Damien Créquer : « Nous évaluerons davantage la capacité à apprendre »

Gwenole Guiomard

PAROLES DE PRO – Le cabinet Taste chasse des experts de haut niveau dont le salaire moyenne à 100 000 euros brut par an. Pour Damien Créquer, le co-dirigeant, cette crise aura pour effet d’accélérer les recrutements par recherche de compétences comportementales. Les embauches dématérialisées ainsi que le télétravail comme norme vont perdurer. Selon lui, la crise environnementale qui va suivre sera plus impactante et la profession doit s'y préparer.
Damien Créquer  : « Nous évaluerons davantage la capacité à apprendre »

Quelles ont été les incidences de la Covid 19 sur votre activité de chasse ?

Damien Créquer : Incrédulité et sidération. Voici mes deux réponses. Notre chiffre d’affaires a baissé des deux-tiers entre avril 2019 et avril 2020. De plus, l’entrée des missions a chuté. Nous aurions dû en ouvrir 25 en avril. Nous en avons démarré 5… On a touché le fond début mai. Depuis, cela repart tout doucement. Nous travaillons aujourd’hui sur une dizaine de nouvelles missions.  Il faudra au moins un an pour retrouver notre situation pré-crise sanitaire. Peut-être plus. Tout dépendra de la propension des entreprises à réinvestir. Si elles le font rapidement avec l’appui des pouvoirs publics, un scénario rose se dessinera.

Des hards skills pour transformer et des soft skills pour manager
Damien Créquer, co-dirigeant du cabinet Taste

Quels sont les changements qu’engendre et va engendrer cette crise sanitaire ?

DC : Cette crise transforme déjà nos façons de faire. Certaines étaient en gestation. Nous avions l’habitude de recruter, dans le secteur pétrolier, des cadres vivant au Brésil pour des fonctions en Angola sans jamais passer par la France ni nos bureaux. Nous avons théorisé ce recrutement augmenté dans un livre blanc accessible sur notre site. Ces embauches dématérialisées vont perdurer. Ensuite, le télétravail devient la norme pour les cadres. Nous avons publié fin mai une étude démontrant l’aspiration réciproque des cadres (50 %) et de leurs directions (40 %) à développer le home office pour plus de 50 % de leur temps. La Covid 19 marque aussi un virage exigeant une transformation digitale des entreprises, pas dans dix ans comme certains clients l’imaginaient, mais maintenant. On recherche donc des hards skills pour transformer et des soft skills pour manager. Tout le monde est et sera concerné par ces automatisations. Je vois, in fine, le développement de managers qui doivent devenir la courroie de transmissions entre leurs équipes et la direction. Plus le contraire. L’entreprise pyramidale a du souci à se faire. Fini le management du top vers le down.

La plupart des compétences « dures » sont à inventer.

Quelles seront les conséquences de ces changements pour votre travail de recruteur ?

DC : C’était déjà le cas avant. Mais cela va devenir primordial. Nous devons dorénavant intensifier les recrutements par les soft skills et arrêter de se réfugier derrière les hard skills. La plupart des compétences « dures » sont à inventer. Pour cela, il faut des candidats sachant apprendre. Il faut donc s’appuyer sur une recherche de leurs soft skills. De plus, nous répondrons à une demande sociétale. Les cadres en ont assez des organisations en silos.  Ils demandent à travailler autrement. D’où la nécessité d'analyser davantage les compétences comportementales des candidats avec l’aide, chez nous, d’AssessFirst, un spécialiste de l’intelligence artificielle liée au recrutement et à l’évaluation des personnalités. L’enjeu sera aussi d’accompagner nos candidats, les cadres, sur le développement de leur soft skills.

Quelles sont les deux dernières missions que vous venez de rentrer ?

DC : Nous travaillons, par exemple, sur une mission d’urgence. Il s’agit de recruter un directeur/directrice de communication pour un grand groupe du SBF120. Notre client s’est aperçu de la nécessité de disposer de telles ressources aujourd’hui. Son salaire avoisinera les 180 000 euros. Nous recherchons aussi un directeur/directrice des opérations pour une entreprise en forte croissance installant des lignes téléphoniques. Le candidat devra disposer d’une quinzaine d’années d’expérience dans la gestion de 20 à 30 000 salariés. La rémunération prévue est de l’ordre de 140 000 euros brut par an.

Nous avons un rôle sociétal à jouer.

Quelle est votre question fétiche post-confinement ?

DC : J’en ai deux : « Quel est votre rêve éveillé ? » et « Quelle est votre raison d’être ? » Nous recherchons les motivations intérieures de nos candidats.

Qu’est-ce qui naîtra de meilleur pour vos métiers ?

DC : Ce moment Covid doit nous servir d’exercice pour dépasser la prochaine crise, celle liée aux changements environnementaux. Cette dernière sera plus impactante. Cela doit donc permettre à notre profession d’être plus accessible aux candidats mais aussi aux populations plus éloignées de l’emploi. Nous avons un rôle sociétal à jouer."

Taste en quelques chiffres  

Le cabinet Taste est un chasseur de têtes spécialiste des experts de haut niveau. Leurs salaires sont en moyenne de 100 000 euros brut par an.

  • 220 recrutements par an  
  • 30 consultants en 2020
  • CA 2019 (juillet 2019-juin 2020) : 4 millions d’euros.
  • CA 2020 escompté (juillet 2020-juin 2021) : 3,5 millions d’euros. 
Gwenole Guiomard
Gwenole Guiomard

Je suis journaliste spécialisé dans les questions de formation et d’emploi. L’un ne doit pas aller sans l’autre et la compréhension des deux permet de s’orienter au mieux. Je rédige aussi, tous les deux ans, le Guide des professionnels du recrutement. Je suis aussi passionné d’histoire et amoureux des routes de la soie.

Vous aimerez aussi :