Big bang de la formation professionnelle : et les cadres dans tout ça ?

Gilles Boulot

Avec sa réforme de la formation professionnelle, la ministre du Travail souhaite redonner la main à chaque salarié et en particulier aux moins qualifiés. Les cadres, historiquement gros consommateurs de formations, vont devoir réduire leur train de vie. Explications.
Big bang de la formation professionnelle : et les cadres dans tout ça ?

Elle avait promis un big bang, c’est plutôt un hold-up. C’est en tout cas de cette manière que les partenaires sociaux risquent de qualifier la réforme de la formation professionnelle initiée par celle qu’ils risquent très vite de surnommer Ma Dalton. Car la ministre du Travail entend bien leur retirer la gestion (en partie) paritaire qu’ils détiennent depuis des décennies.

L’Etat reprend la gestion des fonds

Exit les syndicats patronaux et de salariés et leurs OPCA (organismes collecteurs) dont la gestion est jugée pour le moins opaque. Place à l’Urssaf pour la collecte et à la Caisse des Dépôts. C’est à elle que va incomber la lourde charge de redistribuer les quelques 32 milliards d’euros que brasse chaque année de manière pas très claire la formation des adultes en France. Une nouvelle agence, baptisée France compétences et co-gérée par l’Etat, les Régions et les partenaires sociaux, sera chargée de faire le ménage au sein des quelques 90 000 prestataires aujourd’hui agréés pour former les actifs. Les Opca, quant à eux, garderont un rôle de conseils auprès des branches et des entreprises.

66 % des cadres ont suivi une formation contre 34 % des ouvriers

 

Le salarié choisit où se former

Outre ce putsch, la ministre a également annoncé une première mesure qui concerne plus directement les salariés. Désormais et après le millefeuille assez incompréhensible du Dif, du CPF et de toutes les mesures diverses et parfois contradictoires prises au cours des 15 dernières années, chaque salarié disposera d’un portefeuille en euros et non plus en nombre d’heures. Le compte professionnel de formation sera crédité de 500 euros par an, ou de 800 pour les moins qualifiés, que chacun pourra cumuler jusqu’à 5000 et 8000 euros sur 10 ans. Et, grande révolution, c’est le salarié lui-même qui décidera de le dépenser dans l’organisme agréé de son choix. Pour l’aider, une plateforme numérique, sorte de Tripadvisor des formations, verra le jour en 2019 pour l’aider à comparer les formations à partir des notations des utilisateurs.

Quid de la formation des cadres ?

Evidemment, ce chambardement de fond a ses raisons. Jusqu’à présent, seuls 3 salariés sur 10 profitaient des formations offertes. Et plutôt les salariés les plus qualifiés : 66 % des cadres ont suivi une formation contre 34 % des ouvriers, selon l’Insee. A vouloir rediriger les fonds de la formation vers les publics moins qualifiés, il est certain que le train de formation des cadres risque de ralentir. Il est certes urgent de mieux armer les décrocheurs scolaires qui manquent d’employabilité, ou de reconvertir des travailleurs aux métiers en perdition.

Bien que moins nombreux et quasiment en plein emploi (3,5% de chômage seulement), les cadres ont néanmoins, encore plus qu’hier, besoin de travailler leur employabilité. Car ils sont aujourd’hui en première ligne face à la transformation numérique qui affecte tous les métiers et toutes les entreprises.

Et ils doivent se former en permanence pour ne pas être distanciés. Ce « deux poids deux mesures », Laurent Berger, le patron de la CFDT l’a traduit en évoquant un « nivellement par le bas ». Dans le même registre, Pierre Gattaz, souhaite que l’on ne bouscule pas les choses aussi brutalement. Mais les deux hommes pensent peut-être autant à l’avenir de leur gestion paritaire de la formation qu’aux futures compétences des cadres.

Gilles Boulot
Gilles Boulot

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