DAF : quelles expertises travailler pour faire la différence en 2023 (et même après) ?

Gwenole Guiomard

FOCUS MÉTIER - Le DAF de 2023 ne ressemble pas à celui d’hier. Dans sa dernière étude, le cabinet Oasys dresse le portrait d'un DAF augmenté. Il pointe les évolutions de cette fonction-clé de l’entreprise à travers les paroles de DAF expérimentés et de recruteurs. Découvrez les savoirs-être et savoirs-faire que doit travailler un directeur administratif et financier qui veut rester employable et faire la différence en 2023, et après.

La dernière étude du cabinet Oasys donne la parole à une centaine de DAF sur l'évolution de leur fonction, ainsi qu'à des recruteurs sur les compétences recherchées chez un directeur administratif et financier. Cadremploi a fait réagir des DAF et des experts à cette étude.

DAF : quelles expertises travailler pour faire la différence en 2023 (et même après) ?
La dernière étude du cabinet Oasys donne la parole à une centaine de DAF sur l'évolution de leur fonction, ainsi qu'à des recruteurs sur les compétences recherchées chez un directeur administratif et financier. Cadremploi a fait réagir des DAF et des experts à cette étude.

Ils témoignent

  • Stéphanie Duthilleul Vasen, associée et directrice de la Practice Finance de Oasys
  • Jean-Michel Terny, secrétaire général et directeur financier de Tinubu
  • Alexandra de Verdière, DAF à temps partagé et membre de la DFCG, l’association nationale des Directeurs financiers et de contrôle de gestion se revendiquant comme le 1er réseau des dirigeants finance et gestion de France
  • Marc Verspyck, ancien expert du cabinet Topics et actuellement directeur financier du groupe Redland, une entreprise industrielle franco-malgache de 1500 salariés
  • Ilann Boukais, ancien financier, senior manager de la division finance du cabinet de recrutement Robert Walters
  • Séverin Henry, vice-président chargé des finances de la néo-banque Qonto, élu meilleur “Jeune financier” par ses pairs de l’association DFCG.

L’étude intitulée "DAF à mi-carrière" *, que vient de publier le cabinet de conseils RH et d’outplacement Oasys, compile et analyse les réflexions de 230 professionnels dont la moitié sont des DAF expérimentés (plus de 20 ans d’expérience), l’autre moitié des recruteurs. « Notre but a été de confronter les regards pour mieux comprendre les aspirations des DAF et les demandes des recruteurs, explique Stéphanie Duthilleul Vasen, associée et directrice de la Practice Finance de Oasys dirigeants en charge de l’étude.

Le DAF de 2023 élargit sans cesse son socle d'expertise

Premier constat de l’étude d’Oasys, le métier de DAF a profondément élargi ses champs de compétences ces dernières années en passant du rôle de "gardien du temple" à celui de direction "agile" capable de coopérer et d'innover.

Jean-Michel Terny

« Je positionne dorénavant mon job comme celui du bras droit du dirigeant, explique, entre autres, Jean-Michel Terny, secrétaire général et directeur financier de Tinubu, un éditeur de logiciels. Pour moi, l’horizon temps a changé. On demandait aux DAF d’analyser financièrement les 12 prochains mois. Aujourd’hui, ils doivent raisonner à 36 mois dans un environnement mouvant avec un renouvellement des hypothèses quasi mensuel. Cela rend le métier beaucoup plus passionnant, plus prospectif, de plus en plus business partner… Nous devons rester toujours un garant des comptes mais en étant aussi plus communiquant, plus charismatique, doté d’un leadership et capable de travailler transversalement afin de convaincre les salariés et les embarquer dans de nouvelles stratégies. Fini le DAF qui disait toujours « non ». Il doit dorénavant savoir dire « oui »… ».

Le DAF est de moins en moins une fonction support

Stéphanie Duthilleul Vasen d’Oasys le constate à travers l’étude :

Les DAF font de moins en moins partie des fonctions support et de plus en plus des ressources associées au développement des affaires, à la conduite du changement et la mise en place d’une stratégie.
Stéphanie Duthilleul Vasen, associée et directrice de la practice Finance de Oasys

A ce titre, ils doivent acquérir de fortes compétences en compréhension du business et des enjeux de l’entreprise, en analyse des données massives afin d'imaginer de nouveaux business models. Le DAF se rapproche du cœur du réacteur de l’entreprise. 

Le DAF multi-casquette, futur DG

Autre évolution, le DAF multi-casquette fait partie du mercato quand il s’agit de choisir les futurs dirigeants. « Leur avenir est donc plutôt rose », estime Stéphanie Duthilleul Vasen d’Oasys. Surtout ceux qui peuvent démontrer plusieurs expériences dans divers secteurs, dans divers pays et ceux qui ont mené plusieurs projets dans des contextes de crise pour expliquer aux dirigeants comment naviguer au mieux dans notre monde incertain. 

Le DAF qui ne s’occupe que des chiffres sera évalué « has been » et a du souci à se faire.

