
C’est une nouvelle voie pour la voix. Jusqu’ici confinés à une utilisation dans les foyers, les assistants vocaux débarquent dans le monde de l’entreprise. A l’occasion de la conférence du Big Bang du Figaro, mercredi 27 mars dernier, 4 experts ont dessiné un futur de l’entreprise avec ces assistants truffés d’algorithmes.
Si avant, vous aviez besoin du service informatique pour configurer votre email, Alexa pourrait bientôt vous aider. Dans un futur proche, l’enceinte connectée d’Amazon, pourrait même devenir « un collègue à part entière et avoir un corps robotique », a estimé récemment son créateur, Rohit Prasad.
Tous les métiers ne sont pas concernés
Si les Français connaissent bien les Siri d’Apple ou Amazon Echo grâce à leur smartphone, ils ne seraient que 8 %* à les utiliser quotidiennement. Ils s’en serviraient principalement pour des recherches sur la météo, la musique ou un itinéraire. « Alors qu’aux Etats-Unis, leur utilisation est plus généralisée, commente Yann Lechelle, directeur des opérations chez Snips, une une start-up française concurrente des assistants vocaux des Gafam, qui vend des interfaces vocales en marque blanche. Tout petits, ils connaissent trois mots de vocabulaires : papa, maman et Siri », plaisante l’expert.
Pour Ariane Bucaille, associé TMT chez Deloitte, les assistants vocaux pourront être utiles mais pas dans tous les métiers. « D’abord, il faut travailler dans un environnement calme pour que ça fonctionne, précise-t-elle. Et puis ils seront surtout utiles aux salariés qui travaillent avec leurs mains, comme les professions médicales, biomédicales ou dans la restauration. »
Risque de déshumanisation
Dans les professions commerciales, les assistants vocaux sont déjà très utilisés dans les call center. Ils répondent à vos requêtes pour accéder à un service. Mais leur utilisation est remise en cause. D’après Olivier Duha, co-fondateur et co-président de Webhelp, société qui propose des solutions d’externalisation des processus métiers, certains Gafam se seraient aperçus qu’une partie de leurs clients ne parlaient plus à un humain lors de leurs échanges. « Ils ont décidé de réhumaniser leur relation clientèle », explique-t-il. Pour l’expert « la machine et l’homme peuvent être complémentaire à condition de faire des requêtes simples et aussi de garder le côté humain dans la relation. »
Une aide précieuse pour les personnes handicapées
Quand il s’agit d’assister les personnes qui souffrent d’un handicap, l’utilité des assistants vocaux est plus justifiée et moins source de débat. Pour aider les personnes malvoyantes et non-voyantes, l’entreprise israélienne Orcam MyEye commercialise un assistant vocal qui se fixe sur des lunettes. Avec des gestes simples, l’assistant vocal prend le relai quand une personne malvoyante n’arrive pas à lire un article ou reconnaitre un visage. Une efficacité qui se paie environ 4 500 euros pour un appareil. A noter que même si la technologie peut aider certaines personnes handicapées, elle peut en exclure d’autres. Les personnes sourdes et muettes pourraient se retrouver isoler du système si les requêtes orales venaient à devenir la norme.
Bientôt la traduction orale instantanée
Autre fonctionnalité très utile pour tous ceux qui ne sont pas polyglottes : les assistants vocaux traducteurs. La traduction instantanée est déjà très utilisée à l’écrit par les services clients. Mais bientôt, on aura la possibilité d’échanger à l’oral dans sa langue maternelle avec un étranger, explique Yann Lechelle, directeur des opérations de Snips. On pourra se balader dans un pays et avoir une traduction instantanée », explique-t-il. Les grands perdants de cette innovation pourraient bien être l’orthographe et l’apprentissage des langues.
Ce qui est techniquement fascinant n’est pas toujours humainement souhaitable
Le risque d’attachement à un algorithme
L’autre risque évoqué par l’un des participants : s’attacher à une voix artificielle. C’est le propos du film de Spike Jonze , « Her », sorti en 2014. Dans cette fiction située en 2025, Théodore, un écrivain public fraîchement divorcé, tombe amoureux de son assistante vocale : Samantha.
>> Voir la Bande annonce du film Her, de Spike Jonze avec Joaquin Phoenix Lynn Adrianna Lisa Renee Pitts Gabe Gomez Chris Pratt
Et même si ce n’est qu’une fiction, pour le philosophe Pierre-Antoine Chardel, « il faut rester vigilant. Car plus l’intelligence artificielle est proche de l’être humain, plus notre esprit critique doit s’affuter », avertit ce professeur de sciences sociales et d’éthique à l’institut Mines-Télécom business school. Et d’insister : « Ce qui est techniquement fascinant n’est pas toujours humainement souhaitable ».En effet les assistants vocaux sont programmés et personnalisables pour répondre à nos besoins et nos attentes. « Et si certains outils technologiques permettent de pallier une absence, ils ne sauraient combler une réponse au besoin d'être reconnu », prévient le philosophe.
Et l’intelligence artificielle a le don de prendre racine quand la société va mal. « Plus nous vivons dans une société où les repères de sens deviennent troubles, plus nous sommes en demande de ce type de communication qui est facilement à notre disposition », explique-il. Pour éviter ce type de dérive, le philosophe conseille de continuer à s’interroger sur le vivre ensemble. « Les intelligences artificielles nous font nous sentir uniques, mais elles entretiennent des relations avec des milliers d’autres utilisateurs », rappelle-t-il.
Bientôt un assistant vocal télépathe
Ce n’est qu’un scénario, mais une intelligence artificielle pourrait bientôt lire dans vos pensées. Aujourd’hui on utilise le tactile, mais un jour on pourra peut-être contrôler notre assistant vocal avec une interface neuronale. Ce n’est pas encore pour demain. Heureusement ou malheureusement ?
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Etude YouGouv réalisée auprès de 1 003 personnes représentatives de la population française de plus de 19 ans, du 24 au 25 janvier 2018 selon la méthode des quotas.
