Comment bien négocier sa démission après 20 ans d'ancienneté ?

Sylvie Laidet-Ratier

DROIT DU TRAVAIL – Une démission n’ouvre pas droit à grand-chose mais quid d’une démission après 20, 25 ou 30 ans d’ancienneté (peu importe le nombre d'années) ? Tant d'années de bons et loyaux services vous donnent-elles droit à quelques petits avantages même si vous quittez l’entreprise ? Peut-on vous priver de la prime de participation et d’intéressement alors que vous avez été loyal ? Peut-on espérer toucher une prime vue la durée de la collaboration ? Et quid du bonus qui tombe en mars alors que l’on part en février ? Le nouvel employeur peut-il reprendre notre ancienneté ? Vos questions, nos réponses avec les conseils de Magali Latry, avocat en droit du travail.
Comment bien négocier sa démission après 20 ans d'ancienneté ?

Le contexte 

Comme un bon petit soldat, vous avez passé les 20-27-30 dernières années à gravir les échelons dans la même entreprise. Bravo ! Mais là, il n’y a plus moyen d’évoluer, vous n’êtes plus nécessairement d’accord avec les nouvelles orientations stratégiques, vous aspirez à changer d’air ou surtout, vous avez été retenu pour un nouveau boulot… en externe. Avant de signaler votre démission, vous vous demandez donc ce que vous allez pouvoir négocier en partant après toutes ces années de bons et loyaux services.

Bien négocier le versement d’une prime sur objectifs

 

Question d’un salarié : « En partant en février 2022, vais-je quand même percevoir mon bonus indexé sur mes objectifs 2021 ? Et comment m’y prendre si mon employeur ne veut pas me le verser ? »

 

Sur cette question du versement du bonus en cas de démission, deux cas de figure :

  • Votre contrat de travail (ou un avenant) stipule les conditions de versement de ce bonus. Par exemple qu’il est versé tous les ans en mars mais que son déclenchement est soumis à présence dans l’entreprise. Dans ce cas, votre employeur va se référer à cette mention pour essayer de ne pas vous le verser.
Le salarié peut, à tout le moins, négocier, un versement de son bonus au prorata de son temps de présence effectif sur l’année de référence
Magali Latry, avocat en droit du travail
  • Votre contrat de travail ne mentionne rien sur cette question des bonus. Autrement dit, votre employeur verse des bonus de manière discrétionnaire. Vous allez donc devoir engager une fine négociation.

« Pour cela, le collaborateur doit se référer au versement d’un bonus sur les deux ou trois années précédentes et bien sûr démontrer qu’il a atteint, voire dépassé, les objectifs conditionnant le paiement de ce bonus. Soit son employeur est réceptif et paie l’intégralité du bonus. Soit il refuse et le salarié peut porter l’affaire aux prud’hommes, surtout si le bonus représente une part conséquente de sa rémunération annuelle.  Il y a un gros courant de jurisprudences plutôt favorable aux salariés sur le sujet », témoigne Magali Latry.

Avant de passer par la case “contentieux”, vous pouvez également jouer carte sur table avec votre employeur. Ok vous savez que le bonus est traditionnellement versé en mars mais vous prévoyez de démissionner en février. Mettez alors le deal suivant entre les mains de votre manager : soit vous partez en février avec votre bonus (potentiellement amputé d’un mois), soit, s’il refuse votre main tendue et s’assoit sur votre loyauté, vous attendrez fin mars, donc le versement du bonus, pour démissionner. Une deuxième option qui n’est optimale pour personne. Mais au moins, vous n’y perdrez pas financièrement.

 

Bien négocier sa prime de participation et/ou d’intéressement

 

Question d’un salarié : « En partant en février 2022, vais-je quand même percevoir ma participation et mon intéressement au titre de 2021 ? »

«Les plans d’épargne salariale sont négociés et signés avec les partenaires sociaux. Il y a autant d’accords que d’entreprises. Donc référez-vous à ce texte que votre employeur doit tenir à disposition de tous ses collaborateurs, pour connaitre les conditions de versement de l’intéressement et de la participation en cas de départ de la société. « La plupart du temps, le montant versé est proportionnel au temps passé dans l’entreprise », constate maitre Magali Latry.

 

Existe-t-il une prime qui récompense l’ancienneté ?  

 

Question d’un salarié : « Puis-je demander une prime de départ pour “bons et loyaux services” ? »


Ah oui, vous pouvez toujours tenter le coup mais légalement, l’entreprise ne vous doit rien. « Dans le cadre d’une démission, un salarié ne peut pas exiger de prime de reconnaissance ou de remerciements. Je n’ai jamais vu ça », assure notre experte.

 

Peut-on transférer son ancienneté chez son nouvel employeur ?

 

Question d’un salarié : « Puis je négocier la reprise de mon ancienneté auprès de mon futur nouvel employeur ? »

Inutile de perdre votre temps et votre énergie dans ce type de demande, elle est non recevable. Sauf… car il y a toujours des exceptions, si vous quittez une société pour en rejoindre une autre appartenant au même groupe. Là, c’est envisageable.

 

Faut-il dire que l’on veut souffler avant de rejoindre son nouvel employeur ?

Question d’un salarié : « Je quitte une boîte où j’étais depuis 25 ans. J’ai besoin de faire un break avant de rejoindre mon nouvel employeur. Puis-je demander à décaler mon embauche au-delà de trois mois ? »

Évidemment que vous n’êtes pas obligé d’enchainer direct votre nouveau job après la fin de votre préavis. Vous pouvez tout à fait prendre une, deux, trois ou 4 semaines pour souffler et recharger les batteries avant d’attaquer sur votre nouvelle fonction. Si vous avez été chassé, vous êtes en position de force pour imposer ce sas de décompression. Si au contraire, c’est vous qui êtes à l’origine de la démarche de candidature et que votre futur employeur est pressé de vous voir débarquer, c’est plus délicat. La solution ? Écourter votre préavis par exemple d’un mois. Et profiter de ce temps pour vous ressourcer. Toutefois, sachez que cette décision n’est pas neutre financièrement. « Si le salarié est à l’initiative de la demande de dispense partielle ou totale du préavis, il ne lui sera pas payé », prévient Magali Latry.

 

Vous le voyez, la démission vous laisse en fait peu de marge de manœuvre. « Au bout de 27 ans de carrière, il est à mon sens plus aisé de négocier un départ amiable via une rupture conventionnelle ou un départ négocié (une transaction) que via une démission. Même si je constate que de nombreux employeurs font passer le message que la rupture conventionnelle est inenvisageable chez eux », conclut-elle.

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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