Alexandra de Verdière

« Notre métier est devenu très opérationnel et très stratégique, confirme la DAF à temps partagé Alexandra de Verdière, membre de la DFCG, l’association nationale des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion se revendiquant comme le 1er réseau des dirigeants finance et gestion de France. D’où la volonté des recruteurs et des dirigeants d’embaucher des “couteaux suisses” à cette fonction. Ces derniers vont au-delà de la finance et apportent leur connaissance des entreprises dans leur dimension commerciale, informatique, logistique tout en étant capable de démontrer des compétences en vente, en communication auprès des différents services pour instaurer le changement ».

DAF, un job de plus en plus “conscient” politiquement

Le champ de compétence du DAF s’élargit et il doit notamment raisonner “durable”. Pour ce faire, il doit être formé aux enjeux de demain, et en tout premier lieu à la RSE. Pour des DAF multi casquettes, reste aujourd’hui à faire accepter cette dimension politique.

Que se passe-t-il lorsque le DAF refuse de renouveler les CDI pour basculer vers la sous-traitance, favorise les délocalisations pour des questions de rentabilité à court terme ou regarde ailleurs quand l’usine pollue ? Ou, a contrario, quelle peut-être son attitude si les actionnaires imposent une façon de faire particulièrement carbonée ?
Marc Verspyck

« Les DAF qui sont recherchés par les employeurs soutiennent des politiques RSE, estime Marc Verspyck, ancien expert du cabinet Topics et actuellement directeur financier du groupe Redland, une entreprise industrielle franco-malgache de 1500 salariés. En tous cas, ceux qui travaillent dans des grands groupes. Ces DAF doivent convaincre tout le monde qu’il n’y a pas de performances économiques sans performance sociétale et environnementale ». 

Associer finance et environnement, un enjeu inéluctable

D’autant plus, qu’en 2025, il y aura obligation de réaliser annuellement un reporting extra financier qui aura autant d’importance que le reporting purement financier. Alors les grandes entreprises s’y mettent. Ainsi, Pierre-François Riolacci, le DAF d’Engie, a été nommé en 2022 directeur général adjoint du groupe, en charge des finances, de la Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) et des Achats

Evidemment, cela ne concerne pas toutes les entreprises mais c’est un signal marquant qu’il est possible d’associer finance et environnement. Aujourd’hui, les primes de certains DAF sont également indexées – cela représente jusqu’à un tiers de cette rémunération – sur leurs résultats environnementaux. 

« Cela ne concerne pas toutes les sociétés, ajoute Marc Verspyck de Redland. Ces changements prennent du temps. Certaines directions – dans la grande distribution par exemple - signalent encore que la finance passe avant tout. Mais cela bouge avec le réglementaire et l’arrivée des nouvelles générations. De toute façon, cela sera de plus en plus compliqué pour des DAF de ne trancher que sur des aspects purement financiers ». 

Un DAF « RSE », qu’il le veuille ou non

« La vision des DAF en matière de RSE évolue fortement. Les financiers les plus recherchés aujourd’hui ont une expérience en management. Ils peuvent embarquer et convaincre des équipes, donner un cap, engager des transformations digitales et environnementales. Ils doivent alors trouver un équilibre entre performance sociétale/environnementale et financière. C’est une obligation pour eux. Ceux qui ne le font pas pourront à court terme développer leur chiffre d'affaires mais ils se retrouveront coincés par la volonté des clients et des fournisseurs de préférer des partenaires développant des politiques RSE. Car ces dernières anticipent les législations à venir, sont bonnes pour la réputation de l’entreprise, permettent de remporter des marchés publics ou de décrocher des prêts auprès des banques. Bref, sans le développement de la RSE, les DAF auront du mal à développer leur entreprise. Ils n’ont donc pas le choix. Qu’ils y croient ou pas, ils seront obligés d’en faire ».

Témoignage du lauréat "Prix du jeune financier" 2022

« Le DAF est le copilote de la direction »

Séverin Henry est vice-président chargé des finances de la néo-banque Qonto (1000 salariés) proposant des services financiers aux TPE-PME. Il a reçu le Prix du jeune financier 2022 attribué chaque année par la DFCG.

« Traditionnellement, le métier de directeur administratif et financier (DAF) consistait à produire des informations financières fiables. Cette compétence demeure mais elle s’est enrichie de nouvelles qualités. Un DAF doit être un copilote de son entreprise. C’est-à-dire connaître les aspects opérationnels de sa société, analyser ses données massives, proposer des stratégies. Pour réussir dans ce métier, il est indispensable de disposer de compétences comportementales comme la volonté d’apporter sa pierre à l’édifice, aller au-delà des chiffres, être plus un manager qu’un technicien, faire grandir ses équipes tout en se maintenant en éveil sur l’extérieur. L’état d’esprit est donc maintenant davantage plébiscité que la technique financière. Bien sûr, il faut être à l’aise avec les chiffres mais il est plus important aujourd’hui, et dans le futur, de comprendre et se servir des données massives de sa société, d’influencer la stratégie de sa boîte tant au niveau opérationnel que commercial ou marketing. Cela signifie imaginer les impacts que vont produire les décisions financières sur l’ensemble des services. Ce qui est plébiscité aujourd’hui, c’est ce côté partenaire opérationnel de la direction ».

Voir le rapport intégral Etude "DAF à mi-carrière" publié par le cabinet de conseils RH et d’outplacement Oasys

Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

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