A 50 ans et plus, ils bossent dans des start-up

Sylvie Laidet-Ratier

[Témoignages] Oui, les start-up sont des concentrés de jeunes diplômés et autres trentenaires hyper agiles. Mais, contre toute attente, elles font aussi appel à des seniors. Souvent comme consultants mais aussi comme salariés. Avec visiblement plus d’hommes que de femmes (dommage). Ils racontent.
A 50 ans et plus, ils bossent dans des start-up

Marc Rajoun, 55 ans, directeur technique, Anticafé

Activité : espace de partage et de coworking, 15 personnes

En CDI, à temps complet depuis début 2017.

9 mois ! Marc Rajoun aura au final bossé 9 mois pour cette start up. Son job ? Identifier des locaux, faire des travaux, les aménager…bref les rendre fin prêts pour l’ouverture des Anticafé. « J’ai découvert l’univers des start up, et notamment le concept de coworking durant les études de ma fille. Après 20 ans chez Accor en France et à l’étranger, j’avais décidé de me poser et ai donc négocié une rupture conventionnelle. Au bout de 3 mois de chômage, j’avais l’impression de perdre mon temps. J’ai donc répondu à une offre d’emploi de l’Anticafé », raconte ce quinqua. Banco, le fondateur lui accorde sa confiance. « Au départ, les jeunes collègues me regardaient de loin, ils mesuraient leurs propos car ils se disaient qu’avec mon expérience, j’avais le savoir. Ce qui n’est évidemment pas le cas sur tous les sujets », explique-t-il. Marc Rajoun rompt petit à petit la glace grâce à son humour. Mais ne trouve jamais vraiment sa place. « Dans une start up, chacun a beaucoup de latitude mais au final il faut quand même trancher. Ce qui n’a pas toujours été évident. Ils veulent aller vite sans mettre nécessairement les ressources adéquates », illustre-t-il. En manque de process et de repères et pas vraiment adepte du « test & learn » (essayer et apprendre), Marc Rajoun préfère rejoindre un environnement qu’il maîtrise mieux. Mais ne regrette pas ce détour en start-up.

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Fabienne Liagre, 52 ans, directrice opérationnelle, Picto Access.

Activité : géolocalisation d’établissements recevant du public accessibles aux personnes handicapées, 10 personnes. Incubé par Le Village by CA – Nord de France.

En CDI, temps complet depuis l’été 2017.

Quand elle rencontre le jeune dirigeant de Picto Access pour la première fois, Fabienne Liagre est emballée par son projet « Baignée dans le monde du handicap depuis 20 ans, via notamment la création d’une association, je voulais les aider mais je ne voyais pas comment. Un an plus tard, au cours d’un congrès, le dirigeant se dit intéressé par mon expérience. J’avais un doute sur le niveau de salaire, mais il a simplement accepté mes prétentions en arguant du fait qu’elles sont en phase avec mon expérience », se souvient-elle. Alors Fabienne Liagre rejoint la jeune entreprise. Lors de la journée d’intégration, elle sourit en découvrant les années de naissance de ses collègues. En moyenne, deux fois plus jeunes qu’elle. « Mais sur le mur d’escalade, je montais aussi bien qu’eux. Et souvent ils me disent que l’âge, de toute façon, c’est dans la tête », apprécie-t-elle. Au quotidien, Fabienne est une geek mais bien moins avertie que ses jeunes collègues. « Pas grave, quand je ne sais pas, ils m’expliquent. Mon expérience m’apporte de la légitimité sur certains sujets mais pas de pouvoir particulier. Pour ces jeunes très brillants, peu importe l’âge ou la formation, seules les compétences mises au service d’un projet commun et d’une équipe comptent », conclut-elle.

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Bruno Semtob, 52 ans, responsable commercial, Web Atrio

Activité : entreprise de service numérique, 85 personnes.

En CDI, à temps plein depuis septembre 2017.

