CPF : allez-vous devoir payer pour suivre une formation ?

Sylvie Laidet-Ratier

FINANCEMENT DE LA FORMATION – Victime de son succès, le compte personnel de formation (CPF) a-t-il du plomb dans l’aile ? Ou plus exactement sera-t-il toujours gratuit pour vous ? C’est en tout cas la question posée par les membres de la Commission des affaires sociales du Sénat. Explications.

Le CPF deviendra-t-il bientôt en partie payant pour éviter les dérives de son financement ?

CPF : allez-vous devoir payer pour suivre une formation ?
Le CPF deviendra-t-il bientôt en partie payant pour éviter les dérives de son financement ?

Le CPF victime de son succès

Dans un rapport d’information, la Commission des affaires sociales du Sénat, pointe la « crise de croissance » de France Compétences, l’organisme qui gère le compte personnel de formation (CPF). Entre 2020 et 2021, le nombre de formation financées par le CPF est passée de 1 à 2 millions.

« Le recours au CPF a été stimulé par sa désintermédiation, l’alimentation des comptes en euros plutôt qu’en heures et la simplification de l’éligibilité des formations », soulignent les auteurs. En clair, c’est vous, salariés, qui décidez tout seul de dépenser en formation le crédit porté sur votre CPF, comme prévu par ses créateurs.

Le CPF "mal" utilisé ?

C’est là que le bât blesserait.

Le recours au CPF apparaît de moins en moins porté sur les formations répondant aux besoins de compétences des entreprises.
Rapport sénatorial sur le CPF

Pensé et lancé pour développer l’employabilité des salariés tout au long de leur vie professionnelle, selon les auteurs, le CPF ne répondrait donc pas vraiment à son utilité première. Ce qui pèserait sur les comptes de France Compétences.

« Ainsi, les formations les plus demandées en 2020 étaient les formations en langues vivantes et civilisations étrangères, la préparation au permis de conduire et les actions de formation destinées aux créateurs et repreneurs d’entreprise, lesquelles ont souvent un faible lien avec l’entrepreneuriat. Une petite minorité de formations visent à l’obtention d’une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) », précise le rapport d’information.

 

Le CPF est aujourd’hui gratuit

Actuellement, vous souhaitez mobiliser votre CPF pour suivre une formation, c’est simple et même quasiment gratuit.

Vous vous connectez sur votre compte formation personnel, vous sélectionnez la formation visée, et vous payez avec votre solde créditeur. Une somme que vous avez en fait capitalisée chaque année en travaillant.

Si le solde crédité sur votre CPF suffit à couvrir les frais de formation, cette dernière est en fait gratuite pour vous.

Si le solde crédité sur votre CPF ne suffit pas à couvrir les frais de formation, plusieurs options possibles :

  • Soit votre employeur abonde cette somme dans un cadre régi par un accord collectif. Donc encore gratuit pour vous.
  • Soit votre OPCO met la main au porte-monnaie et finance le solde à payer. Donc encore gratuit pour vous
  • Soit vous réglez le solde avec vos deniers personnels.

Le CPF va-t-il devenir payant demain ?

La commission des affaires sociales du Sénat propose, entre autres, quelques mécanismes de régulation du CPF « qui permettraient à la fois de mieux maîtriser son pilotage et de le recentrer sur les enjeux d’employabilité et de parcours professionnels ».

 

Afin de responsabiliser les bénéficiaires et d’élever l’intérêt des formations prises en charge, les rapporteurs recommandent d’instaurer un reste à charge pour l’utilisateur du CPF, même modique, en cas de formation ne débouchant pas sur une certification inscrite au RNCP
Rapport sénatorial sur le CPF

Cela pourrait par exemple concerner des formations hyper demandées comme la préparation au permis de conduire ou les formations en langues étrangères. Bref, vous pourriez vous retrouvez à payer de fait une partie de votre formation si elle ne rentrait pas dans les attendus du législateur.

 

A combien s’élèverait ce reste à charge ? Pour l’instant, aucune somme n’est avancée. Et les syndicats de salariés, ni le patronat ne se risquent à chiffrer le sujet. D’ailleurs pour eux, le dossier n’est même pas encore dans « le paquet » des négociations.

 

Dans leur rapport, les sénateurs précisent tout de même que ce fameux reste à charge pour les salariés, pourrait être supprimé dans certaines circonstances précises. Par exemple si votre employeur cofinance votre projet de formation au titre du CPF ou si vous faites valider votre projet de formation dans le cadre d’un conseil en évolution professionnelle (CEP).

 

Pour l’heure, rien n’est tranché

Les partenaires sociaux ne se sont pas encore saisis du sujet. Si de telles préconisations étaient à l’avenir retenues, et en fonction du montant du reste à charge, cela reviendrait à freiner les salariés dans leur recours au CPF. Or payer pour se former n’était pas dans le contrat initial du CPF.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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