Chief Brexit officer : un nouveau métier à plus de 100 000 € par an

Gilles Boulot

Ces talents sont des managers de transition chargés de régler les problèmes que peuvent rencontrer les entreprises françaises face au Brexit. Des profils de numéro 2 provisoires, aux compétences rares, donc plutôt bien payées.
Chief Brexit officer : un nouveau métier à plus de 100 000 € par an

Parfois, l’actualité internationale percute celle de l’emploi. C’est ainsi qu’un métier nouveau, et plutôt temporaire, est en train de voir le jour : celui de chief Brexit officer. Son apparition est évidemment liée au référendum britannique et à ses conséquences. Elles pourraient avoir un impact direct sur les entreprises qui travaillent avec l’Angleterre et semblent même en affoler certaines. « Surtout depuis le début de l’année », a constaté Thierry Fournier. Il est directeur associé d’EIM (Executive Interim Management) et en tant que spécialiste du management de transition, il a eu l’idée de créer ce nouveau job né d’une prise de conscience un peu tardive, puisque le référendum validant la sortie de l’union remonte à 2016. D’autant que toutes les entreprises n’ont pas encore mesuré la portée de l’évènement. « Les multinationales ont tendance à confier ce problème à leur directeur de la transformation, et les plus petites n’imaginent pas le pire et pensent que la sortie se fera grâce à un accord avec Bruxelles », analyse Anthony Baron. Il est le co-fondateur d’Adequancy, le premier cabinet de management de transition entièrement digital.

 

Des missions à durée limitée

Mais entre les grands groupes et les PME, les ETI, quant à elles, s’inquiètent, et s’en sont ouvertes à Thierry Fournier qui s’est mis à la recherche de profils capables de gérer ce type de crise en leur proposant des missions « dont la durée peut varier entre 6 mois et un an ». Qui peuvent surtout varier en fonction de l’agenda anglais lié à la sortie de l’Union, qu’elle soit immédiate ou plus lointaine, brutale ou plus douce, ou qu’elle soit assortie d’un nouveau référendum.

Il faudrait 500 chief Brexit officer tout de suite

Des profils de DG

Évidemment, le profil de ces managers pas comme les autres est du genre particulier. Et la liste de leurs compétences est aussi longue qu’un discours de feu Fidel Castro. Thierry Fournier tente de la résumer. « Ce sont des spécialistes de la supply-chain, du digital, des RH et des certifications. Ils doivent en plus avoir une grande connaissance du marché anglais et être capable de manager de grosses équipes ». Rien que ça. « En fait, ils ont un profil de directeur-général de haut niveau ». Et, toujours selon le boss d’EIM, il en faudrait 500 tout de suite pour satisfaire la demande.

 

Quinquas welcome !

Reste que, à toutes les compétences que le Brexiter doit afficher, il doit y ajouter une parfaite connaissance du secteur dans lequel il doit s’immerger. « C’est le cas pour les équipementiers automobiles confrontés au Brexit », précise Thierry Fournier. Car l’Angleterre regorge encore, pour quelques temps du moins, de nombreuses unités de production de voitures. On imagine donc, dans ce type de job, un ex-cadre de haut vol de chez Valeo, Plastic Omnium ou Faurecia, rangé des voitures, qui a quitté son poste volontairement ou involontairement. C’est le cas aussi pour les pétroliers et l’industrie chimique ou manufacturée en général. De là à songer à des quinquas forts d’une longue expérience, il n’y a qu’un pas.

 

Des missions ultra complexes

Et une fois en poste, quelle est la mission confiée à ces managers de haut vol ? Ils doivent tout d’abord répertorier la foultitude de problèmes posés par un Brexit, quel qu’en soit le type. Des soucis RH qui vont du sort  des expatriés français sur le sol anglais, à des détails comme une modification de la RGPD européenne en cas de sortie de l’Union en passant par l’imbroglio douanier et fiscal qui risque de surgir, et ses conséquences sur la chaîne logistique. Une fois les constats effectués, le chief Brexit officer doit se transformer en scénariste. A lui d’imaginer des process différents à mettre en place en cas de sortie anglaise de l’Europe sous la forme d’un no deal, ou une version plus soft et négociée. A lui aussi d’imaginer une situation de transition où la sortie, et un éventuel référendum serait encore repoussé.

Dans l’idéal, c’est un numéro 2 provisoire.

Des salaires à plus de 100 000 euros

Évidemment, pour évaluer la situation et mettre en place l’un de ces scénarios, le Brexiter doit non seulement avoir l’oreille de la direction de l’entreprise, mais aussi être à même de convaincre les équipes d’engager lesdites solutions le plus rapidement possible. « Dans l’idéal, c’est un numéro 2 provisoire ». D’où la nécessité pour lui d’être un manager aguerri. D’où la nécessité aussi de le payer au juste prix. 100 KE ? « Plus que ça », se contente pudiquement de lâcher le spécialiste de la transition. De tels oiseaux rares existent pourtant, et Thierry Fournier en a déjà recruté, qui sont déjà en poste, même s’il en recherche encore.

Le Brexit, et après ?

Bien sûr, tout a une fin et le Brexit, comme tous les évènements conjoncturels, ne fera pas exception, malgré l’atermoiement anglais. Mais une fois la sortie de l’union entérinée, ou définitivement remisée, que deviendront ces 500 chief brexit officers ? S’ils peuvent rester quelques mois en place pour coordonner la mise en place du scénario qu’ils ont échafaudé, leur place n’est plus dans l’entreprise lorsque tout est parfaitement rodé. C’est le sort de ces pompiers de l’impossible. Avant un nouvel incendie politique et financier.

Gilles Boulot
Gilles Boulot

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