Deux mois et demi après son arrivée, Bruno Semtob ne tarit pas d’éloges sur son nouveau job. « C’est hyper stimulant de travailler avec des jeunes sur des sujets aussi innovants. Ils ont de l’énergie à revendre. Avec eux, il n’y a pas de problème mais uniquement des solutions », raconte-t-il volontiers. Alors certes, il y a un décalage dans la maîtrise des outils numériques. Mais qu’importe, il accepte de se couler dans le moule avec plaisir. Les échanges par Skype sont désormais son quotidien. « Mon âge n’est pas un handicap. Au contraire, de par mon expérience, les plus jeunes peuvent parfois se reposer sur moi. Et inversement sur d’autres sujets », confie-t-il. Quid du rythme de travail ? « J’ai toujours été un gros bosseur. Là, je travaille moins mais mieux car on va droit au but, sans trop de dispersion dans des tâches sans réelle valeur ajoutée. Même s’il peut y avoir quelques petites frictions, car on reste des humains, il n’y a pas les jeux de pouvoir rencontrés précédemment au sein de grandes organisations pyramidales », apprécie-t-il. Pour s’extirper de son précédent job et rejoindre Web Atrio, Bruno Semtob a consenti 5000 euros de moins sur son salaire fixe annuel. « Je n’ai plus de crédit à rembourser, donc c’était faisable », précise-t-il. Le variable restant à la hauteur. « J’ai payé pour voir, et je suis très satisfait », rigole-t-il. Tellement content et détendu, il a retrouvé l’énergie de bouger son coprs. Le matin, il se lève désormais 30 minutes plus tôt pour faire du sport avant de partir bosser.

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Jean-Marc Levet, 59 ans, développeur, Mapstr

Activité : appli pour enregistrer et géolocaliser ses bonnes adresses, 15 personnes, au Campus Station F.

En CDI, à temps plein, depuis un an.

Même s’il en est actionnaire, Jean-Marc Levet a souhaité rejoindre Mapstr comme junior en tant que développeur. « Travailler avec des jeunes me donne l’impression de ne pas vieillir. Même s’ils réfléchissent plus vite que moi, cette expérience me fait marcher le cerveau. Intellectuellement, c’est fascinant », explique-t-il. En un an, c’est lui qui a développé l’appli pour Android. « Mon intégration n’a pas été compliquée car je suis issu de ce milieu technique. Quand j’avais 30 ans, je faisais déjà de la programmation, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, tout n’a pas changé. Certains principes sont comparables. On aligne toujours des lignes de codes. Les séniors peuvent tout à fait s’inscrire dans ces environnements de travail à condition de se montrer souples et de s’adapter rapidement », insiste-t-il. Au quotidien, Jean-Marc Levet joue le jeu de la start up. « Chaque matin, on fait un stand up meeting debout durant 10 à 15 minutes. Debout chacun explique ce qu’il a fait la veille, ce qu’il va faire dans la journée et on l’invite à s’exprimer sur ses difficultés rencontrées en lui proposant de l’aide. Je trouve ça grotesque, mais je m’y plie », conclut-il.

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Henri-Guilhem Arles, 49 ans, responsable commercial, Gymlib

Activité : plateforme de réservation de créneaux sportifs en ligne pour particuliers et entreprises, 30 personnes. Incubée par Le Tremplin – Paris&Co

En CDI, à temps plein depuis septembre 2017.

Sortir de sa zone de confort et ne plus perdre de temps ! Voilà ce qui a motivé Henri-Guilhem Arles à quitter une « world company » pour rejoindre cette start-up. « Je souhaitais être associé à la réflexion d’un projet et ne plus être seulement dans l’opérationnel avec des objectifs toujours plus hauts à tenir. Je recherchais une aventure agile où le droit à l’erreur n’est pas un vain mot », argumente-t-il. Chez Gymlib, ses souhaits semblent comblés. Et le fait « d’exploser la moyenne d’âge » de la boîte, n’est pas un souci. « J’apporte une expérience pratique et concrète, mon carnet d’adresses mais aussi une certaine capacité à arrondir les angles parfois. Mais attention, si je joue le sachant, je risque de me faire ubériser par mes jeunes collègues. Je dois prouver ce que j’avance et faire en sorte que cela soit utile au projet. Car ce qui nous lie, c’est effectivement le projet de l’entreprise. Et ce, quel que soit notre âge », détaille-t-il. Quand il a débarqué, c’est un stagiaire qui lui a expliqué le fonctionnement du CRM mais aussi d’un Google drive. « Je me sentais un peu bête mais cela a fonctionné. Il y a quelques années, j’aurais sans doute fait davantage le fier », reconnaît-il. Humilité quand tu nous tiens. Il apprécie également l’environnement de travail. « Quand on est crevé, on arrête de bosser. On n’est pas obligé de faire du présentéisme », illustre-t-il visiblement plus heureux qu’avant.

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Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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