidement. J’en ai averti mon client. Le lundi, il s’est débrouillé pour rassembler les rendez-vous d’embauche sur une semaine. J’ai fait passer les références de la jeune femme dans la foulée. Elle a reçu une proposition le vendredi. Elle a commencé le 6 mars 2023. Il faut savoir aller vite aujourd’hui ».

Quels sont les atouts du secteur du luxe ?

Le luxe est un secteur qui a les moyens d’investir pour trouver de bons candidats. Il propose donc de bons salaires, de la formation, de l’exigence. Un des leaders du marché offre, par exemple, 17 mois de salaire avec 10 000 euros d’intéressement et une prime. Le secteur peut ainsi fidéliser ses salariés qui perdraient en rémunération en quittant le secteur. En plus, le secteur sait se doter des outils informatiques de haut niveau pour bien faire son travail. Il permet aussi des mobilités internes intéressantes, développe facilement du télétravail, des formations, des politiques RSE de qualité et crée un environnement via des formations au management favorisant le bien-être au travail ». 

Marine, 30 ans : « un secteur formateur et enrichissant »

Marine (elle préfère garder l’anonymat) est titulaire d’un Master 2 d’une école de management classée dans le top 10 français. Elle a été apprentie pour un parfumeur très connu et a débuté sa carrière dans les ressources humaines d’une grande maison de luxe. « C’était une question d’opportunité. Pas une vocation. Mais j’ai alors rencontré une entreprise et un secteur extrêmement formateurs et enrichissants. Mon employeur m’a apporté le souci du détail, de l’innovation et du respect du client placé au cœur de ses préoccupations. C’est aussi une entreprise qui permet d’évoluer en termes de métier, de localisation. Elle ouvre le champ des possibles dans une atmosphère très simple, très authentique. Une boite dynamique qui permet de prendre des risques. C’est audacieux avec une beauté des événements mis en place. Pour suivre mon conjoint, j’ai dû quitter la région parisienne et mon employeur en juillet 2022. J’ai changé de secteur et de région. Je perçois aujourd’hui 37 000 euros brut par an. J’en gagnais, dans le luxe et en région parisienne, 40 000 ».

Tags : luxe
Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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